Titre Dark Moon 1. L’élue
Auteurs Ludivine Delaune Julie-Anne Bastard
Éditeur Plumes du Web
Date de sortie 4 octobre 2022
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Cursebrook, Wisconsin, est une petite ville apparemment sans histoire.
Des commerces, un shérif, quelques bandits, des hôpitaux, un garage, réserve, rien qui sorte vraiment de l’ordinaire, si?
Ah, si il y a quand même un petit détail qui distingue la ville des autres: sa population de Fantastiques, entendez par là ses sorcières et ses loups-garous qui se fondent dans la communauté humaine.
Entre les deux communautés, très peu de contacts, et pour cause. Les loups-garous sont persuadés que les useurs de sorts sont néfastes et dangereux. Ne sont-ils pas responsables, par exemple, du coma permanent de Riley Loyd, fils de l’ancien Alpha, shérif de la ville?
Le Conseil, une sorte de gouvernement des Fantastiques, veille à cette stricte séparation. Ceux qui s’y refusent sont sévèrement punis. Ainsi, le garou Quillem a payé particulièrement cher son amitié avec Ernest Pearce, lui-même condamné par le conseil.
Dans cette petite ville, la nouvelle génération vit dans la même défiance. Côté lycans, Jared Loyd n’a pas, contrairement à la tradition, pris la suite de son père en tant qu’Alpha, du fait des manquements de son père. C’est son ancien meilleur ami, Vadim, qui domine le clan d’une façon qui convient assez mal à Jared, le genre de personnage qu’on aime détester et qu’on adore aimer autant.
Il est souvent têtu, indiscipliné. Pour un garou élevé dans l’esprit de la meute, il peut surprendre par son esprit d’indépendance. Il ne s’explique pas par une quelconque crise d’adolescence, pas même par la frustration d’avoir été injustement écarté, même si sa rivalité avec son ancien meilleur ami reste un point d’achoppement sérieux.
C’est surtout la priorité absolue de Jasper qui guide ses actes. Fils du shérif Loyd, il est donc le frère de Riley, endormi depuis des mois suite à une disparition mystérieuse. Et si Laoda ne peut soigner l’esprit égaré de Riley, Jasper est prêt à suivre quiconque lui propose une lueur d’espoir. Jusqu’à aller implorer les useurs de sort?
Tout de même pas! Il y a des limites à ne pas franchir! Mais en allant demander de l’aide au mystérieux et inquiétant Capheus, ça se pourrait, quelle que soit son exigence.
Du côté des sorciers, les Pearce vivent en toute discrétion. La mère continue d’espérer un miracle pour son mari.
Les trois enfants, pour leur part, développent leurs dons en toute discrétion. Ou plutôt, Enaé la soigneuse et Kezio, capable de parler aux esprits et aux animaux travaillent de concert alors qu’Ava se demande si elle a hérité d’un don.
C’est plus facile pour se fondre dans la masse avec ses meilleurs amis Peter et Stacey, nettement moins pour trouver sa place dans sa fratrie et sa famille.
Et si …
Et si un incident, la disparition de Lowell, un jeune loup-garou, était l’occasion d’un rapprochement ?
Soyons clairs, ne rêvez pas d’un rapprochement évident, d’une trêve sans conditions. Et pourquoi pas d’une love story, pendant qu’on y est?
La rencontre de Jasper et d’Ava est de ces inacceptables évidences, de ces instants suspendus, … de ces moments dont j’aimerais vous parler si je ne m’arrêtais pas juste une seconde avant d’en dire trop.
À la place, je vous explique pourquoi j’ai autant aimé ce roman.
D’abord parce que, pour la découverte de la plume en duo de Ludivine Delaune et Julie-Anne Bastard, je suis rentrée de plain-pied dans leur style et leur univers. J’ai aimé le contraste entre les deux personnages, l’optimisme et l’altruisme d’Ava, le tempérament et la colère de Jasper. Les points de vue des personnages sont clairement identifiables et différenciés. Un très beau travail.
Ensuite, j’ai beaucoup aimé l’histoire telle qu’elle est menée. L’opposition entre les deux communautés, largement fondée sur l’ignorance et les préjugés, a un écho très fort dans la vie de tous les jours. Difficile de haïr quelqu’un sans le connaître ni rien savoir de lui. Mais comment prendre le risque de l’approcher et de baisser la garde quand on s’attend à tout, surtout au pire, venant de sa part?
La difficulté de vaincre les a priori est l’un des piliers de ce volume. Je l’ai trouvé très solide.
J’ai aimé aussi que les seuls personnages qui souhaitent donner une chance au dialogue soient aussi fragilisés. Bien sûr, il serait simpliste de débarquer avec un message de paix, d’amour et de tolérance qui soit immédiatement accepté de tous. Les auteures de ce volume ne tombent pas dans cet écueil. La vérité doit cheminer, masquée, fragile, menacée pour, je l’espère, se révéler par la suite du récit.
Ensuite, j’ai aimé les personnages, travaillés et bien aboutis.
Ava est une belle définition de la jeune adulte. Elle a du mal à trouver ses marques, suit des études sans en être convaincue, veut trouver une place dans sa fratrie, dans son cercle amical, sans toutefois savoir exactement ce qu’elle est.
Elle ressent cette attraction immédiate pour le badboy intrigant du campus. Dans le même temps, elle est agacée par ses manières détestables, s’insurge contre son mauvais esprit et ses marques d’agressivité.
Elle place avant tout la sûreté de ceux qu’elle aime ainsi que des idéaux qui justifient ses prises de position. J’ai beaucoup aimé ce joli portrait d’un âge complexe.
Jasper n’est pas en reste. Il pourrait être l’image d’une tête de mule, trop beau gosse pour être profond, trop bien servi par la naissance pour se donner vraiment la peine.
C’est tout le contraire. Comme Ava, sa famille est une priorité. Mais là où Ava craint de ne pas y avoir sa place, lui lutte pour sauver le seul membre qui lui importe. Les scènes auprès de son frère sont très touchantes et justifient ses choix discutables.
J’ai aimé le voir foudroyé par cette rencontre inédite, puis lutter contre celle dont il ne veut pas mais qu’il ne peut quitter du regard et des pensées. J’ai été touchée des conflits internes qui l’agitent. J’aime le fait qu’il ne soit pas détaché de sa meute alors même qu’elle l’a si mal traité mais que si le bien-être des siens reste sa priorité absolue, l’opinion de la place qui lui revient reste dans un coin de son esprit.
J’ai aussi été prise dans la complexité de l’intrigue: le sauvetage de Lowell et de Riley, la découverte des dons d’Ava, la lutte e pouvoir chez les garous, la relation entre Quillem et Ernest, le rôle de Capheus s’entremêlent avec talent. Et comme si ça ne suffisait pas, le duo esquisse une love story improbable et interdite qui développe un intense slowburn.
Et que dire du final de ce premier volet? Rien, bien évidemment, si ce n’est que les auteures ont mis dans ce premier volume tous les ingrédients nécessaires pour faire naître une envie intense de retourner très bientôt dans les forêts épaisses du Wisconsin!
