Titre La vie sans toi
Auteur Xavier De Moulins
Éditeur JCLattès
Date de sortie 27 mars 2019
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Un roman découvert en partenariat avec NetGalley et les éditions JCLattès.
Il est des événements dans la vie dont peu de personnes se remettent. En tête de liste, on trouve le deuil. À plus forte raison lorsqu’il touche un enfant.
« Il est contre-nature de survivre à ses enfants », disent certains. Mais tout est dans le verbe. Survivre.
Paul et Eva, autrefois couple uni et aimant, ont vécu ce genre de drame, cette perte.
Dans ce récit, construit en plusieurs temps, l’absent prend peu à peu une place, discrète majeure, puis de plus en plus présente, contribuant à la mise en place d’une tension lourde et poisseuse.
Face à l’absence, Paul et Eva ont réagi à leur manière. Paul, l’artiste peintre autrefois prometteur d’une inspiration folle, tente de se raccrocher à son art, de produire. Mais entre ses doutes d’artistes et sa blessure de père, d’homme et d’amant, l’inspiration le fuit. Pourtant, dans le même temps, Peter, son meilleur ami, son galliériste, mais aussi son rival, le presse et ajoute le stress du mensonge à celui d’avancer dans la vie. Paul entretient le souvenir de son fils, le recherche dans tous les coins de cette vie qui s’effiloche.
Face à lui, au contraire, Eva veut se raccrocher à tout ce qui n’est pas lui.
Pour autant, elle ne reporte pas vraiment son attention ni son temps sur les deux enfants qui restent au couple, deux ombres qui passent dans le foyer silencieux comme deux ombres discrètes. Eva court. Elle court après le temps, elle court contre les souvenirs, contre la culpabilité, contre ce qui a été son bonheur enfui.
Elle court d’un fuseau horaire à un autre, d’une affaire à une autre, d’un tas d’argent à un autre avec une furie qui relève de la fuite en avant. Elle court par peur de crever si elle s’arrête, à moins qu’elle ne courre jusqu’à mourir d’épuisement.
Mais elle court. Comme si mettre sa famille à l’abri du besoin financier allait permettre le double exploit de les tenir en sûreté et à distance.
Pourtant, dans ce couple, il y a encore de l’amour. Mais il y a tant de non dit, tant de pudeur, tant d’incapacité à souffrir à nouveau que tout ce qui pourrait survivre s’enfouit sous les cendres du bonheur passé.
Les temps suivants du récit voient le couple évoluer. La vie frémirait encore? Un sursaut de création, une pointe de jalousie, le réveil timide d’une ouverture à l’autre et on se prend à croire que, peut-être, tout peut recommencer, plus fragile ou différent. Mais l’espoir d’un « après » se dessine, sans qu’on sache s’il sera positif, et surtout pour qui il apportera un bienfait ou un répit.
L’auteur se fait conteur des failles et des lézardes qui menacent un édifice fragile. Trop fragile?
C’est l’un des enjeux de cette histoire. On suit avec un intérêt inquiet, les convulsions qui agitent ce couple plus proche de l’agonie que des retrouvailles et du pardon. Les actes se font fuyants, les propos impardonnables, et le navire prend l’eau de toute part.
Et dans ce marasme, soudain, le point de repère devient l’absent. Plus l’ensemble vacille, plus il prend substance. Première surprise, je ne l’imaginais pas du tout ainsi.
L’auteur nous a d’abord laissés former notre propre image, dessiner les contours de l’enfant selon nos représentations, nos craintes, notre vie peut-être. Puis il propose sa propre version qui m’a prise à contrepied. Et j’ai beaucoup aimé être ainsi malmenée et passée dans le tambour d’une machine à lessiver les émotions.
Pour autant, la personnalité de Stan n’est qu’un aspect de cette série de volte-faces. J’ai commencé cette histoire en pensant que le deuil de l’enfant en serait l’élément essentiel. Je n’étais pas loin de la réalité, et pourtant tellement éloignée.
Un temps, j’ai cru que l’histoire se ferait sentimentale. Elle m’a surprise en devenant plus sombre. Puis, sans rien en dire pour ne pas dévoiler une intrigue qui mérite d’être dégustée jusqu’à la dernière page, elle prend un virage, puis un autre, et encore quelques-uns qui fragilisent le confort émotionnel du lecteur. Et au vu du récit, on ne peut que supposer que c’est totalement volontaire.
Comme beaucoup, je connaissais Xavier de Moulins journaliste, mais je n’avais encore jamais abordé ses écrits. J’ai refermé celui-ci un peu déstabilisée, comme après une série de coups, allant de la pichenette à l’uppercut. Je crois pouvoir dire sans me tromper que le dernier round
est un enchaînement qui s’achève par des vacillements de plus en plus intenses, jusqu’à l’instant fatidique du genou à terre.
Il est difficile d’en dire davantage sur l’histoire à proprement parler sans lever des éléments essentiels que je vous souhaite de découvrir dans la même anxiété nerveuse que celle qui a guidé ma lecture.
Par contre, je vous dirai volontiers que j’ai beaucoup aimé lire cette narration multivoce où les personnages interviennent au fur et à mesure que leur présence est nécessaire à l’enrichissement du récit. C’est un roman relativement court, mais d’une densité telle que tout y est.
J’aime souvent m’identifier aux personnages que je croise. Dans cette histoire, ça a été à la fois le cas et en même temps, j’ai ressenti par moments une répulsion ou du moins un malaise en présence de ces êtres torturés et qui cherchent comment avancer au moins mal, dans cette « vie sans toi »