Titre Captive de sang
Auteur Stéphanie Roselière
Éditeur Éditions Elixyria
Date de sortie 2 juillet 2021
Un titre à commander ici Captive de sang ou à retrouver sur le site des Editions Elixyria
Vous pensiez tout connaitre des mythes vampiriques? Vous aviez révisé votre parfait manuel du chasseur de vampires, revu toutes les saisons de Buffy et truffé votre maison de crucifix et de gousses d’ail?
Mieux encore, vous avez lu le mémoire de Sénaé Julho sur le mythe des vampires à travers les temps et, de fait, vous vous considérez comme une sorte d’expert?
Un conseil, oubliez tout ce que vous pensiez savoir et suivez le parcours de ladite Sénaé dans Captive de sang, le très réussi roman de Stéphanie Roselière.
Sans attache, sans petit ami, avec peu d’amies hormis Amandine, Sanaé est étudiante en master de Sociologie. Le mythe des vampires et la fascination qu’il exerce sur les gens de toute époque la fascine. Elle y a consacré le mémoire qu’elle vient de finir. Autant fêter ça avant d’entrer dans la vie active.
Ça, en tout cas, c’est le plan avant que la jeune femme ne fasse LA rencontre à éviter, celle qui fait basculer sa vie dans un univers totalement parallèle, quoi qu’aux portes de nos villes, dans une société régie par des codes et une organisation très différentes, dans une communauté qui va, également, mettre à mal toutes ses certitudes.
Mordue par Oscar, un jeune vampire qui va devoir répondre de sa désobéissance aux règles, Sénaé est « sauvée » par un être ténébreux et mystérieux, Victor.
L’inconséquence de son protégé lui cause un vrai dilemme. Achever l’humaine, en dépit des règles de l’Alliance qui régissent leur mode de vie? Ou faire ce qui n’a plus été entrepris depuis très longtemps: en faire une adepte, la prendre sous sa protection et l’initier à sa vie en attendant de la transformer et de l’intégrer à son clan?
Contre toute logique, en dépit des soucis qui pèsent sur ses épaules de dirigeant, Victor entraîne Sénaé dans son univers.
Une fois passée l’incrédulité première, celle-ci entre de plain-pied dans un univers à la fois proche et très éloigné de ce qu’elle pensait en connaître.
Elle y noue des amitiés telles qu’elle n’en avait jamais vécues, avec Aymard le médecin, Amaric le Sage, mais surtout avec Marie-Anne et ses deux enfants Alessandro et Éléa. Hélas, les inimitiés qu’elle génère sont tout aussi fortes. Passe encore le cas d’Oscar, sa présence agace considérablement ses gardes auxquelles elle tente bien trop souvent d’échapper ou celles, comme Séraphine, qui se sentent menacées par la présence d’une intruse, humaine de surcroît, au contact d’un des plus beaux partis de l’Alliance. Et encore, c’est sans compter les membres de l’alliance qui voient d’un mauvais œil le mélange des Sangs purs et des adeptes transformés.
Et Victor sur cet échiquier où Sénaé avance avec la délicatesse d’un bulldozer, mais aussi une détermination à toute épreuve?
Il est une énigme à lui seul. Glacial par moments, il laisse, par instants, échapper presque malgré lui des instincts protecteurs. Préoccupé par tout ce qui perturbe l’équilibre de son monde et menace les siens, il ne quitte pourtant pas des yeux sa remuante recrue et cherche à comprendre ce qui, chez elle, le perturbe tant.
Partagée entre doutes, répulsion et découvertes, Sénaé est aussi un témoin, un acteur et un enjeu des machinations qui menacent les clans de l’Aubépine et de l’Eglantier. Celui de l’Ail des ours est déjà décimé depuis la mort d’Andréa, sa dernière reine et seules l’amitié et la solidarité de Victor et Léandre, les rois des deux clans survivants, empêchent les ambitieux et fanatiques de tout bord de faire verser leur monde dans le chaos.
Entre découvertes, complots et tentation, Sénaé navigue à vue, portée par une énergie et une détermination incroyables, aveuglée par ses penchants passionnés, perdue dans la quête d’elle-même et son désir de comprendre les sentiments contradictoires qui l’agitent. Pour atteindre quel but? Le savoir ou la destruction? La transformation ou la disparition?
J’ai aimé ce roman pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, l’autrice revisite le thème des vampires et elle le fait très bien. J’ai aimé sa théorie, la façon dont les buveurs de sang s’intègrent dans le monde et aussi la perspective d’échéances qui les rendent plus accessibles.
Ensuite, j’ai été happée par le scénario mis en place. J’aime les histoires de complot, les intrigues à plusieurs niveaux, les puzzles qui se mettent en place pièce par pièce. Dans ce domaine, Stéphanie Roselère a réussi un très bel ouvrage.
Si certaines de mes suppositions étaient justes, je suis passée à côté de tout un pan de l’intrigue que j’ai pu découvrir au fur et à mesure, au point de ne plus arriver à décrocher de ma lecture.
J’ai aussi été sensible aux thèmes abordés, au-delà de la « simple » histoire de vampires. Il y a, évidemment, la question de la « pureté de la race », de l’intégration et du métissage. Mais il y a aussi une très belle réflexion sur l’appartenance. Famille de sang? Famille de coeur? Comment trouver une place dans un monde quand on ne sait pas exactement ce qui compose le sien. La notion des racines et de la transmission est ici parfaitement traitée.
L’amour a aussi une belle place, quoi que, soyons clairs, la romance est au second plan de l’intrigue. Le côté midinette en a parfois été un peu déstabilisée, mais pour tout dire, j’ai adoré ça parce que j’ai pu me concentrer sur l’intrigue à proprement parler. Pourtant, qu’il s’agisse du lien de raison qui laisse place à une véritable affection, qu’il s’agisse de l’amour passion qui balaie sur son passage convenance et prudence, de l’amour des siens, de l’amour parental ou de l’amour qui survit à la fin, parce que la valeur des moments partagés est aussi important que sa durée, le domaine de l’amour a été abordé sous bien des formes avec un égal succès.
L’écriture de l’autrice est aussi un atout en faveur de cette lecture même si, paradoxalement, il a été un petit bémol en début de lecture. Stéphanie Roselière écrit très bien. Elle a un beau sens de la description qui, au départ, m’a un peu freinée. J’ai trouvé par moments que celles-ci ralentissaient le récit, donc la rapidité de mon attachement. Fort heureusement, je suis rentrée dans cette logique et j’ai pu savourer à la fois le souci du détail et celui du récit.
Si le récit est beau, que dire des personnages?
J’ai aimé la loyauté sans faille d’Aymard, d’Amaric et l’amitié de Marie-Anne qui forment à la fois la garde rapprochée de Victor et un comité d’accueil vital pour Sénaé. Tantôt dans l’explication, tantôt dans la tempérance, ils sont des ponts d’équilibre. Le personnage de Marie-Anne donne en plus un aspect presque « normal » à ce clan où grandissent des enfants, adeptes de boules de neige et de rot après leur biberon. Mais c’est aussi la résilience de ce personnage que j’ai beaucoup aimé et des tendances maternelles dont Sénaé a bien besoin.
L’héroïne de ce roman est un personnage complexe. Ôtez de son vocabulaire les mots prudence, diplomatie et vous aurez une idée de ce qui vous attend. Son caractère entier la met parfois dans une situation des plus périlleuses et son air vindicatif peuvent être perturbants dans un univers où l’ordre et l’obéissance ne sont pas des vains mots. Mais j’ai aussi aimé sa générosité, son altruisme, sa façon de ne jamais se laisser abattre et de toujours revenir dans sa mêlée.
J’ai aussi été sensible à sa métamorphose mentale, à la façon dont, peu à peu, elle intègre ce monde qu’elle pensait haïr, ainsi que sa démarche pour comprendre et trouver sa place. Elle qui pensait que l’attachement était une faiblesse car il impliquait le risque de perdre ceux à qui l’on tient est obligée de revoir son jugement et c’est très réussi. C’est un personnage attachant et j’avoue que j’aurais volontiers signé pour une suite de ses aventures.
D’autant que des éléments restent encore en suspens, notamment face au charismatique et mystérieux Victor.
Même si le récit nous donne peu à peu des clés pour le comprendre. Les responsabilités qui pèsent sur ses épaules, la protection des siens, les décisions qu’il a dû prendre, tout pousse à l’endurcir. J’avoue que la midinette en moi a parfois été déstabilisée par sa froideur et que je me suis imaginé des évolutions, qui sont venues ou non (vous ne pensiez tout de même pas que j’allais vous le dire).
J’ai aimé qu’il ne soit pas l’homme des grandes envolées lyriques, mais plutôt un modèle « More than Words » dont les actes sont plus parlants que les mots. J’ai adoré le voir lutter contre ce qu’il ne comprend pas, le décortiquer de façon presque chirurgicale, tenter d’y apporter une réponse scientifique et organisée. À titre personnel, je trouve très difficile de créer un personnage autant dans la maîtrise et le contrôle, ce qui n’en rend que plus appréciable la réussite de l’autrice.
Au final, ce roman est une grande réussite par sa façon de dépoussiérer le mythe et de montrer que, même sur un thème aussi répandu que celui des vampires, on peut encore et toujours se réinventer, par l’intrigue et les machinations habilement menées et aussi par un casting de haut vol. Autant de raisons pour lesquelles, dans le clan de l’aubépine ou sous d’autres cieux, j’espère vivement retrouver bientôt la plume de Stéphanie Roselière.