Titre La passion du comte
Auteur Pauline Libersart
Éditeur Audélo
Date de sortie 16 mars 2021
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Bienvenue en Angleterre, à l’époque où on sortait les filles des couvents pour les marier, où les relations intimes se faisaient en regardant le plafond et en pensant à l’Angleterre, où une parole pouvait briser irrémédiablement une situation, où un mariage d’amour paraissait incongru.
Bienvenue dans une époque où derrière les lourdes tentures d’un manoir, tout peut se produire, d’actes odieux couverts par les voisins bien pensants -ah non ça existe encore- ou la passion la plus puissante entre deux époux qui ne sont pas que de façade mais aussi de plaisir et de complicité.
Dans sa nouvelle romance historique, Pauline nous offre tout ça. Le comte Alexander Westlake de Lichfield épouse la délicieuse et ingénue Cassandra Seymour, la perle de la saison dans une union qui révèlera bien des surprises.
La première est des plus désagréables. Le comte écourte sans explication la lune de miel, se montre froid et distant avec son épouse qu’il honore comme un devoir vite expédié. Pire, il impose à la jeune femme toute en désillusions de s’enfermer dans le manoir familial, abandonné depuis de nombreuses années et de tolérer la présence constante de Mary Brandt, sa gouvernante, une femme bien trop jeune et bien trop familière pour son poste.
La seconde est des plus étonnante. Derrière les abords parfaits de Cassandra, totalement éduquée pour paraître en société et devenir un très joli bibelot, sans passions, sans culture, sans avis politique ni compétences particulières autres que la couture et le piano, se cache une jeune femme passionnée, cultivée, vive et intelligente. Ses coups de sang sont impressionnants pour un mari qui ne les attendait pas. Ses initiatives le captivent, notamment dans sa façon de reprendre en main la maison et de s’imposer comme la comtesse, mais aussi comme sa femme et sa maîtresse.
Il faut dire que la belle a de qui tenir. De sa mère, française, elle tient un certain tempérament -celle-ci n’est-elle pas capable d’évoquer la guillotine face à une demoiselle d’honneur revêche- mais aussi un sens des affaires qui, s’il est incongru dans la gentry de l’époque, en particulier en venant d’une femme, ne s’en montre pas moins fort précieux.
Mais ce qui fait surtout de Cassandra une perle plus précieuse encore qu’on l’attendait, c’est son esprit progressiste. Il englobe une tolérance sociale dans un contexte où la préséance et les titres de noblesse entendent dominer la bonté d’âme, les qualités du cœur et de l’esprit. Il se prolonge aussi sur un tempérament passionné qui lui permet de s’accorder à la sensualité débridée que son mari lui fait découvrir, mais qui la pousse aussi à se battre pour percer à jour les mystères de celui dont elle est tombée totalement, sincèrement, irrémédiablement et passionnément amoureuse.
Je dois confesser que, la tête encore pleine du visionnage d’une certaine série très addictive se passant dans une période assez proche, j’ai un peu craint, au départ, un effet de comparaison.
Et puis je me suis rappelée que l’un des charmes de la romance, c’est que l’on peut emprunter des chemins parallèles et y faire des promenades tout aussi agréables sans avoir l’impression d’une reproduction.
Ainsi en est-il de cette passion du Comte.
Je l’ai aimée pour plusieurs raisons. J’ai d’abord été très touchée par le personnage d’Alexander. Et pas seulement par ses merveilleux yeux verts. J’aime la force morale qui l’habite, quoi que je ne cautionne pas les choix qu’elle lui impose. Il y a en lui un sens du devoir et une volonté de protection qui m’a émue, de la même façon que j’ai aimé le voir peu à peu se laisser apprivoiser avant de trouver une voie qui lui convienne sans incommoder son épouse, pour sublimer cette union en respectant à la fois les apparences et l’équilibre nécessaire à son couple.
Dans le même ordre d’idées, j’ai été séduite par la métamorphose de Cassandra, ou plutôt sa façon de vérifier l’image de la main de fer dans un gant de velours. Tout ce qui devrait brimer son tempérament et en faire une adorable petite chose décorative, elle en tire avantage pour parvenir à ses fins louables et j’ai beaucoup aimé les moments où les autres, à commencer par son époux, en finissant par le marquis de Dorcester, parrain d’Alexander, réalisent qu’ils ont face à eux un véritable Napoléon en jupons. Je l’ai admirée pour sa façon de mener l’assaut pendant un certain dîner, merveille de pestitude assumé.
Pour autant, elle est aussi une femme de son époque, troublée des privautés de son mari qu’elle ne sait pas toujours appréhender ou soumise au regard de sa mère et à son sens des convenances.
Les personnages secondaires, à commencer par Mary Brandt la gouvernante ou Emily, la meilleure amie de Cassandra, apportent un vrai plus à l’histoire et une profondeur pour confesser des sentiments parfois difficiles à formuler.
J’ai été sensible, également, à la progression de l’histoire. J’ai dévoré ce roman, comme souvent, totalement happée par le rythme et l’évolution de l’intrigue, inquiète des moments qui semblaient précipiter nos héros dans l’impasse, suspendue aux stratégies développées, en grande partie par Cassandra, pour vaincre la fatalité. Et une fois de plus, Pauline Libersart dose parfaitement les rebondissements et les coups de théâtre pour nous offrir une romance historique de grande qualité, un histoire d’amour et de passion, celle du Comte selon le titre, mais aussi celle de son délicieux bibelot, de cette perle de la saison qui rappelle que, quelle que soit l’époque, il serait imprudent de sous estimer une femme amoureuse!
L’intrigue est, comme toujours, très bien menée, l’écriture est des plus agréables, les personnages attachants. C’est encore un coup de maître et une lecture à ne pas rater, ne serait-ce que pour les beaux yeux d’Alexander et tout ce que Cassandra révèle sous les apparences de la parfaite aristocrate.