Les larmes de Satan 2: Dans l’Ombre d’Alice de Gilles Milo-Vacéri

by Gwen

Titre Les Larmes de Satan

Volume 2/3 dans l’ombre d’Alice

Auteur Gilles Milo-Vacéri

Éditeur Éditions du 38

Date de sortie 26 juillet 2018

Un titre à commander en cliqaunt ici Les larmes de Satan 2 dans l’ombre d’Alice

Il y a quelques semaines, je vous parlais ici du coup de cœur que j’avais ressenti en retrouvant la plume de Gilles Milo-Vacéri pour un roman historique si puissant que j’aurais aimé en être l’auteur (voir la chronique ici https://melimelodegwen.fr/les-larmes-de-satan-tome-1-le-groupe-opera-de-gilles-milo-vaceri/ ).

J’ai même eu la chance de vous le présenter dans l’un des épisodes de mon podcast (lien Spotify ici https://open.spotify.com/episode/47oFC8uaDL9xZatNeSsDGn?si=E_mqDGaERoyGraSruvhjLw).

Autant vous dire que l’impatience était immense de découvrir la suite de ce roman historique qui, plus encore qu’une plongée dans la période sombre de l’Occupation, est un roman d’Humanité.

En effet, tous les sentiments s’y télescopent avec passion, entre exaltation et désespoir, dans une urgence rendue nécessaire par la situation ambiante. Face à un avenir qui ne cesse de s’obscurcir, il n’y a qu’un impératif, savourer chaque jour comme s’il était le dernier.

Dans ce récit superbement mené et qui m’a captivée de la première à la dernière page, on croise des héros du quotidien qui ignorent la portée de leurs actes, guidés par la seule logique humaine. On suit des hommes et des femmes de devoir, pleinement conscients des risques à courir pour l’intérêt supérieur, la liberté, l’égalité, la patrie.

On est obligés de voir, à l’opposé, des lâches, des opportunistes, des bien-pensants pour qui la propagande officielle tient lieu de justification absolue. Pire, on affronte les convaincus, ceux qui croient en la doctrine nauséabonde et sont convaincus de la justesse de leur engagement.

Mais on croise aussi, au détour de ce tome intense, des belles surprises comme un officier de la Wehrmacht qui rappelle que tous les Allemands n’étaient pas des nazis. Et puis on fait face à des sentiments qui semblent presque incongrus dans ce contexte tellement hors norme. La jalousie, l’amitié, la loyauté à un certain code d’honneur, un esprit d’entraide et de partage qui claque comme une lumière tremblante et pourtant éblouissante.

Mais il y a surtout l’amour. L’amour désespéré de la mort d’un frère, d’un époux, d’un enfant. L’amour « quand-même » d’un père face à son fils. L’amour éperdu comme un pied de nez aux périls, l’amour jaloux de ne pas être payé de retour et qui pousse aux pires compromissions, aux pires folies.

Et j’ai aussi été touchée par l’amour de ces frères d’armes les uns pour les autres. Dans ce registre, le premier volet avait montré le lien presque instantané entre Antoine et Jean-Paul Mazières.  Une reconnaissance immédiate qui fait qu’on serait prêt à aller jusqu’en enfer, aller-retour, pour l’autre, sans réfléchir, sans hésiter, sans peser le pour et le contre. Juste parce que c’est lui.

Évidemment, on pourrait se dire que les épreuves que traversent les deux hommes  depuis leur première mission chaotique ont forgé aussi une confiance réciproque. C’est un fait. Mais il y a bien plus. Il y a des questions qu’on pose, des missions qu’on ne confie qu’à quelqu’un qui occupe, dans sa vie, un lien inaltérable.

Ce roman pourrait être le « simple » récit, extrêmement cohérent, et bien documenté, de faits de guerre, d’actions de différents réseaux et mouvements de résistance, de faits d’armes tellement culottés qu’ils en paraissent incroyables.

Ce serait déjà beaucoup.

Il pourrait être une histoire politique de la Résistance.

Il l’est, d’une certaine façon.

Dans le premier volet, l’arrivée d’Émile Courtin et le choix d’Alice de Louvres comme interlocutrice était un signe des liens entre Londres et certains, ou plutôt de la méfiance envers les communistes.

Mais dans cette partie, on sent, plus encore, les tensions entre ceux du dehors et la Résistance intérieure. L’historienne en moi, en lisant la rage d’Antoine face au défaut de ravitaillement, n’a pu s’empêcher de penser Vercors. La mention d’un certain haut fonctionnaire, préfet de Chartres, m’entraîne dans un combat de longue haleine, lance les bases d’un espoir, d’une nécessité, celle de l’unité.

En effet, à plusieurs reprises, le manque de communication entre réseaux apparaît comme un obstacle majeur à toute réussite, et encore Antoine et les siens ont-ils à plusieurs reprises la chance du hasard.

On voit, dans ce volume plus encore que dans le précédent, la complexité des fonctions de la résistance, de l’exfiltration à la communication et à la contre-propagande en passant par les actions armées. On ressent une certaine forme d’impuissance liée aux efforts sublimes et désespérés de résistants qui s’épuisent à force d’ignorer tout ce que les autres pourraient leur apporter. Mais le danger et le manque de coordination le rendent évidents. Et encore. On y sent, déjà, poindre la notion de « l’heure des comptes » qui devra sonner, tôt ou tard.

Parce que ce volume dépeint aussi les heures noires de la trahison. Qu’il s’agisse des « comtesses », ce réseau de galantes destinées à glaner des informations, des agents provocateurs glissés au milieu des arrestations arbitraires ou des adjoints volontaires de la Gestapo; qu’il s’agisse des traîtres qui, par peur, par vengeance ou par intérêt, mettent à terre ceux qui comptaient sur eux.

Il est également celui de la violence. On l’avait déjà vue, dans le premier volet. La guerre est violence. Elle donne lieu à des exactions hors de tous les codes dans les moments où l’instinct barbare prend le pas sur tout ce qu’il y a de censé.

Mais dans la continuité des premiers mois, on croise, de plus en plus, la violence comme arme de terreur ou même comme simple distraction. Et là encore, j’ai trouvé que l’auteur excelle à dépeindre ces moments pourtant indescriptibles où le vice emporte tout dès l’instant où l’on confie à des âmes sombres les moyens de l’assouvir.

Et ces moments ignobles rendent encore plus intenses les lueurs d’espoir. On les trouve n’importe où. Dans ce couple médical qui vient en aide à un homme blessé sans se poser de questions. Chez ses paysans qui partagent et s’impliquent sans rien attendre en retour sinon la satisfaction du devoir accompli.

Mais je les ai trouvés surtout dans les moments d’engagement absolus qui, à plusieurs reprises, ont fait remonter à ma mémoire le chant des Partisans. J’en ai cité un vers dans ma première chronique. C’est un autre qui a présidé à toute ma lecture.

Ami, si tu tombes, un ami sort de l’ombre, à ta place.

C’est un sentiment paradoxal. À plusieurs reprises, les personnages de ce roman confessent cette profession de foi dans une humilité terrible qui rappelle que la cause importe plus que l’individu. Et pourtant, je l’ai dit en préambule c’est un roman pleinement humain. Chaque victoire est celle du groupe. Chaque perte est aussi cruellement ressentie que celle d’un membre de cette famille de coeur, au moins aussi forte que celle du sang. Pour Antoine, c’est une évidence. Mais pour les autres aussi, il y a la « famille du groupe Opéra » dont chaque membre se sent responsable et solidaire des autres.

Plus encore que dans le premier tome, je me suis attachée à ces personnages que l’on apprend à connaître plus en profondeur. J’ai admiré l’ouverture d’esprit des De Louvres. J’ai ressenti de la compassion pour Emile Courtin pris entre les ordres et sa conscience. J’ai frémi du courage d’Arlette, de Gustave. J’ai vibré de la témérité et de la détermination d’Alice.

J’ai tremblé, jubilé, hurlé pour Antoine. Ce « héros ordinaire » dont chaque action rattrape ce qu’il juge être les fautes de son passé. La route vers sa rédemption est l’un des points forts de ce volume. J’ai aimé le voir s’ouvrir au bonheur, croire enfin en sa bonne étoile. Mais ce cheminent reste fragile, et il en faudrait de si peu pour qu’il pense que, décidément, le sort en a après lui.

Je l’ai dit plus haut, j’ai une grande affection pour Jean-Paul et son amitié à toute épreuve. À l’épreuve du danger, des ordres, des remontrances, de la peur. Un lien unique qui est une pierre angulaire, non seulement du groupe Opéra, mais aussi de la vie et de l’équilibre d’Antoine.

Et si ce roman est celui de l’humain, c’est aussi qu’il pose de façon aiguë la question du bien et du mal. On pourrait la trouver manichéenne: les « gentils » ne font-ils que du bien? Les « méchants » sont-ils uniformément mauvais?

Sur le plan général, la stratégie des représailles donne à l’action d’Antoine et des siens une autre dimension, celle de la responsabilité. Résister, c’est accepter pour soi le danger, l’arrestation, la torture, la mort. Pour certains, celle-ci est même une alternative plus acceptable que de parler sous la contrainte. Cet engagement s’étend, de façon cruelle, aux proches, aux parents, aux conjoints qu’il convient, si on le peut, d’éloigner pour les mettre à l’abri.

Mais lorsque les victimes sont des personnes innocentes et prises au hasard, le dilemme est plus lourd encore.

Et que dire des représailles? Tuer quelqu’un parce que c’est lui ou soi, c’est un poids terrible. Mais exécuter de sang-froid, c’est une tout autre affaire, qui ruine peu à peu l’idéal humaniste. Et lorsque les représailles deviennent vengeance…

Quand la douleur personnelle supplante la vision à plus long terme. Quand l’Humain prend le pas sur l’idéal, …

J’ai dit à plusieurs reprises que le premier volume m’avait prise à la gorge et on m’avait avertie que je n’avais rien vu. Que j’allais être collée au mur, clouée au sol ou carrément chavirée.

Je le savais, j’étais avertie, … et pourtant, j’étais encore loin du compte. J’ai eu le coeur serré, la chair de poule, les yeux qui picotent. J’ai pleuré à gros sanglots, et j’en ai redoublé lorsque j’ai expliqué à mes proches -pourtant habitués à mes réactions de lecture intenses- les raisons pour lesquelles j’étais aussi touchée.

Bien évidemment, ceux qui suivent le blog savent parfaitement que je ne dévoilerai pas les éléments majeurs de l’histoire.

Ils sont sublimes, ils sont affreux. Ils sont exaltants et déchirants. Ils font passer de la fierté de la réussite au désespoir le plus profond. Ils alternent l’espoir d’un avenir radieux avec la noirceur des lendemains sans lumière.

Et en cette aube du 10 octobre 1941, quand Antoine conclut ce deuxième volet, un sentiment subsiste. Celui qui dit que la route est encore longue, incertaine. Et qu’avant la lumière de la liberté retrouvée, il faudra d’abord passer les Portes de l’enfer, titre prophétique du troisième et dernier volet que j’ai hâte de découvrir.

 

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