Marko de Matthieu Biasotto

by Gwen

Titre Marko

Auteur Matthieu Biasotto

Date de sortie 9 juin 2021

Un titre à commander ici Marko

Depuis un peu plus d’un an, maintenant, je fais le tour du monde avec Matthieu Biasotto.

Après l’Australie avec Deaken,  https://melimelodegwen.fr/deaken-de-matthieu-biasotto/ , la Grèce avec Noan,  https://melimelodegwen.fr/noan-de-matthieu-biasotto/, la Scandinavie avec Hakon https://melimelodegwen.fr/hakon-de-matthieu-biasotto/ et l’Ecosse avec Tearon https://melimelodegwen.fr/tearon-de-matthieu-biasotto/, cette fois-ci, cap vers la Colombie pour un roman mêlant avec maestria romance et suspense.

Je vous en plante le décor. Gina Di Maria et sa sœur Kara cherchent à fuir la Colombie pour rejoindre le Panama, synonyme d’exil et de protection. Mais sur la route de leur cavale, elles sont kidnappées par un inconnu sombre et mystérieux. Un inconnu, vraiment? Ou plutôt un fantôme du passé, Marko, un personnage implacable et déterminé.

Dans un huis-clos oppressant et plein de multiples tensions, Gina et Marko vont se confronter, se reconnaître, tenter de cerner leur adversaire, de déjouer ses plans et ses projets pour assurer l’essentiel, la survie.

Là où les choses se compliquent, c’est que la tête de Gina est mise à prix. Pas par n’importe qui! Par Fernando Esteban, le chef d’un cartel que personne, ni ses rivaux, ni la police, ne parvient à faire tomber.

Il est résolu à mettre la main sur les sœurs Di Maria. Marko travaille-t-il pour lui? Contre lui? Pour l’un de ses rivaux? Est-il en lien avec Ivanex Moshe et Yokaira, deux étranges personnages dont on cherche la trace tout au long du roman?

Qu’attend-il de Gina?

Jusqu’où contrôle-t-il ses sentiments à son encontre? D’ailleurs, quels sont-ils, ces sentiments? De la haine? Du regret? De la nostalgie? De la revanche? Du désir?

Bien évidemment, vous vous en doutez, je ne répondrai -du moins directement- à aucune de ces questions. C’est bien ce qui rend cette chronique aussi passionnante que complexe à rédiger.

Hors de question de vous révéler le moindre élément qui vous en dirait trop. Pourtant, ce n’est pas l’envie qui me manque de vous dire de quelle façon j’ai vibré à chaque fois qu’un nouveau voile se levait sur l’intrigue.

J’ai l’habitude d’être emportée par le sens du suspense qui habite les romans de Matthieu Biasotto, héritage vivace de sa période pur polar. J’admire à chaque fois ses intrigues millimétrées et les retournements de situation. Dire qu’il a frappé très fort ici est un euphémisme. Il m’a bluffée jusqu’à l’instant où il a décidé de nous octroyer les révélations.

Dans cette chronique donc, à défaut de vous expliquer le « comment » l’intrigue est construite, je voudrais vous expliquer le « pourquoi », c’est-à-dire toutes les raisons pour lesquelles ce roman, comme les autres titres de Matthieu Biasotto que j’ai découverts depuis un an, a été d’une efficacité remarquable pour me mener au coup de cœur.

Tout d’abord, il y a le cadre de ce roman.

Je ne suis pas très attirée par l’Amérique Latine en général, ni la Colombie en particulier. Pourtant, dans l’écriture de Matthieu Biasotto, on en ressent l’esthétique éclectique des rues grouillantes de la Comuna 13 ou de la Trece, du luxe des villas de Carthagène ou de la beauté abrupte des montagnes de Putumayo. Sans que cela alourdisse le récit, l’écriture de l’auteur m’a donné envie d’en prendre plein les yeux. Contrat rempli!

Ensuite, il y la thématique de l’histoire. On baigne en plein trafic de drogue. J’ai aimé la façon dont il est envisagé. Ce ne sont pas seulement les villas de rêve et les parrains inquiétants qui sont mis en scène. On assiste à une plongée en interne, parfois technique, ce qui renforce la crédibilité du tout, sur le fonctionnement d’un cartel, des mules à la logistique, des petites mains aux têtes pensantes. Sans dédouaner en rien le trafic, on sent dans ce roman un vrai sens de la nuance qui hurle la misère humaine qui pousse souvent des malheureux à accepter l’inacceptable. On voit aussi que du bas au haut de l’échelle, la marge de manœuvre n’est pas des plus larges.

L’intrigue est évidemment le point fort de ce roman. Elle monte crescendo, se révèle dans les dernières pages où tout se met en place et où l’on comprend tous les pièges que l’auteur nous a tendus pour nous emporter avec brio vers des fausses pistes.

À plusieurs reprises, je suis retournée sur mes pas pour comprendre où était la feinte dans laquelle j’étais tombée tête la première. L’ambiance dans laquelle s’engluent les personnages et mes déductions ont complété le traquenard subtilement mis en place. Bravo pour le lot de surprises qui ont déferlé sur moi !

Dans ce processus de mystère, l’auteur manie habilement le passé des deux personnages. Ils se sont croisés, heurtés, confrontés, malmenés. Leurs confrontations ont tout du rendez-vous manqué. Mais en les dévoilant peu à peu, tantôt on comprend mieux les tenants et les aboutissements de l’intrigue, tantôt au contraire, le doute s’épaissit et renforce le suspense.

Un autre point très fort de ce roman tient dans son casting.

Commençons par Marko. Déterminé, il tient à la fois chien fou et de l’homme très méthodique.

Au passé qu’il dévoile peu à peu, on comprend un peu mieux ses failles et ses doutes. Les pans de celui-ci qui concernent Gina justifient aisément cette forme d’attraction/répulsion qui est à l’œuvre entre eux.

Chaque rencontre confirme la force de leur lien. Mais elle creuse aussi le fossé qui les sépare et les renvoie l’un et l’autre sur ses deux berges. Et ce n’est pas le malheureux lien qui passe de l’un à l’autre comme un talisman qui pourra effacer les mots acerbes qu’ils échangent à chaque fois, comme si la morsure était le seul contact possible.

Pourtant, il y a aussi entre eux une dépendance toxique.

J’accepte de crever par le vide que sa peau laisse sur la mienne

Il y a, et le parallèle saute aux yeux dans le contexte du roman, quelque chose de l’ordre de l’addiction à une drogue entre eux.

Gina est à la fois l’objectif de Marko, mais aussi sa plus grande faiblesse. Celle qui le rend dingue et lui fait perdre son contrôle. Celle qu’il ne peut approcher mais ne sait comment garder à distance.

Ce lien est très bien rendu et m’a mise dans un état de frustration que j’ai adoré.

De Marko, j’ai aussi aimé le sens du devoir et de l’attachement, le dévouement à ses proches, Esteban, Tristan et Carmen et la façon dont chacun est prêt à tout pour les autres. Vu son passif, j’ai été soulagée qu’il ait trouvé des points d’ancrage au milieu de son parcours chaotique.

Enfin, j’ai fondu pour ses paradoxes, sa rudesse affirmée et la tendresse qu’il laisse échapper presque malgré lui, l’air de rien. À cet égard, une scène de confidences sur la plage révèle à elle seule tout ce qu’il faut savoir de lui ou presque, dans sa façon d’avancer, dans l’ombre. Et je ne vous parle même pas des élans poétiques qui lui échappent parfois et qui m’ont fait frémir. Malheureusement, la citation, que j’ai scrupuleusement notée dans mes calepins, en dit beaucoup trop sur l’intrigue pour être reportée ici. Mais elle est entrée dans mon top 10 des citations qui me rendent toute guimauve.

Mais pour qu’il y ait un équilibre, il faut une héroïne à la hauteur.

Et c’est là que Gina entre en scène. Au départ, je l’ai vue comme la pauvre petite fille riche aux décisions inconséquentes. Mais ça ne collait pas avec son obsession première et absolue, celle qui dicte toute sa vie et ses choix, du mauvais au pire, la protection de sa petite sœur Kara. D’abord vécue comme un fardeau dont elle s’échappait fronde à la main, c’est devenu sa mission, sa croisade. Sa détermination totale force l’admiration, d’autant que, à titre personnel, je n’ai pas une grande empathie pour ladite sœur, trop gâtée, trop exigeante et soit égoïste soit inconsciente de ses actions et de leurs répercussions.

Mon regard sur Gina a évolué en suivant son long cheminement, ses errances et la façon dont, peu à peu, ses choix se sont restreints. Là encore, j’ai aimé son intelligence et son anticipation, sa façon de mettre sur pied des plans infaillibles que le destin s’est empressé de piétiner.

Il y a quelque chose de désespéré dans la façon dont Gina se débat pour atteindre ce but illusoire et c’est très beau.

De la même façon, j’ai aimé voir progresser le malaise perceptible entre sa raison qui lui présente Marko comme le mâle à abattre et tout ce que son cœur lui souffle malgré elle.

Enfin, c’est dans ses moments de doute et de faiblesse, où elle lutte encore, avec l’énergie du désespoir, alors que tout est perdu, que j’ai eu le plus d’affection pour elle et une furieuse envie de la serrer dans mes bras pour lui intimer de cesser de combattre. Dire qu’elle est perdue est encore loin du compte. Heureusement, les mots de l’auteur sont une excellente boussole.

J’ai joué avec la chimie comme on joue avec le feu, et j’ignorais tout de l’alchimie …

comme on ignore tout de la vie avant de la traverser à deux.

Dernier élément qui a fini de m’emporter vers le coup de cœur, la tension sensuelle entre les personnages. On est loin d’une romance conventionnelle et le lien entre Marko et Gina est difficile à classifier: désir brut? syndrome de Stockholm? stratégie de la douceur? Moyen d’adoucir la détention, d’endormir la vigilance?

Dans tous les cas, c’est aussi fort que frustrant, aussi puissant qu’addictif. Là aussi, les mots de l’auteur et son sens de la mise en scène et d’un rendu presque visuel contribuent à faire grimper la température de la lecture et à ajouter cette insoutenable tension à celle déjà générée par l’intrigue en elle-même. Le dosage qu’il a fait peser entre romance et suspens donne à l’ensemble une atmosphère dense, oppressante, prenante, dont il est difficile de s’enfuir avant le mot fin.

Avec son talent de la narration et du suspense, Matthieu Biasotto m’a ballottée entre toutes les questions que j’ai évoquées ici comme entre tant d’autres incertitudes que je me dois de taire.

Jusqu’au bout, j’ai été malmenée et perdue dans ma lecture et j’ai adoré ça.

Encore une fois, un immense bravo pour ce roman impossible à lâcher. Je quitte la Colombie avec la difficulté qui me saisit quand je quitte un roman qui compte. Mais l’esprit déjà ouvert vers la prochaine destination.

On part où cette fois?

 

 

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