Titre Le Seigneur des Corbières
Volume 1 Les Seigneurs
Auteur Eva Justine
Éditeur Juno Publishing
Date de sortie 27 décembre 2018
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Un titre découvert grâce au réseau NetGalley France et à Juno Publishing
La découverte de cette romance historique est une première pour moi.
L’oeil attiré par la couverture, chaude et guerrière du roman, l’esprit intrigué par un résumé mêlant une héroïne au fort caractère, Eloïse et un cadre historique que j’aime, le Moyen-äge des Cathares, je n’ai pas lu toute la note de l’éditeur, notamment une petite précision, « ce récit comporte deux romances, une MF et une MM ».
Je ne l’ai lue qu’en découvrant l’avant-propos. Or s’il y a un genre que je n’ai jamais abordé depuis que je lis de la romance, c’est celui de l’homo-romance.
Mais comme je l’ai évoqué précédemment, la couverture, … l’histoire, … le contexte, …
Je n’allais pas m’arrêter face à de l’inconnu. Et autant le dire tout de suite, je m’en félicite.
Parce que ce roman est avant tout une romance qui traite des sentiments, peu importent les barrières, sociales, d’âge, ou de convenances. Mais c’est aussi une romance historique, de chevalerie et des valeurs qu’elle implique.
L’histoire se place au milieu du XIV° siècle, dans la région des Corbières, au lendemain d’une des grandes épidémies de peste qui a ravagé la France. S’il est question parfois de la France et du roi Jean, prisonnier des Anglais, l’intrigue tourne essentiellement autour de seigneuries locales.
D’une part, on trouve le domaine des Laroche Combeille. Il repose sur les épaules de la jeune Eloïse, orpheline de père et de mère. Dans le contexte de l’époque, cette toute jeune adulte n’a qu’une solution, se placer sous la protection d’un mari. Et tant pis si ses premiers émois portent son choix ailleurs, loin de ce que son rang autorise. Et qu’importe si son tempérament la mène très loin des serments d’obéissance en vigueur à l’époque. J’ai aimé ce personnage pour son impétuosité et sa force de caractère. Elle sait ce qu’elle veut, n’hésite pas à biaiser pour l’obtenir. Mais dans le même temps, elle est pleine de bienveillance et d’empathie. C’est une très belle héroïne.
Depuis son plus jeune âge, elle est promise au jeune Edric Mosalvat d’Aguilar, le fils de Baudric, surnommé l’Aigle, un seigneur réputé autant pour sa droiture que pour son amour de la gent féminine. C’est un homme noble à tous les sens du terme, guerrier valeureux. Le père est puissant, respectueux des valeurs de son rang, il est aussi bouillant de passions et exerce un charisme sur l’ensemble des personnages. À commencer par son fils qui peine à trouver sa place dans l’ombre de cet aigle, que ce soit en tant qu’héritier, que futur époux, ou simplement comme homme. Le modèle est dur à égaler, la peur de décevoir parfois paralysante. Les deux jeunes gens se préparent sans grand enthousiasme à un mariage qui, l’expérience de Baudric le montre, a toutes les chances de finir en fiasco. Sauf que des sentiments purs et naturels s’y mêlent et unissent au-delà des espérances ceux que le sort veut lier. Ce n’était pas gagné au départ, mais le sens du devoir trouve parfois des voies détournées.
Car il est aussi question de devoir et de contrainte dans ces histoires de mariage. Même pour une fille de noblesse, les choix sont limités, d’autant que plane l’ombre inquiétante du comte de Brassac, le cousin d’Eloïse, un homme décrit dans ses perversités autant que dans sa cupidité. Il est quasiment impossible de trouver du bon en lui et l’histoire ne laisse pas de renforcer cette sensation.
Ainsi est posé le décor. Les seigneurs de ce roman veillent sur leurs obligés, s’activent à rebâtir après l’épidémie, à distribuer justice et bienfaits. Du moins est-ce le cas du « bon » seigneur, qui dispense justice et châtiment avec mesure. Mais ils ont aussi d’autres occupations. La chasse, les tournois? Oui, aussi. Mais avant tout, les jeux de l’amour.
On touche là au coeur même de l’histoire et à ce qui en fait sa modernité et m’a conquise. Car Eloïse, dotée d’un tempérament qui la rend à la fois très attachante et en même temps agaçante pour les hommes de son entourage, refuse de n’être que le lot d’agrément d’un mariage de raison. Quoique peu experte des choses de l’amour, elle veut ressentir de la passion, s’entiche d’un de ses familiers avant de jeter les yeux, le coeur et ses désirs vers un inaccessible.
Cette passion a priori interdite pourra-t-elle être surmontée? Si elle froisse certaines convenances, elle n’est en rien comparable avec l’attirance de deux des protagonistes masculins. Là encore, au jugement de la société qui oblige bien souvent à des faux-semblants pour rester dans une norme imposée, s’ajoutent les inégalités de classe et de caste qui peuvent condamner l’un des amants à une sanction, l’autre à la mort. Un seul point commun pour les deux amants qui se découvrent, se prennent de passion et s’apprivoisent. Rien n’est prêt pour accepter au grand jour leur relation.
Et dans la prise de position de l’auteur, on oppose la relation touchante du couple clandestin aux penchants de l’odieux Brassac. Les intentions ne sont pas les mêmes, les destins non plus.
Bien sûr, on pourra se dire que au moment où s’achève ce récit, la situation semble trop belle pour être durable, car malgré quelques « tolérances », on badine peu avec les relations dites sodomites, au temps des chevaliers, mais l’histoire est belle et prenante. Je me suis laissée entraîner dans la lutte de tous ces personnages pour atteindre l’amour, raisonnable ou inespéré, interdit et passionné, dans une jolie fresque, très bien écrite et rondement menée.
J’espère grandement en lire une suite pour retrouver tous ces personnages et les intrigues qui les occuperont.
Je remercie grandement Eva Justine et Juno Publishing pour cette découverte.