Titre Chris Mas
Auteur Marie HJ
Date de sortie 9 novembre 2021
Un titre à retrouver ici Chris Mas
Il n’y a pas de saison pour savourer une romance de Noël, encore moins de période pour dévorer une romance signée Marie HJ. Forte de cet adage, alors que les galettes des rois ont déjà remplacé les bûches et que la saison des crêpes s’annonce, j’ai fait chauffer mon chocolat le plus crémeux, parsemé des guimauves de toutes les couleurs dedans et je me suis plongée dans un des contes de Noël signés de ma magicienne du MM (tiens, ça rime, ce n’est sans doute pas un hasard).
Et me voici donc partie dans une épopée doucement déjantée entre Noeland et Jouy en Montagne, un village au nom plus prometteur. Quand la folie créative de Marie HJ croise la période des fêtes de Noël, il en ressort une romance délirante et touchante où on devine Saint Nicolas en père de famille débordé par un fils adoptif un peu trop borderline et un vrai problème de fournitures pour les fêtes.
Vous l’imaginiez mal, le gros ventru, en mari de la bonne Mimine et en père adoptif d’un Chrishon aussi décalé qu’on puisse l’être au pays des Elfins et autres Lutlfs ? Et pourtant. Il a fort à faire avec un fils tatoué, qui l’a choisi pour père mais étouffe dans trop de bonheur. Seules ses virées terrestres à la recherche de bonnes fortunes temporaires lui permettent de tuer sa routine. Pensez plutôt, 168 ans dans l’antre du Père Noël, ça a de quoi calmer le plus grand fan de sapins et sucres d’orge.
Alors Chris tue le temps. Il fait enrager Nico, souvent, cherche de quoi s’étourdir et contraint son père à trouver toutes sortes de parades pour l’empêcher de faire des bêtises. C’est que Chris donne des cauchemars à la Brigade spéciale Merry Christmas qui n’en peut plus de traquer ses provocations et d’éviter ses catastrophes. Dernière en date? La production de Sapinabis, un décontractant particulièrement efficace, en particulier sur les Lutfls. Si efficace d’ailleurs que ceux-ci deviennent encore plus ingérables et débiles que d’habitude et qu’il en résulte de regrettables incidents.
Juste ce qu’il faut pour décider Nico à punir l’indiscipliné en l’envoyant sur terre, un petit moment, avec Nougat, Billie et François, ses trois Lutfls les plus fidèles et Jovial, sa chauve-souris au prénom des plus trompeurs.
Où envoie-t-on cette joyeuse troupe? Dans le sémillant village de Jouy en Montagne (tout un programme? Attention aux publicités mensongères tout de même) afin de prêter main forte à Arnaud, un vrai gentil jouetteur. Un jouetteur, kézako?
Le propriétaire et artisan qui fabrique de ses mains toutes sortes de jouets et objets en bois avec une passion du travail bien fait et du bonheur des autres qui malheureusement ne remplit pas les carnets de commande ni les caisses du magasin. À plus forte raison quand son ex Raoul, auquel il a tout appris sauf la moralité et la bienveillance, ouvre une entreprise concurrente, bien moins respectueuse de la qualité, mais pour laquelle il sait tirer les bonnes ficelles.
Entouré de l’affection un peu bourrue de son grand-père Auguste, un instituteur de la vieille école, de Geny, une voyante très allumée et de Tommy, un adorable petit garçon, Arnaud tient le cap en essayant de garder la tête haute et hors de l’eau, tout un challenge.
Aussi quand arrive devant lui cet être semblable à nul autre, aux yeux d’un violet hypnotique, ses trois compagnons d’une laideur … non, on ne dit pas de mal du physique mais quand même, laids comme des gnomes, son histoire à dormir debout, sa proposition inespérée et son corps à damner un saint, Arnaud ne sait plus où donner de la tête, des yeux et du cœur.
Un soupçon de magie, une bonne dose de sentiments forts et de thèmes lourds qui passent sans y toucher dans le ciel, un trait de folie et des tonnes de guimauve pour le meilleur des chocolats chauds de Noël. Chaud, très très chaud!
Tout est en place pour ce Chris Mas qui m’a fait passer un excellent moment.
On rit beaucoup dans ce conte de Noël. Les lutfls n’y sont pas étrangers avec leur fascination pour la cascade bleue; les face à face entre Geny et Auguste y contribuent tout aussi largement. Et que dire des plans machiavéliques de Jovial!
On a le cœur serré aussi, par moments. Le talent de Marie HJ lui permet de passer en moins de temps qu’il n’en faut pour dire Lutfls des romans aux thèmes très lourds à la comédie légère. Mais il y a toujours un peu de l’un dans l’autre.
Ici, j’ai été touchée par l’histoire de Tommy, qui trouve tout son bonheur dans cette étrange boutique, un gamin rêveur et un peu décalé qu’on ne peut qu’avoir envie de protéger.
J’ai eu le cœur qui picote en entendant Mimine se confier sur ses doutes de mère, qui renvoient à tout ce que l’on peut se dire parfois.
J’ai aussi été émue par le désarroi d’Arnaud et son sentiment de ne jamais être « assez ». Pas assez intéressant, pas assez sexy, pas assez insouciant.
S’il passe à côté des bons moments de sa vie, c’est aussi parce qu’il n’imagine pas y avoir droit. Câlin spécial pour le jouetteur qui m’a serré le cœur.
— Mais alors, tu fais quoi ? demandé-je tandis que mon cœur accélère ses battements sans raison.
— J’embrasse avec le cœur. Je touche avec l’âme. Et ensuite, je pleure avec tout le reste parce qu’une fois de plus, j’ai cru en ces choses qui n’existaient que dans mes certitudes.
La romance est aussi un point fort de cette histoire. Elle montre que, si les opposés s’attirent, les coups de foudre ne sont pas tous destinés à être éphémères et que, plus encore que les moments de félicité ou de séduction -qui, précisons-le, risquent de vous donner très chaud- c’est aussi quand on souffre par l’autre et pour l’autre qu’on mesure la force des sentiments.
Et puis il y a, dans ce roman, une magie de Noël qui explose à chaque page entre chocolat chaud et ballades en traîneau.
Ça pourrait être beaucoup. C’est juste ce qu’il faut pour entretenir l’ambiance féérique du moment où les enfants -et les plus grands- ont les yeux qui brillent, retombent en enfance pour réaliser qu’un cadeau coûteux ne remplace pas un bouton et des rubans si on y met tout son cœur et tous ses espoirs. C’est pile ce dont on a besoin pour se souvenir que l’amour n’a pas de saison, ni de forme prédéterminée mais qu’en toute saison, Noël ou pas, on n’a besoin, pour être heureux, que d’un cœur pour réchauffer l’âme, d’une famille qu’on crée ou qu’on choisit, de projets pour réaliser ses rêves et d’une pointe de passion.
Si en plus on a le chocolat chaud et les guimauves … on est partis pour une année entière ou du moins jusqu’au moment de bonheur signé Marie, et ce, quelle que soit la saison!