Gone Boy d’Amy Hopper

by Gwen

Titre Gone Boy

Auteur Amy Hopper

Éditeur Éditions Addictives

Date de sortie 3 décembre 2020

Un titre à commander ici Gone boy

Qui n’a jamais souhaité revenir en arrière, changer des éléments de son passé? Qui n’a aucun regret, d’une amitié perdue? D’un proche disparu? Qui n’a jamais rêvé de pouvoir un jour, un instant, revoir ceux qui lui manquent jour après jour?

Beth est une étudiante sans histoire, engagée dans un cursus exigeant et prenant à Charleston, la plus ancienne université des Etats-Unis. Peu d’amitiés la perturbent de son travail, même si elle peut compter sur sa colocataire, Serena et son professeur Nathaniel. Rien ne dépasse dans son existence studieuse entre section d’exception et petit boulot alimentaire. Rien sauf un passé qu’elle laisse le plus loin possible derrière elle. Rien sauf le traumatisme d’une disparition. Celle d’Oliver, son âme sœur, son meilleur ami, son tout.
Aussi, lorsque celui-ci réapparaît dans sa vie tel un fantôme, marqué par de lourds mystères et des secrets plus denses encore, c’est tout son cadre qui vole en éclats.
Le retour d’Oliver bouleverse toute sa routine. A la surprise de retrouver celui qu’elle connaissait si bien succède la déstabilisante découverte de celui qu’il est devenu et cette insatiable attraction qui les pousse l’un vers l’autre en dépit de tout ce que leur hurle la raison.

Ce roman à deux voix explore très habilement plusieurs thèmes avec beaucoup de talent et une très belle analyse des personnages.

Il y a, tout d’abord, une réflexion forte sur la rédemption. Dans une ambiance de suspense, où les mystères, les demi-vérités et les dolouureux mensonges s’accumulent, Oliver est en quête d’un pardon qu’il ne peut s’accorder à lui-même.

Ses longues années de disparition l’ont transformé, et pas seulement sur le plan physique. Si le jeune homme gringalet est devenu un colosse tatoué et au corps sculpté, c’est surtout son esprit qui a dû s’adapter et prendre des décisions inacceptables.

Elles ont durablement altéré son estime de soi et sa capacité à mener une vie normale. Elles le rendent surtout dangereux à plus d’un titre.

Oliver en est conscient. Pour cette raison, il refuse d’entraîner sa Lily dans une voie des plus périlleuses, très loin de sa personnalité et de ses projets.

Il y a entre eux un fossé d’existence tel que la raison voudrait qu’il la fuie et la repousse, alors même qu’il n’est revenu que pour elle. Ce dilemme constant, qu’Oliver ressent avec plus d’acuité sans doute, mais aussi intensément que Beth, est l’un des atouts de ce roman. Il en forme la pierre angulaire, celle qui maintient une tension constante, au même titre que le suspens plus policier.

L’autre aspect que j’ai particulièrement aimé dans ce roman repose également sur les personnages, mais pour une autre raison. Il pose la question des retrouvailles. J’ai commencé cette chronique en demandant qui n’avait jamais rêvé de retrouver des pans de son passé.

Mais quels aspects? Le pur souvenir, comme si n’avait rien changé? On cherche à revivre et retrouver des événements partagés, en s’enfermant dans une douce mélancolie.

La version fantasmée d’un passé dont on a rêvé la continuité. Si Oliver n’avait pas disparu, alors on en serait ici ou là.

Ou la réalité contemporaine avec ce qu’elle implique d’incertitudes et de désillusions, peut-être, ce qu’elle exige d’adaptations et de redécouverte.

C’est entre ces voies que naviguent nos deux héros. S’y greffe parfois une forme de rancœur que je n’avais pas anticipée.

Si la Beth idéalisée d’Oliver lui a permis de tenir le coup pendant toutes ces années, c’est l’absence de celui-ci qui a lourdement fragilisé Beth et a pesé sur son existence. Aussi, par moments, on a l’impression que, de façon plus ou moins consciente, elle lui en tient rigueur. Sans doute parce que son cerveau, lui aussi, a imaginé que cet Oliver idéal aurait pu la préserver de tout.

Et l’évolution est particulièrement touchante. Oli est venu retrouver son amie d’enfance, son phare dans les ténèbres et découvre une jeune femme très différente là où Beth donne l’impression de chercher constamment la confirmation que le jeune ado qu’elle a quitté est toujours là, quelque part, derrière l’adulte impressionnant qu’il est devenu.

Pour tous les deux, il est déstabilisant d’avoir ainsi l’impression de reconnaître un étranger ou de découvrir quelqu’un de si familier. En tous cas, la plume précise d’Amy Hopper m’a permis de rentrer pleinement dans ce dilemme et de suivre à la fois les enfants complices pour se soutenir entre la misère dans laquelle ils ont grandi et leurs évasions qui rendaient le quotidien plus supportable, mais aussi les adultes qui se découvrent et se découvrent une irrésistible attraction.

Parce que ce roman est torride. La tension sensuelle est très présente et pourtant, le sexe n’est pas gratuit. Il est tantôt désespoir, tantôt façon de se rassurer sur sa propre survie, tantôt le meilleur vecteur pour les mots qu’on ne peut se dire à haute voix.

Enfin, il y a en filigrane une dernière thématique qui m’a touchée. Elle est plus sociale et concerne les inégalités, en particulier dans l’accès aux études supérieures.

Au cours d’une scène clef du roman -un petit bijou que je rêverais de vous raconter, où il est question de gommer les absences- la discussion force Beth et Oli à se découvrir. Personne ou presque ne connaît l’origine modeste de l’étudiante.

Celle-ci fait de la jeune femme une sorte d’exception dans un cursus long et exigeant. On sent bien que Beth fait tout pour passer sous silence ce pan de sa vie.

Mais il y a aussi, dans certains regards et certains commentaires, tout le poids du préjugé crasse et de l’opprobre que certains font peser sur les classes modestes à coup de grands amalgames.

Ce roman n’est pas un essai sur le fossé social et l’impossible ascenseur de réussite que représentent les études. Mais j’ai beaucoup aimé la finesse du regard d’Amy Hopper et sa façon de jeter, çà et là, des éléments pertinents d’une réflexion que j’ai aimée suivre.

Ce roman, vous l’aurez compris, a été pour moi une très belle découverte, autant de la plume puissante et précise de l’auteure que des personnages et des situations qu’elle a choisis de dépeindre.

Une première rencontre des plus réussies donc et qui appellera, j’en suis sûre, d’autres lectures à venir pour faire grimper mon cœur sur la grand-roue des sentiments, un tout petit peu inquiète d’ouvrir les yeux, mais ô combien impatiente de découvrir le monde tout autour.

 

 

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