Titre If you wanna be my lover
Auteur Emma Green
Éditeur Éditions Addictives
Date de sortie 20 juillet 2021
Un titre à commander ici If you wanna be my lover
Imaginez. Deux jumelles aussi différentes qu’on puisse l’être, jusque dans leur mois de naissance! Trois chats et un chien tirant sur le yack de l’Himalaya. Un meilleur ami fan des BTS à la coupe au bol de couleur changeante selon les jours. Un boulot de dessinatrice de mangas érotiques. Non, de créatrice dans une boîte de pub. Un besoin impératif de changer de vie.
Un compte Instatruc au million d’abonnés. Un corbeau. Une pêche. Du Nesquik et de la marijuana.
Oups j’allais oublier faux petit-ami vrai fantasme sur pattes. Ajoutez à ça les Spice Girls, Jeanne et Serge et Sailor Moon.
Secouez le tout!
Parsemez y de vrais fou-rires et une bonne dose de moments tendresse voire cœur serré.
Vous vous demandez ce qui va sortir de ce cocktail ? Mieux, vous vous demandez qui a été assez barré pour mettre ensemble tous ces ingrédients en mode « même pas peur »?
La réponse est simple mais pourtant évidente, le duo Emma Green a encore frappé avec sa nouvelle comédie romantique et sexy If you wanna be my lover …
Le pitch est loufoque et annonce dès le départ de beaux moments de quiproquos et de rires:
May Collins a tout pour elle. Physique parfait, contrôlé à coup de régimes et de cours de yoga. Job parfait, créatrice dans une agence publicitaire. Vie parfaite avec son petit ami et patron Tybalt Emerson. La preuve? Un compte Instamachin à plus d’un million d’abonnés où les tourtereaux affichent un bonheur sans faille avec leur chien Botox.
LA vie Parfaite on vous dit! Alors pour quelle raison May débarque-t-elle un beau jour chez sa jumelle April en lui demandant d’échanger leurs vies pour une semaine.
Échanger? Sérieusement? April vit dans un petit appartement avec trois chats, September, October et November, tant qu’à faire. Elle peine à joindre les deux bouts avec son travail de dessinatrice de mangas érotiques. Son pêché mignon? Les hamburgers et le Nesquik. Et Sailor Moon. Et Hamtaro, Jeanne et Serge et tout ce que la K Pop compte de plus régressif.
Seul antidote à sa solitude, son meilleur ami Ji-Min, un confident comme on en rêve -mis à part sa passion coupable pour les couleurs de cheveux discutables et pour les BTS- mais nul n’est parfait.
Et c’est cette vie imparfaite que la parfaite May veut récupérer? Sans même un choc à la tête ou un pari perdu?
La cause en est claire. Rien n’est parfait sous la perfection. Le boulot? Un repère d’envieux où règne un harceleur?
Sa vie parfaite? Une pression de dingue qui pousse May au bord du Burnout.
Son couple avec Monsieur fantasme sur jambes? Un petit arrangement pour le bien de tous.
Or ce dont May a besoin par-dessus tout, ce n’est ni d’une séance de yoga avec Colette sa monitrice et Paula sa meilleure amie, ni même une tisane Detox.
Non, elle a besoin de se recentrer, de trouver le sens profond à la vie qu’elle mène. Et il y a du boulot pour une semaine … ou trois mois.
Une période qui, pour la véritable April s’apparente à une torture, elle qui préfère les pyjamas Sailor Moon aux nuisettes en soie, elle qui se tient éloignée de tous les réseaux sociaux, elle dont le grand amour est un acteur de Dramas, elle si imparfaite que son imperfection tient en soi du sublime.
Dans ces conditions, pourquoi accepter? Parce que depuis douze ans que la vie a éloigné les jumelles et disloqué leur improbable famille, April se sent redevable auprès de May et que l’heure est venue de solder les comptes. Beaucoup parce que le mal-être de sa sœur brise le cœur de cette vraie gentille. Un peu parce que son colocataire vrai-patron-faux-amant exacerbe tout ce qu’il y a de plus vivant en elle? Joker!
Pourtant, tous les signaux entourent Tybalt Emerson. Pas touche ! danger ! terrain miné ! Perfection intouchable! Trop mystérieux pour être aimable !
Oui, mais il y a aussi tout le reste. L’attentif derrière l’ombrageux. Le stimulant derrière le mystérieux. Le sexy … derrière le sexy!
Et le piège dangereux mais inexorable qu’il représente pour April ne le rend que plus séduisant encore.
On pense souvent que ce sont les méchants garçons qui cabossent les gentilles filles. En réalité, les gentils garçons, les souriants, les attentionnés, les charmants sont plus dangereux encore.
Ce roman, le 27° du duo si mes calculs sont exacts, pourrait être une « simple » comédie romantique piquante, sexy, servie par un casting trois étoiles et des répliques quatre diamants, truffée de références qui me parlent. Ce serait déjà l’assurance d’une très belle lecture, rythmée par une tension sensuelle frustrante à souhait par son crescendo un tantinet sadique.
Mais il y a aussi de nombreux thèmes « sérieux » abordés dans ce roman. Ils le font passer dans une autre catégorie, celle des cœurs qui se serrent et palpitent, des yeux qui brûlent et de tout un panel d’autres émotions.
Sans en dire trop, j’ai envie de vous parler de plusieurs thèmes.
Le premier porte sur le monde du travail, la pression qu’il exerce, des petits potins plus ou moins malveillants au harcèlement pur et simple. Le roman délivre un message important. Le harcèlement ne touche pas que les « faibles ». Même ceux à qui tout réussit peuvent en être victimes et les dégâts sont considérables.
Le message de bienveillance, de tolérance et d’affection du roman y est un bel antidote. La façon dont April, le « maillon faible » sur le papier se découvre, se révèle, se dépasse sans compromettre ses valeurs profondes y est une superbe réponse
Le second porte sur la « perfection ». Vaste concept, vaste débat. On nous la vend à tous les coins de rue. La vie parfaite, le look parfait, la ligne parfaite, la famille parfaite, le mâle parfait. Oui mais que se passe-t-il quand on éteint les lumières et qu’on entre dans la « vraie vie »? Dans ce roman, si le regard des autres compte évidemment, un autre aspect est abordé, celui des réseaux sociaux. Ils font partie de nos vies, ils sont de formidables moyens de rester en contact, à condition de les maîtriser. Ils sont aussi un miroir aux alouettes, une dépendance, un motif de frustration. Dans le compte Emayrson (habile contraction de May et de Tybalt Emerson) comment ne pas reconnaître les icônes aux millions de followers qui scénarisent la moindre seconde de leur vie comme une vitrine sur un mode idyllique.
Le regard d’April qui est, au démarrage, totalement étrangère à cet univers, apporte un bel éclairage. Elle décrit avec humour le « faux naturel » du moindre cliché. Elle met surtout en lumière l’affection surfaite des nombreuses voyelles et des émoticones. Elle insiste aussi sur la haine gratuite et anonyme déversée par charretées sur ses idôles d’un jour détestées par les uns, encensées par les autres pour des raisons tout aussi bidons.
Enfin, il y a dans ce roman un beau regard sur la famille. Non pas que les familles de ces lovers soient belles, bien au contraire. Comme souvent chez les Emma Green, la famille, celle qui est là dans les beaux et les mauvais moments, celle pour qui on vibre et on tremble, c’est plutôt la famille de cœur, celle qu’on se choisit au gré de sa vie. Mais s’il faut parler de la famille, on ne peut, bien sûr, passer à côté de ce lien gémellaire. J’aurais détesté avoir une jumelle, alors que j’aurais rêvé d’en mettre au monde (cherchez l’erreur). Pourtant, April et May montrent que gémellité ne rime pas forcément avec similarité. Le tempérament, mais aussi l’éducation influent sur chacun -et dans ce domaine, il faut bien dire qu’on pouvait difficilement faire plus opposés.
Néanmoins, ce roman donne une bouffée d’espoir parce qu’il montre qu’il n’est jamais trop tard pour reformer les liens du sang quand l’affection est encore là.
Mais ce roman est aussi un hymne aux relations parents-enfants. À être attentifs à tout ce qui touche à nos enfants, aux signes qu’on ne voit pas ou qu’on ne décrypte pas. À accepter que nos enfants ne grandissent pas pour accomplir nos rêves, mais pour trouver la voie de leur bonheur. À trouver l’équilibre entre l’adulte et ses parents.
Celui qui se met en place lorsqu’on comprend qu’on avance pour soi, pas pour entrer dans un moule.
J’en ai pris mon parti: grandir, vieillir, c’est aussi accepter les gens comme ils sont et renoncer à les changer. Et apprendre à avancer avec ou sans l’approbation de ses parents.
Vous l’aurez compris. If you wanna be my lover est une romance au rythme entêtant d’une ritournelle de grils band. Mais il offre aussi, quand on gratte la surface, toute une autre dimension, celle qui nous rappelle que la vie « parfaite », c’est celle où toutes nos imperfections se rejoignent, se complètent et se subliment.
Si tu veux être mon amoureux … sois la pièce manquante de mes imperfections pour en faire notre « parfait ».
Joli programme, non?
Maintenant, je vous laisse, je m’en vais préparer une liste bien complète des idées les plus loufoques à proposer aux Emma Green pour leur prochain défi. Alors je disais … Barbie Girl, … la cité de la peur et ses gencives de porc, … une Mini rose à paillettes… Qui complète ma liste?