Pray for me de Marie HJ

by Gwen

Titre Pray for me

Auteur Marie HJ

Date de sortie 27 novembre 2019

Un titre à commander ici en intégrale Pray for me

et ici en version soft Pray for me version soft

L’amour ne se réjouit pas de ce qui est injuste, mais il trouve sa joie dans ce qui est vrai ;

il supporte tout, il fait confiance en tout, il espère tout, il endure tout.

Un peu gonflé d’entamer une chronique par une citation religieuse? Pas faux, mais en découvrant ce roman de Marie HJ qu’on m’a conseillé depuis fort longtemps, je n’ai pu m’empêcher de repenser à ce texte, au point d’aller en chercher la citation exacte.

En effet, si vous avez déjà lu Pray for me, vous comprenez le sens de cette citation. Si vous ne l’avez pas encore lu, que faites-vous là au lieu de vous y plonger ?

Je plaisante -à demi- mais j’espère que cette chronique vous donnera envie d’embarquer dans cette histoire qui a tout ce qu’il faut pour atteindre le cran au-delà du coup de cœur, celui de la shortlist des romans incontournables à recommander absolument.

Avant de vous expliquer les raisons pour lesquelles, quelques heures après avoir lu le mot « fin », je suis encore sous l’emprise des sentiments que ce roman a fait naître chez moi, laissez-moi vous en poser le décor.

Le décor, c’est Littlewood, une petite ville américaine ni très grande ni très petite, où tout le monde se connaît et vit au rythme paisible du travail, des relations de voisinage et des prêches du dimanche au temple.

Toute la communauté est soudée par le charismatique pasteur Dennis Cummis. Et ce n’est certainement pas la famille Kimbrough qui dira le contraire. Frappés par un deuil terrible, les parents ont trouvé leur réconfort auprès de celui qui a su trouver les mots et prendre une place centrale jusque dans les décisions familiales.

Leur fils Jude est le parfait disciple de ce mode de vie où rien ne dépasse. Il aide à la paroisse le dimanche, ne dit pas un mot plus haut que l’autre, pas un gros mot non plus d’ailleurs. Bref, le fils parfait, même trop parfait peut-être, qui fait tout pour ne surtout causer aucun souci à ses parents.

Sa vie se déroule paisiblement avec ses deux meilleures amies, Luce et Paola. Qui sait, un jour même, il épousera peut-être l’une des deux et la ronde du temps pourra se poursuivre.

Toute cette mécanique bien huilée s’enraye lorsqu’une nouvelle famille s’installe de l’autre côté du jardin. Une famille? Et quelle famille! Une mère divorcée qui vit avec un autre sans être mariée et a un fils à la réputation sulfureuse, Saul. Pire encore, le couple illégitime vient de reprendre le bar à bikers à la sortie de la ville. Autant dire que pour la communauté bien-pensante, mais pas très tolérante, c’est le loup qui entre dans la bergerie.

Pour Jude, par contre, Saul ouvre de nouveaux horizons, de petites transgressions, mais aussi d’un lien fort, unique, plus intense que ce qui l’unit à n’importe lequel de ses amis. Et si c’était plus que ça?

Les deux garçons, séparés par les choix de la vie, sont aussi d’un côté et de l’autre de la barrière. Si Saul assume rapidement son attirance pour les garçons, dans le cœur de Jude, les choses sont plus complexes. Il n’aime pas LES garçons, il aime Saul.

Mais comment céder aux élans de son cœur lorsque le pasteur Cummis répète sur tous les tons que les sodomites iront tous droit en enfer et quand sa propre mère est prête à renier son fils unique pour son orientation sexuelle?

Alors ne reste pour le fils dévoué qu’une solution, le camp de réflexion organisé par les Anges de la résurrection et le Dr Lorens. Vous visualisez la réalité derrière ce joli titre? Vous n’avez rien vu.

Ce roman m’a bouleversée. Il fait le choix d’une narration sur la durée qui permet de pleinement entrer dans la vie et la relation de Jude et Saul. Chaque étape bénéficie de la plume puissante et délicate de Marie HJ, de sa façon irrévérencieuse de donner vie aux pensées cash et pleines d’émotions de Saul, des doutes dont est pétri Jude, un personnage au cœur en or et aux dilemmes tout aussi profonds, des pensées philosophiques et délicates d’Amélia, la grand-mère de Saul, de la version sans filtre de sa fille, l’attachante Rita.

J’ai été touchée par la découverte du sentiment unique qui unit les garçons. Dans un passage d’une douceur et d’une évidence limpide, le relation bascule et tout prend un sens nouveau. C’est beau, c’est fort, c’est parfait d’une implacable logique et très doux en même temps.

J’ai aussi savouré les moments tantôt frustrants, tantôt touchants de la relation à distance. Dans ce passage du roman, on oscille entre une amitié aux pieds d’argile et un sentiment plus fort qui ne veut pas dire son nom. Ce moment est marquant aussi parce qu’il pose, pour Saul, les bases d’une relation de confiance avec son père et offre une facette de parentalité qui ne manque pas de poids dans la suite de l’histoire.

La suite, évidemment, je ne vous la raconterai pas en détail, mais je l’ai vécue avec une intensité telle que j’ai souvent été obligée de mettre ma lecture en pause. Pas parce que je n’aimais pas, bien au contraire. J’en ai pris plein le cœur, plein l’âme, plein les tripes et plein les yeux.

Ça fait beaucoup pour un seul roman? Et c’est encore loin du compte.

Dans ce roman, Marie HJ nous offre une romance dont elle a le secret, toute en intensité, en évidence et en passion. Je ne reviendrai pas sur la façon dont elle m’a convertie à l’homoromance -le terme de conversion, dans ce roman, me perturbe un peu!

Mais la force de son intrigue, dans la partie où on sort de l’adolescence pour une entrée tonitruante dans l’âge adulte s’organise autour d’un événement central. On a « l’avant », un avant trompe-le-sort où le bonheur apparaît d’autant plus précieux qu’il repose sur des fondations bancales et peut à tout moment être balayé comme un fétu de paille. Pour Saul, c’est l’accomplissement de ce à quoi il aspire depuis ses 14 ans, le Nirvana sur terre. Pour Jude… C’est plus compliqué. Il découvre, se découvre et vit son bonheur. Mais à quel prix! Il renie les principes qui ont fondé sa vie depuis 10 ans. Surtout, il est déchiré, face à ce que sera le regard des autres. Lâcheté direz-vous? J’aimerais bien vous y voir!

Depuis dix ans on lui a seriné les mêmes discours intolérants qui lui font se demander s’il n’est pas la pire des abominations et Saul l’incarnation du démon. Mais il y a plus. Ses parents. Tout, dans sa vie, est fait pour eux, pour leur faire plaisir et être le fils qu’ils veulent. Et pour cet amour dévorant, qui donne à sa vie un sens et plus encore un oxygène, il faudrait bafouer ses croyances et faire pleurer ses parents jusqu’à leur fendre l’âme ?

Le dilemme est particulièrement rendu et rend l’atmosphère oppressante parce qu’on sent qu’il n’y a pas de solution parfaite et qu’il n’y aura pas de résolution sans drame, dans un sens ou dans l’autre. Autant dire que chaque instant de bonheur n’en est que plus précieux !

Il contraste violemment avec le « pendant » le séjour de Jude dans l’antre diabolique des anges. Le fait que ce moment soit vécu, comme le reste du roman, à travers leurs deux regards donne une intensité particulière entre celui qui subit, cherche sa voie et s’appuie sur des béquilles et des vrais appuis et celui qui subit l’absence, imagine et peste de son impuissance.

J’ai été très sensible, en particulier, à la lutte déchirante et désespérée de Jude entre les morceaux fracturés de son âme, entre ses sentiments profonds et ce qu’on tente de lui faire ingurgiter par la force, la persuasion, par des moyens abjects et bien loin de tout idéal d’amour prôné par les religions.

Comme beaucoup de personnes, j’ai entendu parler de ce que certains, toutes religions confondues, pouvaient faire subir à ceux qui pensaient différemment, vivaient hors du sentier balisé, aimaient hors de la codification pré établie. J’y voyais des phénomènes moyennâgeux. Le récit actuel et terriblement concret, fondé sur une documentation solide, des thérapies de conversion m’a mise en colère, emplie de peine et d’empathie et m’a donné envie -bon d’ailleurs je n’ai pas résisté- de serrer jolie princesse et petit homme dans mes bras en leur promettant que notre amour de parents est inconditionnel et ne souffre d’aucune condition, d’aucun chantage ni d’aucun jugement sur ce qu’ils sont et deviendront.

Ce roman interroge, beaucoup, sur l’amour bien sûr, sur la tolérance assurément et aussi sur la parentalité. Le choc est frontal, brutal, salutaire.

Il l’est d’autant plus que, loin de céder à la facilité d’un happy end que l’on pouvait supposer, Marie HJ pousse l’attention pour ses personnages et l’intelligence de son récit -ce qui n’est en rien une surprise- jusqu’à nous raconter « l’après ».

Naïvement, on pourrait se dire qu’une fois les portes de l’enfer refermées, il ne reste que le paradis des justes et des amants.

Quoi? Ce serait si simple? On repart sur un au-revoir et on efface les jours de thérapie, la ronde délirante de l’acceptation, du rejet, de la religion et du traitement?

Je ne vous cache pas que, au moment où je pensais pouvoir un peu soulager mon cœur malmené, l’autrice a procédé à une sacrée relance, d’une puissance et d’une empathie folle et qu’elle complète à merveille cette histoire à part.

Dans cette chronique, j’en ai dit beaucoup, trop peut-être par rapport à ce que je vous livre habituellement. Et encore, il y aurait tellement plus à vous raconter, en vous parlant de seconde chance, de la force morale qu’il faut pour se remettre en cause, pour évoluer, pour faire les choix les meilleurs pour soi et pour les siens.

Il m’a fallu plusieurs heures après le mot « fin » pour débrouiller l’ensemble des sentiments qui m’ont assaillie pendant cette lecture.

Il y a de l’amour, incontestablement.

Un amour qui naît comme un amour d’enfant, mais qui grandit, inexorablement jusqu’à devenir L’amour, celui qui ose tout, celui qui endure tout, celui qui n’a pas de limite … à part le regard des autres, la pression des autres, la certitude des autres, ceux qui pensent détenir Le savoir, les clés du paradis et celles du jugement.

Dans un registre plus léger, je vous parlerais de bikers fées du logis. Si si c’est une espèce à part, mais ô combien attachante.

Je vous dirais que la religion peut être la plus belle des choses quand elle ne devient pas obscurantisme, quand elle se rappelle que tous les textes sacrés parlent d’amour, de pardons et de montagnes à gravir avant de parler châtiment et exclusion.

Je vous raconterais également l’indicible, le cœur de cette histoire qui m’a émue aux larmes, une plongée dans l’enfer que l’on peut imposer aux autres au nom de ses convictions, ni au nom de rien du tout d’ailleurs.

Je vous dirais aussi que, quel que soit son amour, quel que soit son parcours, j’ai vibré des dizaines de moments d’empathie, de remises en question et d’une envie irrépressible, à la dernière page, celle d’enlacer tout ceux que j’aime en leur promettant que rien n’est si grave en amour qu’il mérite l’éternelle damnation, au ciel, ou sur terre.

Je vous dirais aussi que ce livre devrait être lu par le plus grand nombre, parce qu’il est utile en plus d’être beau, parce qu’il en existe même une version « soft ». Non pas édulcorée sur ses messages les plus forts, mais allégé des scènes sexuelles les plus explicites qui pourraient gêner certaines sensibilités, sans occulter les passages les plus émouvants, ni ceux qui poussent à la réflexion.

Je vous dirais enfin, parce qu’il faut bien, malgré tout, conclure ce moment à part, que si quelqu’un doutait encore du fait que la romance, loin d’être un « sous-genre » est une expression à part entière qui permet d’aborder des dizaines de thèmes universels, tantôt légers, souvent lourds, il devrait lire ce roman pour changer de point de vue. Je vous dirais aussi que Marie HJ, peu importe le nom de plume qu’elle emprunte, est incontestablement une magicienne des mots et des sentiments qui m’emporte plus fort à chacune de mes lectures et que j’ai hâte de découvrir la prochaine pépite qu’elle nous prépare.

Pépite? Ça vous rappelle quelqu’un? Sans aucun doute mes chouchous. Quelqu’un qui vous hurle d’aimer, qui vous murmure de résister, qui sanglote de ne pas craquer. Quelqu’un qui n’a qu’une dernière requête. Pray for me

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