Epicure’s Temptation de Shelby Kaly et Anna Triss

by Gwen

Titre Epicure’s temptation

Auteures Shelby Kaly, Anna Triss

Éditeur Black Ink Éditions

Date de sortie 9 juin 2023

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Parler d’un roman qui se passe dans un lycée en pleines vacances scolaires, hérésie me direz-vous ?

Peut-être bien.

Mais parler d’un roman qui m’a bouleversée, qui aborde LE thème scolaire lourd par excellence mais aussi l’interdit avec une puissance, une sensualité et des montagnes russes émotionnelles que j’avais peu ressenties jusqu’alors, ça n’a pas de saisons.

Et c’est exactement ce genre d’histoire que nous ont concocté Anna Triss et Shelby Kaly avec cet Epicure’s temptation.

Je vous en replace le contexte.

Le lycée Voltaire est un établissement comme les autres, ni pire ni meilleur, fréquenté par des enfants a priori sans problèmes majeurs autres que ceux de l’adolescence, encadré par une équipe classique.

Je vends du rêve ? Non, un roman bien ancré dans une réalité et un réalisme qui ne rend son propos que plus fort.

Parmi les professeurs, il y a LE prof, de Philo, brillant, ténébreux, intransigeant, sexy en diable et pourtant parfaitement inaccessible, Rayan Lemaître, surnommé Epicure par ses élèves qui n’auraient rien contre le fait de tester de près certaines théories sur la passion.

Bon, là, dans un souci de transparence, je dois avouer que je n’ai jamais, mais alors jamais croisé de prof de philo qui auraient pu me réconcilier en un regard avec la matière, ou ruiné définitivement, dans le même élan, toute ma concentration. Mais ce n’est qu’un détail.

Rayan est exigeant. Il regarde avec cynisme et détachement ces élèves dont il va exiger le meilleur en espérant, pour une fois, tomber sur la perle rare, l’élève vraiment motivé, celui capable de dépasser sa paresse pour former réellement son esprit à la réflexion et à la préparation de l’âge adulte.

Est-ce dans sa terminale HLP (Humanités Lettres Philosophie) qu’il trouvera sa perle rare ?

Dans l’impertinence de Candy Girl, cet élève aux cheveux roses et à l’esprit aussi caustique que son comportement est effacé, presque craintif face aux Cindy et autres Thibault qui écrasent les autres de leur popularité et de leurs sous-entendus ?

Une chose est certaine, la gamine le percute, le confronte à un défi d’enseignant, à une préoccupation de tout adulte responsable dans un établissement scolaire.

Les indices sont trop nombreux, sa propre sensibilité au sujet est trop exacerbée.

Lina Baudoin n’est pas seulement une adolescente mal dans sa peau, ballottée entre un père compréhensif et une mère hyper exigeante. Elle n’est pas seulement cette adolescente capable de le faire sortir de ses gonds par son impertinence. Elle est aussi celle qui éveille en lui tous les instincts protecteurs face à certains comportements en apparence anodins mais qu’il sait parfaitement décrypter.

Lina est victime de ce mot qu’on murmure à peine dans les cours de nos écoles et qui brise des enfances au moment où elles éclatent du cadre des non-dits pour rougir celles des faits divers. Lina est la cible d’un harcèlement scolaire violent, sans borne, au lycée, sur les réseaux, victime au point de perdre toute estime de soi, de se demander certains jours à quoi bon se lever encore. Alors si leur petite guéguerre peut lui donner des forces pour combattre, pourquoi pas.

Mais Lina est bien plus que cet esprit en construction qui noircit ses cahiers de croquis d’un talent et d’un réalisme troublants. Elle est aussi celle qui dérègle l’enseignement bien rôdé de Rayan, celle qui lui fait remettre en cause une partie de ses principes, celle qui lui fait éprouver des émotions violentes et parfaitement interdites.

Celle qui pourrait lui faire toucher les portes du paradis ou le précipiter dans les abîmes de l’enfer.

L’ultime tentation.

J’ai été totalement happée par ce roman. Les romances Prof/élève font pourtant partie des interdits que j’ai tendance à éviter. Mais je dois avouer que j’étais très curieuse de l’alliance des talents et de la force de la plume d’Anna Triss et Shelby Kaly.

J’attendais du très bon de leur part. Elles ont surpassé mes attentes, et de loin.

Ce roman est d’une écriture nerveuse, qui allie avec un équilibre parfait les introspections de chacun et les face à face animés de tensions multiples.

J’ai été touchée par le culot de Lina, tellement effacée dans sa vie de lycéenne pour tenter de survivre à ses bourreaux, malgré l’aide fidèle mais presque dérisoire de Dylan, son double, son ange gardien, son confident de toujours. Dans le même temps, dans sa relation à Epicure, quelle détermination ! À lui casser les pieds et à le provoquer en tant qu’enseignant d’abord, comme pour se venger de la façon dont il appréhende ses failles, dont il la pousse dans ses retranchements plutôt que de la laisser rester transparente au fond de sa classe.

Mais rapidement, on devine en elle la presque adulte aux prises avec ses premiers émois, ceux qui ont la puissance d’un tsunami et laissent des traces à vie, pour le meilleur ou pour le pire. On pourrait croire au crush de l’ado en train d’exercer ses premiers charmes sur le béguin d’ado. Il y a une telle maturité dans le regard que Lina porte sur son monde qu’on évite cet écueil avec brio.

Du côté de Rayan, le conflit est tout aussi puissant et bien rendu. Il est un adulte, avec une vie d’adulte, des ennuis d’adulte, des envies d’adulte. Les tentatives de séduction de ses élèves, il en sourit avec son rictus sarcastique, les tue dans l’œuf avec un sens de la diplomatie aussi développé que l’aisance du cancre lorsqu’il passe au tableau pour une interro surprise.

Il n’a jamais porté sur ses élèves un regard autre que celui de l’adulte sur des enfants, peu importent les efforts des bimbos en devenir pour le faire dévier du droit chemin.

Pourtant, il y a elle. Cette ado revêche, confrontée en larmes un jour de rentrée. Elle qui le touche plus que de raison, qui pourrait lui faire tout remettre en cause, en dépit de la lutte acharnée qu’il mène contre lui-même.

J’ai aimé ces personnages torturés par leur vie et par cette attraction irrépressible et interdite. Il faut dire que la romance est ici traitée avec une fougue, une sensualité et un goût d’urgence absolue qui m’ont laissée sans voix. Ce roman est un roman d’initiation, à l’âge adulte, à la sexualité, à la passion avec ses plaisirs et sa souffrance. Il rend parfaitement tous ces aspects et clairement, il donne chaud ! Que ce soit dans toute cette phase de séduction interdite et combattue ou dans son accomplissement, les auteures peuvent clairement être rendues responsables du réchauffement de nombre de liseuses !

Mais, vous l’aurez compris, cette romance interdite, intense et sulfureuse, est mise au service d’un thème particulièrement lourd, celui du harcèlement scolaire. Là encore, l’axe choisi pour le traiter est particulièrement efficace. Souvent, que ce soit du regard des parents ou de celui des professionnels, on a une vision d’adulte sur l’enfer que peuvent vivre certains jeunes, dans des proportions croissantes et alarmantes.

Mais là, on est dans la peau de ceux qui vivent ce drame et cette injustice. Certaines scènes sont d’un rendu tel que les larmes n’étaient pas loin.  Plus encore que la force du thème abordé, de la puissance déchirante et la délicatesse douloureuse avec laquelle il a été traité, c’est la façon dont il s’imbrique parfaitement dans toute l’histoire qui constitue une immense réussite.

Rien que pour ça, ce roman est loin d’être une romance neutre, de celle qu’on consomme rapidement et qu’on pose au même rythme pour passer à la suivante.

La preuve ? Il m’a fallu de nombreuses semaines entre le moment où j’ai eu la chance de participer aux relectures de ce livre et celui où je suis arrivée à mettre en place cette chronique. Le temps de laisser décanter les émotions puissantes et violentes que Shelby et Anna ont suscité en moi avec une histoire menée de main de maître, dans un style percutant et efficace, avec tout ce qu’il faut de péripéties et de retournements pour leur avoir valu quelques noms d’oiseau en cours de lecture.

Epicure’s Temptaion ? Une tentation absolue pour tous les lecteurs en quête d’une lecture à part. Et vous savez ce que l’on dit de la tentation ? Le meilleur moyen de lutter contre elle … c’est d’y céder. Alors je n’aurai que deux mots. Bonne lecture !

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