Titre Campus Games
Auteurs Chloe Wild & Amy Hopper
Éditeur Éditions Anne Carrière
Date de sortie 4 juin 2021
Un titre à commander ici Campus Games
Qui n’a jamais rêvé de rentrer dans un roman pour modifier le destin de l’un des personnages?
C’est en partie pour cette raison que j’ai commencé à écrire, il y a des années.
C’est ce défi que Chloé Wild et Amy Hopper nous lancent dans un jeu intense et passionné, dans ces jeux de Campus aux éditions Anne Carrière que je remercie pour leur confiance.
Les habitués de ce blog ne comptent plus le nombre de fois où j’ai clamé mon addiction à la plume de la première, mieux connue comme Chloé Wilkox. Sauf erreur, j’ai lu tous ses romans avec une égale passion.
D’elle, j’aime les héroïnes en apparence fragiles mais au caractère de feu. Je fonds pour ses héros abîmés et qui pensent ne pas avoir droit au bonheur -déclenchant automatiquement chez moi le réflexe inverse. Je suis irrémédiablement fan de sa plume, sensible, puissante, passionnée, capable de me faire passer des larmes à tout l’éventail de la passion avec un nombre non négligeable d’interjections en tous genres. Je guette avec avidité tous les moments où la romance permet autre chose, ouvre une fenêtre sur le monde et les questions qui se posent, en particulier aux jeunes en quête de l’adulte qu’ils vont de venir. Elle est l’une de celles qui parvient immanquablement à m’embarquer dans les romances de campus, moi qui suis habituellement assez réfractaire au sujet.
Bref, je prends tout.
J’ai découvert la plume d’Amy Hopper plus récemment, mais je peux lui adresser son lot de compliments sincères. Elle aussi manipule la langue pour la plier à une description forte et ciselée des sentiments humains, qu’ils soient amoureux ou non.
Elle aussi bâtit des intrigues où les rebondissements laissent peu de répit aux lecteurs. Et vous savez quoi? J’en redemande.
Inutile de vous dire que lorsque j’ai su que ces deux plumes, mieux, que ces deux âmes unissaient leur talent pour un projet inhabituel, j’ai guetté un résultat que j’attendais aussi original que réussi.
Cette attente n’a pas été déçue, loin de là. Les deux styles s’entremêlent si bien que je serais bien en peine d’identifier Chloé et Amy derrière les différents chapitres. Leur talent individuel se trouve renforcé par cette collaboration où l’on sent tous leurs points de convergence. Le résultat de leur labeur est un labyrinthe que j’ai pris un plaisir fou à arpenter.
Campus Games est un jeu à plusieurs niveaux.
Un jeu de l’amour et du hasard. Un jeu de trompe-la-vie. Un jeu de pauvres petits gosses riches dans l’une des universités les plus prestigieuses du monde, jamais avares d’une bonne plaisanterie ou d’un projet délirant. Un jeu pour se trouver ou se perdre, pour trouver sa voie quelles que soient les cartes qu’on a en mains au départ. Un jeu pour surmonter les échecs et les blessures ou les laisser vous engloutir et disparaître. Un jeu pour les lecteurs qui peuvent, à leur gré, remplir un sondage de magazine féminin ou décider de l’évolution de l’histoire.
Willow Hopkins est une jeune étudiante qui voit son avenir basculer à l’issue de sa première année à l’université de San Diego.
L’apparition d’une tante fortunée, l’excellente et pleine de surprises Elizabeth la propulse directement à Princeton, pour une deuxième année décisive et pleine d’incertitudes.
Là, elle découvre un nouvel univers avec des colocataires et de nouveaux amis, un nouveau rythme de vie et de travail, de nouvelles exigences.
En effet, la solaire Will danse un étrange tango entre deux tempos, cherchant à choisir le bon pas.
Littérature anglaise ou journalisme? Fille de hippie ou jeune fille de la haute société? L’exubérance de Maddison, sa coturne ou le sérieux de Bianca et Agnes avec lesquelles elle partage son quad ? La légèreté apparente de la Clique de Charlie McCoy et ses riches amis, Finn, Cameron et Alaska ou le monde artistique et plus décalé du boursier River et de la créative Zoë?
Confrontée à toutes ces questions, Will doit aussi et surtout se confronter au plus incroyable de tous les défis: devenir la femme qui correspond vraiment à ses envies en faisant cohabiter toutes ses aspirations et toutes les composantes de sa nouvelle vie.
Pourtant, il apparaît très vite que la brillante étudiante se trouve au cœur d’une situation qu’elle ne comprend ni ne maîtrise.
En dépit des apparences, la tribu de cœur de Charlie et des siens l’accueille à bras ouverts. Intégrée presque spontanément dans la joyeuse assemblée, elle participe à des fêtes incroyables de fatuité ou à des soirées intimes dans le meilleur des restaurants italiens.
Elle est surtout charmée par Charlie. Sous son armure de garçon blasé et caustique se cache une profonde blessure qu’il n’autorise que rarement à s’exprimer, préférant se retrancher derrière son sourire arrogant et sa vivacité d’esprit.
Mas elle se sent tout aussi proche de River, en dépit de leur première rencontre -et de celles qui suivent d’ailleurs.
Les deux hommes l’attirent, la troublent et pourtant tout les oppose. En dépit de ses sentiments à cet égard, l’un est l’héritier d’un grand nom et d’une grande fortune dont il tire avantage. L’autre bénéficie d’une bourse et entretient avec sa mère une relation intense.
L’un attire la lumière quand l’autre est ténébreux.
L’un représente d’emblée le charme, la séduction et une forme de chaleur. L’autre exaspère, oppose, stimule et pourtant offre des instants de grâce presque inattendus.
Tous deux sont des tombeurs qui ne se laissent pas apprivoiser.
Tous deux cherchent leur voie. Le journalisme ou le commerce pour le premier. L’art ou la médecine pour le second.
Tous deux dissimulent derrière une armure bien patinée une blessure inguérissable.
Chacun des deux représente un plateau de la balance à laquelle Will espère bien trouver son équilibre.
Ce scénario annonce une belle romance, un dilemme amoureux comme on les aime et des nœuds au cœur et au cerveau?
Sans doute. Mais ce n’est pas tout. Outre la rivalité sentimentale, il existe entre Charlie et River une dissension qui tire sur la haine la plus farouche. Willow en est-elle l’enjeu? une donnée collatérale? Un motif supplémentaire à se sauter à la gorge?
Si la jeune femme peine à choisir sa route, elle se montre par contre totalement résolue dans une idée fixe: trouver et comprendre ce qui rend presque impossible toute perspective de fréquenter l’un des garçons sans trahir l’autre.
Les deux autrices nous offrent là un autre niveau dans ce roman, celui du suspense.
De son contenu, je ne vous dirai rien pour vous laisser découvrir par vous-même l’arc narratif qui traverse tout le roman.
Sachez juste qu’il est aussi « banal » que puissant et qu’une fois de plus, le binôme a su en tirer le meilleur. En effet, elles sont plus qu’adroites pour maintenir la tension et attiser le désir de comprendre. Là, de découverte en hypothèse, elle poussent loin leur talent pour le mystère. Si j’avais trouvé certains éléments, j’étais loin du compte et la somme des révélations a jalonné ma lecture de telle sorte que j’ai eu le plus grand mal à poser mon livre.
Une romance donc, à suspense, mais il y a plus encore! Une romance dont vous êtes l’héroïne annonce le titre.
Je ne sais pas vous, mais dans mon passé de rôliste, j’ai souvent suivi ce genre de scénarii où chaque joueur influence la suite de son aventure. J’ai même dévoré, dans mes jeunes années, des livres d’aventure « dont vous êtes le héros ».
Dont nous sommes, surtout, les architectes et les scénaristes, c’est bien moins fréquent.
La démarche, qui a dû demander un travail colossal dont j’aurais adoré découvrir les coulisses, est originale. Elle fait de ce roman un titre à part.
D’une part, elle positionne le lecteur dans une posture plus active. À plusieurs reprises, j’ai hésité, parfois longuement, sur la conduite à suivre. Ça tombe bien. Willow est tout aussi perdue et cette façon de procéder a renforcé une réelle empathie pour la jeune étudiante. De plus, la trame est très bien pensée. Certaines décisions nous sont plus que suggérées -à force de revenir sur le tapis, on va bien finir par aller voir tel personnage clef- d’autres débouchent sur des impasses. Toutes sont pensées pour que le puzzle se mette en place.
Enfin, par-delà le défi d’écriture, ce roman offre aussi de multiples possibilités, donc plusieurs romans en un. Vous ne me croyez pas? Et pourtant! Sachez que j’ai fait ma curieuse et que j’ai emprunté -dont une fois involontairement- différents chemins en revenant sur mes pas. Le résultat est bluffant et montre le talent de notre duo qui a laissé -dans une certaine mesure- les rênes de leur histoire à leurs lectrices. C’est un choix audacieux, que l’autrice en moi admire pour la masse de travail qu’il a dû représenter et que la lectrice apprécie tout autant, surtout vu la difficulté que j’ai eu à adopter une ligne de sentiments rectiligne et définitive.
La marque d’un bel ouvrage, c’est qu’on n’en voit que le résultat, ni les traces de construction, ni les indices de l’effort, comme une broderie aussi nette sur l’endroit que l’envers. Dans ce registre, inutile de le cacher, Chloé Wild et Amy Hopper sont des dentellières dont le talent occulte presque l’effort pour nous offrir un roman dense où rien n’est gravé dans la pierre, un roman plein de mystère et de tensions. Un roman d’amour qui me rappelle en une phrase pourquoi j’aime autant ces deux autrices. Comble de la grâce? Je vous laisse le soin de replacer cette phrase dans la bouche du bon protagoniste.
Tu n’as pas un toi entier à me donner, et moi je n’ai que des lambeaux de moi à donner.
Pour ma part, je vais, sans doute, recommencer toute l’histoire en adoptant d’autres choix, juste pour chiper d’autres lambeaux de plaisir en attendant, en solo ou en duo, le prochain ouvrage de ces deux équilibristes des mots et des sentiments.