Forbidden soldier d’Erin Graham

by Gwen

Titre Forbidden soldier

Auteur Erin Graham

Éditeur Éditions Addictives

Date de sortie 5 décembre 2022

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Il y avait longtemps, trop longtemps, que je n’avais pas dévoré un livre signé Erin Graham. Il y avait tout aussi longtemps que je ne m’étais pas plongée dans une romance historique, sur un thème et une période qui me parlent particulièrement et que je n’avais pas expérimenté une lecture à plusieurs niveaux, comme la lectrice passionnée, comme l’historienne acharnée et comme l’auteure essayant de deviner par quelles subtilités l’auteure allait résoudre, sans perdre en crédibilité, le dilemme terrible dans lequel elle avait placé son action.

 

C’est ce défi relevé haut la main, mieux encore que je ne l’avais imaginé -et pourtant, venant d’Erin Graham, mes attentes étaient déjà élevées !

 

Normandie de l’entre-deux guerres. La vie n’est pas rose pour Eugénie Mercier dite Ninie. Avec ses deux frères de cœur, Denis et Paul, elle trime dans une ferme, sous les ordres de la revêche Jeanine et le regard lubrique du contremaître Charles.

Les moments de bonheur et d’insouciance sont rares. Elle les trouve en chantant, de sa voix si particulière, des mélodies qui  parlent d’amour et la font rêver de gloire et d’évasion. Elle les trouve en la compagnie de Ludwig, un jeune homme adorable mais maltraité par la bêtise et la mesquinerie des vainqueurs envers ce franco-allemand.

Son père, allemand, est mort au combat dans cette grande boucherie qui a saigné l’Europe quelques années auparavant. Sa mère, française, et sa grand-mère, survivent péniblement. Pour Ludwig, une seule solution, ramener une paie de la ferme. Tant pis s’il faut subir les regards mauvais, les insultes et les injustices de Charles. Ludwig garde pour lui sa rage et sa rancœur face au sort réservé aux vaincus. Il guette chaque instant volé avec Ninie en avançant pas à pas vers un avenir incertain, engoncé dans le statut de vaincu, sans savoir où est sa place.

Jusqu’à l’arrivée de son oncle Klaus qui lui parle de reconstruction, de reconquête d’honneur et de gloire et lui ouvre d’autres horizons, loin des pommiers et des clairs de lune.

 

Paris, 1942. Sur la scène des Papillons de Paris, le Generalmajor Ludwig Achen retrouve Ninie de Paris, chanteuse à la mode d’un cabaret fréquenté par l’occupant et la fine fleur des Collaborateurs.

Intérieurement, Eugénie hurle de devoir supporter leur présence, en particulier celle de Klaus Achen, particulièrement empressé à la séduire. En façade, elle sourit, chante et entretient l’illusion, meilleure façon de couvrir les activités de ses frères, de garantir une certaine sûreté pour elle et ses proches.

 

Amoureux timides hier, Ludwig et Ninie sont plus que des étrangers. Ils sont des ennemis inconciliables, lui le héros de la Luftwaffe, elle, la Française violemment patriote. Pourtant, les sentiments ne se sont pas éteints. L’attraction n’a pas faibli d’un iota. Bien au contraire.

Mais dans ce monde fou où le danger guette à tous les étages, comment concilier passion et devoir ? comment aimer celui que l’on déteste ?

 

J’ai été séduite par ce roman pour différentes raisons.

Évidemment, il y a tout d’abord l’écriture d’Erin Graham, son sens de la narration et des dialogues. Je les ai retrouvés avec un plaisir inchangé, confirmant le talent de l’auteure.

Ensuite, il y a le scénario, particulièrement bien pensé. Vous savez que je n’en dirai que le minimum. Pour autant, je peux vous dire que les rebondissements pleuvent. Ce roman est digne d’une partie d’échecs où chacun doit penser avec un, voire deux coups d’avance, pour déjouer les plans de ses ennemis et les coups du sort. Il en ressort une tension permanente, parfaite dans le contexte de l’histoire où un mot malheureux, une fréquentation compromise, tout pouvait concourir à la chute.

On a tendance à dire que les temps extrêmes mettent en avant le meilleur comme le pire de chacun. Ainsi, des héros du quotidien se révèlent là où on ne les aurait pas attendus. À l’inverse, la confiance devient une forme de naïveté coupable. Difficile, dans ce contexte, de savoir à qui se fier. Tout autant de parier sur demain.

De l’urgence naît la passion, dit-on. Les choses ne sont pas si simples. En 1942, lorsqu’on est une femme, on est soumis au sale dilemme d’être la proie des hommes et de devoir se méfier des conséquences de la passion. Dans ce combat comme dans d’autres, Erin Graham donne à son héroïne une vraie modernité qui m’a touchée.

La personnalité des personnages, en particulier des deux principaux protagonistes, est une autre des grandes réussites de cette histoire. Eugénie est une femme de contradictions, qui doit sourire là où elle voudrait hurler, qui doit accepter les contraintes là où elle se rêve libre. C’est une femme au franc-parler et au cœur immense. Elle s’oublie souvent elle-même, sa sûreté et son confort pour ceux qu’elle aime ou ceux qui touchent sa profonde humanité.

Le personnage de Ludwig est complexe et montre, si besoin était, toute la compréhension de l’auteure pour la période. Bercé par les rêves de revanche, de gloire retrouvée, d’honneur rétabli, Ludwig a suivi la vague rouge et noire sans se poser de questions. Il a même en bouche le goût d’une saine revanche envers ceux qui l’ont si mal traité. Pourtant, sous l’impulsion d’Eugénie, mais aussi par sa propre qualité, il va ouvrir les yeux et recevoir de plein fouet tous les paradoxes avec lesquels il doit bâtir sa vie. J’ai eu beaucoup de compassion pour cet homme déchiré de toute part qui tente de rester fidèle à son seul impératif, quel qu’en soit le prix.

Ensuite, j’ai plongé dans ce roman pour son décor. La seconde guerre mondiale est l’une de mes périodes de prédilection, je suis donc toujours sensible à ce cadre. J’ai beaucoup aimé certains axes empruntés par l’auteure, qui changent des habitudes et contribuent à la très belle originalité du roman.

Enfin j’ai été, bien sûr, séduite par la romance fiévreuse et passionnée qui tente d’unir Ludwig et Eugénie, en dépit de leurs différences inconciliables, malgré les leurs et ce que hurle leur conscience. J’ai retrouvé avec plaisir la maestria d’Erin Graham pour dépeindre la force des sentiments et l’évidence des corps, pour aborder des thèmes majeurs au détour d’histoires d’amour à faire fondre les cœurs les plus endurcis.

Je ne la connaissais pas auteure de romance historique. Cette très belle lecture confirme que, quel que soit le thème, le cadre ou le genre, elle est l’une des auteures dont les romans parlent le plus à mon cœur et à mon esprit. En attendant le prochain !

 

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