Titre Écris-moi
Auteurs Loïs Smes et Karyn Adler
Éditeur Kyrro Éditions
Date de sortie 10 juin 2022
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À 17 ans, on est capable de toutes les folies: faire des blagues par SMS, former des rêves de futur, trouver l’amour de sa vie, tout foutre en l’air en un instant.
À 30 ans, les enjeux sont plus forts, les risques plus grands, les cicatrices plus profondes. Et la passion dans tout ça?
Ce panorama de vie pourrait servir de présentation à la nouvelle merveille issue de Kyrro Editions et portée par ses bonnes fées Lois Smes et Karyn Adler.
Dans un roman en partie épistolaire, mais un épistolaire 2.0, que j’ai dévoré avec passion, les deux autrices brossent le tableau touchant, parfois attendrissant, souvent bouleversant de deux adolescents que rien ne destinait à se rencontrait à part une coïncidence de numéros de téléphone.
Vous connaissez le jeu de « passe à ta voisine »?
Kieran Hawkes, brillant lycéen de Destin en Floride y joue souvent avec ses meilleurs amis Curtis, Edwin et Nash.
C’est un jeu tout ce qu’il y a de plus simple qui occupe bien entre deux baignades, trois runs de skateboard et toutes les activités que ces turbulents adolescents partagent dans le dernier été avant l’université.
Le principe est simple: proposer un rendez-vous à une inconnue, sa voisine de numéro de téléphone.
Généralement, c’est un coup dans l’eau, mais parfois, le destin s’en mêle. Parfois il place au bout de la ligne de Kieran une jeune adolescente de Boston dans le Massachussets.
Elle s’appelle Hailey Cooper, sensiblement le même âge que son plaisantin.
Combien de chances que les trublions du destin placent les deux jeunes gens sur la route l’un de l’autre? Que le premier message « pour rire » en entraîne un second, un troisième, un centième? Que ces discussions amusantes deviennent une histoire d’amitié, d’attraction, puis d’amour à distance?
Quelle probabilité, finalement, que les jeunes gens destinés à des itinéraires si différents puissent passer une journée ensemble?
Tout est prêt, tout est parfait, tout est merveilleux. Musique d’ambiance, journée ensoleillée, oiseaux chantants, papillons irisés et tout le toutim. Vous voyez le décor? Vous y êtes bien?
Non, mais sérieusement? Vous connaissez le sadisme littéraire du duo Smes/Adler et vous pensez qu’elles nous auraiebt laissé sur ce moment tout doux tout chamallow?
Oh que non!
Le roman prend alors un tout autre tournant qui rappelle à quel point Lois et Karyn sont douées, individuellement et en duo, pour décrire les sentiments dans ce qu’ils ont de plus écorchés, de plus abîmés.
Petite confidence, j’adore ce moment où je suis prise d’une frénétique envie de les insulter, ensemble ou séparément, pour ce qu’elles font subir à leurs personnages, ce moment où je suis tellement prise dans ma lecture que je ressens, par procuration, le désespoir et l’incompréhension.
Pour quelles raisons l’histoire change-t-elle à ce point de théâtre?
Vous croyez vraiment que je vais vous le dire?
Je vous dirai seulement que l’on fait un saut dans le temps, d’une dizaine d’années, qu’on traverse les Etats-Unis et que les adolescents qui ouvraient les yeux vers le futur sont en train de le vivre, cet avenir.
Ressemble-t-il à leurs rêves? A-t-il les relents de leurs cauchemars?
Comme vous pouvez le supposer, il est incroyablement difficile de parler de ce livre, notamment de sa deuxième partie, sans spoils. Pourtant, les autrices ont pris le soin, elles aussi, de ne pas tout nous dévoiler du premier coup, en maintenant une tension difficilement soutenable.
Par contre, je peux vous dire pour quelles raisons j’ai autant aimé ce livre.
D’abord j’en ai adoré la forme. J’ai toujours été fan des romans épistolaires et je trouve que l’idée d’adapter cette idée à la vie contemporaine était parfaite. Prendre le temps de se connaître sans se rencontrer, sans se voir, sans même se parler, c’est une excellente façon de se découvrir dans un slow burn qui tient toutes ses promesses et même plus.
Ensuite, j’ai été très sensible au deuxième temps de ce roman. On a souvent tendance à demander à des tout jeunes adultes comment ils se voient dans dix ans. Mais on a rarement l’occasion d’en voir les conséquences. J’ai été très sensible en retrouvant ce que l’on connaissait -ou pensait connaître- des principaux protagonistes et ce que la vie a fait d’eux. Il y a les plans que Kieran avait tracés et ce que la vie en a fait. Il y a les « non-plans » que Haley n’avait pas fait et là où la vie l’a menée. Il y a les ressemblances que l’on recherche et les fossés qui s’ouvrent sous nos pieds. Il y a aussi la conséquence des décisions que chacun a prises, de celles qu’on lui a imposé, des choix qui en ont résulté.
Une chose est sûre, il n’est pas simple de réinventer totalement ses personnages. Pourtant, c’est exactement ce qui a été fait ici et je me suis retrouvée dans un délicieux déséquilibre que j’ai particulièrement apprécié.
En outre, j’ai eu un coup de cœur pour le casting de cette histoire. Je ne vous ai pas encore parlé de Brooke, la meilleure amie d’Haley. Dans les premières pages, je l’ai prise pour la gentille amie un peu superficielle. Dans les faits, elle est la meilleure des amies fidèles. Elle est toujours là, pour partager les merveilleuses nouvelles ou ramasser les morceaux de cœur émiettés, pour regonfler les batteries lorsque la confiance en soi chancèle, pour être là dans les meilleurs moments comme les pires. Bref, elle est là et sans elle, l’histoire n’aurait pas tout à fait la même saveur.
Du côté des garçons, Lois et Karyn ont réuni un groupe tout aussi attachant. Elles ont aussi déjoué mes pronostics. Dans la Floride de l’adolescence, les binômes amicaux étaient clairement définis. Dix ans plus tard, si l’amitié reste présente, les rôles sont redistribués. Les garçons, destinés à être dispersés au gré de leurs études et de leurs réussites ont changé de voie mais construisent ce futur commun qui agit comme une transition rassurante. En dépit des responsabilités et des milliers de dollars qui fleurissent sur leurs comptes en banque, ils ont encore, par moment, des réflexes de sales gosses. Surtout, ils ont su sublimer les qualités de chacun et s’offrir un cadre plus rassurant où chacun, avec ses ponts forts et ses failles, trouve sa place et son équilibre.
Mais dans les protagonistes de cette histoire, il y a aussi des familles. J’ai été touchée par leur vulnérabilité. Les parents de Kieran et Haley aiment leurs enfants, c’est une évidence. Pourtant, ils ont tellement de mal pour les comprendre, deviner ce qui les anime ou les bouleverse qu’ils en deviennent, sinon des ennemis, du moins des étrangers. Parfois, on doit se confronter à eux pour avancer, parfois, on doit les mettre à distance. Parfois, on s’autorise à les retrouver et on mesure le chemin parcouru. Dans ce registre, j’ai adoré mieux découvrir Malone, le frère de Kieran. En terme de pages, on pourrait se dire qu’il est un personnage très secondaire. Et pourtant. Il est le symbole de tant de non-dits, de silences et d’occasions ratées que j’en ai été particulièrement émue.
Autre élément qui me fait particulièrement aimer ce roman, sa playlist évidemment. Une nouvelle fois, elle croise si souvent mes propres goûts musicaux que je ne peux qu’y voir une nouvelle preuve (avec un peu d’arrogance) de toutes les fois où nos esprits entrent en télépathie.
Enfin, bien sûr, ce qui fait de ce roman un histoire particulière, c’est sa romance. Comme toujours, et en dépit de l’impression première, elle n’a rien de simple, elle n’a rien d’évident. Elle se mérite comme une victoire sur soi-même et sur les autres, comme un succès sur la vie.
Un premier amour peut-il être un amour toujours? Est-il souhaitable de se retourner vers son passé? Doit-on le laisser dans la catégorie des souvenirs, lorsqu’une opportunité se présente? L’amour de l’autre doit-elle dépasser l’amour de soi?
Non, ce ne sont pas les sujets du nouveau bac de philosophie, mais une partie des questions qui ont percuté mon cœur au rythme incroyable, puissant et bouleversant, de l’écriture de Lois Smes et Karyn Adler. Et si je devais finir cette chronique autrement qu’en remerciant encore ces deux plumes pour leur sensibilité écorchée, pour leur force de bulldozer et leur délicatesse de magiciennes, je le ferais en empruntant quelques uns de leurs mots.
Elle est mon bleu à l’âme, mon vert espoir, mon rouge passion et même, la douleur irrésistible de mes idées noires.
Un arc-en-ciel d’émotions bouillonnantes que je vous recommande, bien évidemment!