Titre PS: Oublie-moi !
Auteur Emma Green
Éditeur Éditions Addictives
Date de sortie 17 juin 2019
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L’une des raisons qui fait rêver dans la romance, c’est qu’elle met aux prises des êtres fragiles, fêlés, qui ont souvent du mal à s’accepter -notamment du côté des jeunes filles d’ailleurs, mais des personnages attirants.
C’est un parti pris qui peut se comprendre.
Sans faire ma peste, ce n’est pas sur Quasimodo qu’Esmeralda pose ses premiers regards enamourés -quand on connaît la fin de l’histoire, pas sûre qu’elle ait fait le meilleur choix, mais chut.
Bref, les personnages de romance sont généralement beaux. Pas forcément des canons de beauté, des images de papier glacé, mais avouez tout de même qu’il est rare qu’on referme son livre en se disant Wahhh quel laideron, j’en suis folle!
Alors on est bien d’accord, ce qui compte, en romance comme dans la vie, c’est d’être beau, ou belle, dans le regard de celui qui compte. Mais si, pour une fois, l’un des héros de romance était affligé d’un attribut vraiment disgracieux? De mémoire, j’en ai trouvé, quelques hommes amochés, chez Jay Crownover, ou dans la belle et le soldat de Katy Regnery. J’ai même le souvenir d’une Lee au visage marqué dans le très fort Dark Heart de Karyn Adler (chroniqué ici sous son premier titre A(b)ime-moi).
Mais de façon générale, c’est souvent dans leur propre regard que les héros et les héroïnes ont du mal à se trouver beaux. Il n’y a qu’à voir Céleste, dans the boy next room, le précédent titre signé Emma Green.
Mais dans PS: oublie-moi, Leonor, -appelez la Leo, un surnom léonin qui lui va à la perfection-, souffre vraiment, dans son corps et dans son âme, d’une blessure qui a bouleversé sa vie, personnelle, familiale, sentimentale et qui marque son corps durablement.
Depuis huit ans, sa vie a connu un virage radical. La plupart du temps, elle parvient à le dissimuler au prix de quelques subterfuges. Mais lorsque, comme elle, on tente de percer dans le mannequinat, un monde où le corps est l’instrument de travail ultime, et la perfection un postulat, on voit le défi que ce roman s’est fixé.
Dès le premier chapitre, on est dans l’ambiance, et j’ai senti, au premier abord, un besoin de prendre dans mes bras la sauvage Leo, de l’assurer que son corps ne se résume pas à ça, pas plus que sa vie ne tourne autour de son corps. Mais c’était mal connaître le tempérament de la demoiselle. Pourtant, connaissant le penchant des Emma Green pour les héroïnes fortes dans leurs failles, j’aurais dû m’en douter. Ces femmes qui entourent leurs coeurs de murs à côté desquels la muraille de Chine passe pour un vague empilement de Lego, on en trouve quelques-unes dans ce nouvel opus et j’ai pleinement adhéré à ce regard sur la femme à travers toutes ses forces et ses particularités.
Au premier regard, Leo semble donc mal adaptée au monde, à celui de la mode en particulier.
À moins que, …. à moins qu’on ne tombe sur l’Agence parfaite. Strange & Strong, une référence pour mannequins « hors cadre ». Trop grands, trop petits, trop gros, trop vieux, trop imberbes, trop chevelus, trop tatoués. Tous les mannequins de l’agence ont un petit truc en plus, que le regard formaté voit comme un petit truc en trop.
À ce moment de la lecture, j’ai craint un instant de me retrouver dans une sorte de cirque Barnum des temps modernes (avec ou sans Hugh Jackman et Zac Efron???). Mais la délicatesse de composition des auteures m’a rapidement rassurée. Matthias le Strange et Wolf le Strong ne sont pas des exploiteurs du désespoir humain, mais des hommes qui ont créé un rêve à la mesure du leur, un univers à la norme de leurs particularités. Enfin surtout celle de Mathias qui a enfoui chaque blessure, physique ou morale, sous un tatouage, et Willa, la soeur de Wolf, trop pulpeuse pour les canons actuels.
Parce que soyons honnête, Wolfgang Larsson, lui, est juste, … à croquer. Mis à part un petit, mais alors tout petit défaut, qui pourrait en rebuter quelques-unes. C’est un loup… Mais non, pas un loup-garou (oh là là, à force de parler de personnages hors norme, je crois que j’ai été un peu loin). Wolf est un loup, dans son regard, dans sa solitude, dans sa posture de mâle Alpha qui tient à distance tous ceux qui voudraient approcher sa tanière.
À plus fort raison quand la menace en question s’appelle Leo, la féline, la sauvage, la résiliante Leonore, tout droit sortie de son passé et de ses traumatismes.
Il a été son premier amour, son premier ennemi, et aujourd’hui encore, il reste une blessure à vif.
Le décor est posé.
Le thème principal aussi. Peut-on se reconstruire lorsque sa vie est partie en fumée ou presque? Peut-on retrouver le bonheur auprès de celui qui l’a en partie détruit? Peut-on trouver sa place lorsqu’on ne rentre pas dans des moules trop étroits et trop réducteurs?
Mais réduire PS: oublie-moi ! à ce seul aspect vous ferait passer à côté d’autres éléments qui m’ont semblé tout aussi importants.
Si la question de la différence et de sa façon de l’apprivoiser sont au coeur du livre, il y a aussi tellement d’autres choses. À commencer par le lien avec les familles, de sang ou de coeur. Dans la vie de la lionne et du loup, la place des parents m’a souvent serré le coeur. Heureusement, la cellule familiale ne se résume pas à ça. Vous avez rêvé que votre grand-mère se réincarne en Betty-Sue? Préparez-vous à remplir les dossiers pour être adoptées par Papy Georges, ses croque-monsieurs et ses tartines beurre-chocolat en poudre qui m’ont mis une vilaine claque de nostalgie. Papy Georges, un pied dans le passé auprès de son amour disparu, la tête et le coeur auprès de sa sauvage Leo, au plus près de Johnny Cash, le chanteur et son homonyme de chat.
Le repère absolu de Leo, celui vers lequel elle se retourne quand tout s’effondre, avec la même fidélité que celle de Wolf envers sa tante Judith, enfermée dans les méandres de son esprit et de son passé. Là encore, ce personnage et toutes les fragilités qui saisissent Wolf à son contact donnent une profondeur à l’histoire et un trait d’union surpuissant entre Loup et Lionne. Pour ma part, cette incursion du côté des déséquilibres mentaux m’a remuée, au même titre que Leo. Ce livre traite des corps différents. Mais y inclure aussi une partie plus psychologique est un véritable plus. Et l’implication de l’étudiante en criminologie, loin de son domaine de prédilection, dans ce service psychiatrique, non seulement sert avec richesse l’intrigue, mais favorise aussi tout le ressenti sur le lien entre le physique et le mental.
Mais la famille, au-delà d’une tante emmurée dans son monde et ses crayons, et une soeur délicieusement casse-pieds, protectrice et grande gueule, c’est aussi celle qu’on construit, celle dans laquelle on se reconnaît, celle qu’on adopte, instantanément ou parce que les blessures vous rapprochent comme une évidence. Et là, comme souvent chez Emma Green, il y a une tribu pour tous les goûts, tous les moments, tous les besoins, de ceux où on a besoin de poser le coeur trop lourd à ceux où on rêve de rire à en pleurer.
En effet, ne pensez pas que ce livre soit seulement lourd, des secrets, des regards et des différences. Il est aussi volcanique, de l’attraction entre Wolf et Leo et de toutes leurs explosions de caractère. Il est solaire autour de Yumi, la petite puce aux lubies merveilleuses. Il est hilarant avec Lise, dr Chaudière par excellence, mais aussi certains dialogues qui m’ont permis de relâcher la pression dans un rire salutaire. Ist das nicht fantastich?
Au final, ce livre est, comme tout Emma Green qui me percute, vivant, de toutes les émotions qui composent les existences, qu’on soit beaux ou marqués, équilibrés ou issus d’une famille bancale, de toutes les émotions qui naissent à chaque fois qu’on est entourés.
Encore un mot pour vous convaincre de vous jeter tête première dans la joute à’mour de la Lionne et du Loup?
Un qui n’impliquerait pas mon addiction totale à la plume d’Emma Green et à leur capacité de se réinventer à chaque fois et de me faire tomber en amour de chaque duo?
Allez, juste un Post Scriptum alors.
PS: attendez vous à laisser un bout de coeur dans une tranche de lecture parfois Strange et toujours Strong!