Titre L’héritier des Blackstone
Volume 3/3 les sombres noces
Auteur Theo Lemattre
Date de sortie 15 juillet 2022
Un titre à retrouver ici l’héritier des Blackstone 3/3
Voici l’heure, attendue et redoutée, de conclure la trilogie de romance fantastique sombre de Theo Lemattre, l’Héritier des Blackstone. Pour ceux et celles qui souhaiteraient un petit rappel, c’est ici https://melimelodegwen.fr/l-heritier-des-blackstone-1-3-de-theo-lemattre/ et là https://melimelodegwen.fr/l-heritier-des-blackstone-2-3-de-theo-lemattre/
Pour les autres, pas de panique, voici un petit rappel des faits.
Alister Blackstone, héritier de la famille du même nom, revient au manoir Blackstone, en bordure de Greenfall’s lake, petite bourgade du Colorado après de longues années d’absence. Il y retrouve sa sœur Déborah, une femme de tête, froide et déterminée et Sean, son petit frère, rockstar.
Tous trois reviennent, contre leurs envies profondes, pour reprendre en main la famille, après la disparition de leurs parents et assumer leur mission profonde. Si les Balckstone sont condamnés à ne jamais trouver le bonheur, ils sont aussi les protecteurs de la région et plus largement de l’Amérique au sein du redoutable conseil dirigé d’une main de fer par Barbara Roterstein. Ah oui, j’ai oublié de préciser, tout ce petit monde est doté de pouvoirs magiques, symbolisés et concentrés dans la pierre de leur famille. Pour Alister, sans surprise, la pierre est noire, comme la magie qu’il exerce, en digne héritier d’Aliénor, la fondatrice de la dynastie.
Les habitants de la ville de Greenfall’s lake les craignent autant qu’ils les détestent. Tant de mystère et de noirceur s’attache à leurs pas qu’il est difficile de faire autrement. Ce n’est pas Garry, tenancier du bar et patriarche de la communauté qui dira le contraire. Dans toute cette animosité, une personne détonne. Georgia Pennbrocke.
Voici dix ans qu’elle est partie -vainement- tenter sa chance à New York pour que son talent d’artiste explose. Il n’en est rien. L’heure du constat arrive, sans appel et coïncide avec l’étrange disparition de sa sœur June.
Commence alors une histoire passionnée entre sentiments irrépressibles et devoirs, entre dangers et phénomènes inexplicables et inquiétants.
Une fois ce préambule posé, revenons à cette ultime partie.
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ATTENTION RISQUE DE SPOILS
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Pour sauver Georgia des griffes (au propre comme au figuré) de Louise d’Alençon, Alister a dû tuer la mage française et sacrifier la pierre familiale dont la puissance se trouve maintenant enfouie au plus profond de la jeune artiste.
En faisant ce pur sacrifice d’amour, il s’est condamné, lui et même sans doute sa famille, au grand dam de la voix puissante et difficile à ignorer qui tente, depuis son retour, de prendre possession de lui.
Non seulement, en ayant perdu cette pierre, Alister ne peut plus assurer la puissance des Blackstone. Surtout, en tant que meurtrier de Louise, il risque pas moins que sa vie.
Vu la permanence avec laquele Barbara Roterstein cherche à l’abattre, impossible de croire qu’elle va passer à côté de cette occasion.
Et comme si ce péril immédiat ne suffisait pas, reste la menace grondante dans la montagne, celle des Tenebrias et du terrible gardien qui ne demande qu’à se réveiller pour rayer les sorciers de la carte.
Un thème bien pessimiste pour ce dernier volet? Oui, mais pas seulement.
Ce volume est aussi celui où l’amour s’impose. L’évidence que nous avons ressentie dès les premiers balbutiements entre Alister et Georgia trouve son accomplissement dans ces derniers rebondissements. Leur union est logique, vitale même. Pourtant, elle est aussi l’un des plus grands dangers qu’il puissent rencontrer et force chacun à se positionner.
Aimer, est-ce vouloir l’autre pour soi tout seul? Ou accepter les différences de l’être aimé et ses choix, à partir du moment où l’on est sûr de son bonheur?
Protéger, est-ce se sacrifier et tenir chacun à distance ou au contraire créer les conditions de la solidarité et de l’affection?
L’ambition et les rivalités sont-elles plus fortes que le bien commun et la solidarité du sang?
Toutes ces questions, Theo Lemattre les pose dans ce dernier volume et plus largement dans cette série que j’ai dévorée sans restriction et pour laquelle j’ai eue un beau coup de cœur.
Tout d’abord, je suis fan de son écriture. Elle fait la part belle à des temps d’introspection qui ne sont pas pesants et contrastent habilement avec des dialogues bien bâtis et des moments de tension, voire d’action que la dextérité de l’auteur rendent très sensibles.
Ensuite, je suis rentrée avec plaisir dans l’univers qu’il a façonné, fait de fantastique et de quotidien, de légendes anciennes et d’un ancrage assumé dans la réalité. C’est un équilibre complexe que Theo Lemattre a, selon mon goût, parfaitement réussi. Le manoir Blackstone, la façon dont on y vit, sont à cent lieues de la modernité. La preuve en est l’équilibre précaire de Sean qui, lui, vit avec son temps, mais se retrouve raccroché à un passé ancestral. Le poids d’Aliénor Blackstone, pourtant morte depuis des décennies, sur ses héritiers en est un autre. Son portrait, pesant et austère, pèse sur chacun et conditionne les décisions. Dans le même temps, l’auteur nous transporte dans le quotidien de la petite ville de Grennfall’s Lake avec ses moments simples, sa fête de la truite ou celle de l’été. Ce va et vient apporte une tonalité particulière à l’histoire qui est toujours sur le fil du concret et du fantastique.
De plus, j’ai beaucoup aimé l’histoire concoctée pour nous. Une histoire d’héritage et d’ambitions, de passions et de pouvoirs, la tentation de détruire tout ce qui déplaît ou la volonté de tout préserver, même ce qui déplaît. Et des rebondissements, des impasses, des fausses-routes et des révélations, tout ce qu’il faut pour être délicieusement déstabilisant. Bravo!
Pour servir cette histoire, il fallait aussi un casting et là encore, carton plein. Les personnages, principaux et secondaires, sont tout en nuances et contribuent à la déstabilisation que j’ai déjà évoquée. On pense les connaître, les avoir cernés et hop! un coup de baguette de l’auteur et on se rend compte que, finalement, on ne les comprenait pas tant que ça. La palme, dans ce domaine, revient probablement à l’évolution de Viktor. Impossible, évidemment de vous dire pourquoi, mais ce personnage, que je n’attendais pas si important, a été pour moi une belle révélation, tout autant que Georgia.
J’aime ce personnage imparfait, aux failles nombreuses, qui vit une existence de faux-semblants dans laquelle elle s’est enfermée malgré elle et qui tente, avec sa détermination et ses maladresses, de réparer ses torts. J’aime aussi sa pugnacité, la force de caractère qui se développe au fur et à mesure, comme si le contact des Blackstone, loin de l’affaiblir et de la faner, lui donnait au contraire une dimension qui lui manquait.
Alister reste, pour moi, une constante. J’aime ce personnage. J’ai eu un petit crush pour le fils confronté à une charge dont il ne voulait pas forcément mais qu’il se devait d’assumer. J’ai admiré son abnégation pour atteindre des buts qui ne lui étaient pas forcément accessibles. J’ai eu le cœur serré pour les sacrifices qu’il s’est imposé entre raison, devoir et passion. Mais dans cet ultime volet, j’ai aussi été touchée par son accès vers des réalités qu’il n’avait osées imaginer. Il revêt une dimension un peu plus humaine des plus touchantes.
La romance tient dans cette trilogie une grande place. Elle est passionnée de désespoir et d’instants volés. Elle n’est pas évidente, ce qui la rend sans doute d’autant plus précieuse et réussie.
Mais j’ai aussi aimé ce roman pour une autre forme d’amour, celui de la famille. Je passerai sous silence le rôle des parents -mis à part pour un clin d’œil à Garry, père de substitution du village ou à Maître de Sarelle à l’empreinte si marquée pour me concentrer sur les fratries. Les deux qui s’opposent sont à leur façon touchantes et attachantes. D’un côté un besoin désespéré d’être aimé et remarqué, de l’autre la rivalité et une compétition malsaine. Dans les deux cas, un amour qui peine à s’exprimer sereinement mais qui déploie, par moment, des ailes insoupçonnables et féériques.
Cette trilogie, par-delà toutes ses qualités, est aussi une ode à la tolérance, à l’acceptation de soi et des autres. Ce n’est pas la moindre de ses qualités et cela fait, sans nul doute, partie de ce que j’en retiendrai en quittant, sur la pointe des pieds, Greenfall’s Lake et le manoir Blackstone, dans l’attente de la prochaine aventure signée Theo Lemattre.