Titre Ce qui nous rend vivants
Auteur Emma Green
Editeur Editions Addictives
Date de sortie 12 octobre 2023
Un titre à commander ici https://amzn.to/3tXY56B
Fans d’Urgences, the Resident et autres Grey’s anatomy, Greenies assumées, bienvenue !
Aujourd’hui je vous parle d’une lecture qui ressemble à Noël, anniversaires et tous les autres cadeaux réunis. Une romance signée Emma Green, dans les urgences de Chicago, rien que ça !
Attendez-vous à retrouver l’adrénaline des réanimations d’urgence, les luttes de préséance entre chefs de services, internes et résidents, les amitiés intenses qui naissent des heures de tension et d’efforts continus.
Attendez-vous à ce que les yeux picotent, que les cœurs s’emballent, que vous ayez une ou deux envies subites d’envoyer un message très désagréable aux Emma Green parce que la vie, franchement, parfois c’est trop injuste pour nos petits cœurs.
Attendez-vous bien sûr à de l’amour avec un grand A.
Mais ne croyez pas que chaque placard ou salle de garde renferme des secrets d’alcôve. J’ai aimé le tour très humain de ce roman.
J’ai été sensible à retrouver des internes exténués au terme d’une journée de garde, à découvrir des médecins à bout de n’avoir pu mener à bien leur mission, sauver des vies.
J’ai été touchée par des soignants trop pressurés, trop exploités, trop peu soutenus, un écho hélas bien familier du monde contemporain.
Mais surtout, j’ai été séduite par Cléo et Carter. Il a un prénom qui renvoie directement à l’un des héros d’Urgences ? Même pas un hasard !
Sa mère, Ana, maman solo et à la vie complexe, a choisi ce prénom comme un talisman, une promesse sur l’avenir. Tu seras médecin, mon fils. Tu sauveras des vies, tu construiras une belle existence. Quelle signification derrière le prénom de son frère Roméo ou de sa sœur Lucy ? Il faudra peut-être attendre d’autres histoires pour le découvrir. (Quoi ? Un appel subtil ? Ça se pourrait !). Quoi qu’il en soit, cette femme au verbe haut et au grand cœur est prête à tout pour sa famille, même à braver les esprits étriqués pour vivre pleinement son amour avec Susan -tiens, un autre prénom urgentesque, oui, je sais, j’ai passé ma lecture à guetter les clins d’œil !
Elle a inculqué à Carter l’ambition de suivre ses rêves et de croire que rien n’est trop haut pour être atteint. Mais cette ambition a des contraintes. Carter les a affrontées tout au long de sa vie, notamment dans ses études où il n’était pas forcément le favori pour être major. D’autres partaient mieux armés pour l’aventure.
Par exemple, Cléo Robbins -Robbins, suivez mon regard vers l’Arizona ?
Elle est, au contraire de Carter, née sous une étoile médicale : mère pédiatre, père psychiatre, plus de médecins dans al famille qua dans un désert médical, elle est prédestinée à faire carrière. Pour autant, ne pensez pas qu’elle compte sur un quelconque passe-droit pour y arriver. Cléo, parce qu’elle porte ce nom, estime qu’elle a tout à prouver, plus encore que ses collègues. De plus, elle n’est pas tout à fait adaptée aux soirées étudiantes et aux chahuts en cours. Elle, son truc, c’est le travail. Acharné, passionné, exigeant et gratifiant.
De rivaux, Cléo et Carter sont devenus partenaires, complices, amis, quelque part, avant que tout ne s’écroule et que Cléo disparaisse.
Aussi, quelle n’est pas la surprise des deux jeunes gens de se retrouver face à face aux urgences ! Cléo y commence son internat sous la direction de Mickaëla Pravesh (vous sentez le double clin d’œil ?) là où Carter est le résident en neurochirurgie. Ne rêvez pas d’un quelconque docteur Mamour. Son chef de service, Peter Walsh, est une authentique tête à claques, coureur de jupons et arrogant, tyrannique et très éloigné de l’humanité envers ses patients comme ses collègues.
Carter et Cléo se retrouvent donc, comme avant.
Comme avant ? Certainement pas. La vie a mis quelques claques sévères à Cléo, à commencer par tout ce qu’elle reproche à Carter. Heureusement pour elle, malgré des décalages adorables, elle se lie d’amitié avec Veronica Turner et Malik Powell, deux autres internes qui lui permettent de passer les moments difficiles et créent autour d’elle un cocon rassurant.
Carter, pour sa part, a perdu de vue Levi, Lisa et Jake, ses compères de la fac, pour devenir l’ami inséparable de Luka Pavlovic, un infirmier au grand cœur. Inutile, je suppose, de préciser à quel point j’aimerais mieux les connaître, (deuxième appel du pied discret) tout autant que Max, la secouriste, amie d’enfance de Carter et idole de Cléo qui lui envie son efficacité et son sang-froid tout autant que son aisance.
Dans cet univers solidaire, parce que traverser les moments rudes à plusieurs, en disputant une partie de billard au High Five, c’est tout de même mieux que de ruminer dans son coin, Cléo et Carter s’évitent autant qu’ils s’aimantent, retrouvent une complicité professionnelle aussi évidente que leur refus de faire le premier pas l’un vers l’autre.
Dans cet ennemi to lovers très réussi, les Emma Green montrent, une nouvelle fois, leur intérêt pour la « vie en vrai » et les thèmes de société. Je ne peux, bien sûr, pas tous les dévoiler, sous peine d’en dire bien trop de cette histoire prenante et émouvante.
J’ai aimé retrouver certains thèmes chers au duo, comme la famille, le cocon qu’on se crée et toutes les forces qui peuvent le fragiliser, le manque de communication, le regard des autres. Dans ce roman, comme souvent, elles nous rappellent que, la famille, c’est « nous contre le monde entier », quel que soit le danger que représente ce monde extérieur. J’ai aimé voir des enfants, devenus de jeunes adultes, alternant les moments où ils ont, encore et toujours, besoin de la protection parentale, d’un regard bienveillant, d’un gros câlin, d’une discussion à cœur ouvert ou au contraire d’un coup de pied au derrière et d’autres où ils deviennent des adultes, interlocuteurs à part entière d’autres adultes, les parents. Il y a même, à certains moments, une inversion des rôles, lorsque les enfants prennent les commandes, pas comme de sales gosses tyranniques, mais comme les soutiens des mauvais jours, la preuve qu’on a fait du bon travail pour en faire des adultes responsables, debout et solides.
J’ai été sensible au traitement de la « question médicale ». Dans les séries qui, vous l’aurez compris, me sont chères, on a souvent l’impression de personnels soignants sans doutes et sans craintes qui enchaînent les procédures complexes et forcément réussies. Là, j’ai été touchée d’être plongée dans l’univers d’être juste humains, parfois faillibles, parfois impuissants face à la vie ou plutôt à la mort. Pour surmonter l’inacceptable, chacun a son exutoire, les larmes, la course, l’oubli dans des bras accueillants pour quelques heures volées à la vie, un ring de boxe, une soirée fléchettes, bière et billards. Pour tous, les cœurs sont lourds, les esprits marqués et l’envie de faire toujours mieux est solidement chevillée au corps. D’autant que, à Chiicago ou ailleurs, les soignants ne comptent pas leurs heures, au détriment de leur propre bien-être, parfois au bout du bout de leur résistance. Et comme derniers remparts lorsque tout fiche le camp, ils sont aussi en première ligne de l’inquiétude, du mécontentement, de la peur et de la colère qui rendent bêtes.
Ce roman, en plus d’être une référence à nos soignants de fiction, est aussi un hommage aux « vrais » soignants qui consacrent leurs vies à veiller sur la nôtre.
Les difficultés personnelles que rencontrent Cléo et Carter -quelle frustration de ne pas pouvoir en dire davantage- sont traités avec l’empathie que l’on pouvait attendre des Emma Green.
Comme dans leurs derniers romans, ils rappellent que la vie est faite de fêlures et de grandes fractures que l’on répare comme on peut, qui laissent des cicatrices, visibles ou invisibles. On peut les réparer, les atténuer, consolider ce qui a été blessé grâce à la meilleure des rééducations, l’amour, la confiance, la vérité, la justice.
Elles laissent malgré tout, toujours une trace, visible ou invisible, qui fait de Cléo et Carter, comme des derniers héros greenesques que j’aime tant, de Léo à Louve en passant par Wila et les autres, des personnages parfaitement imparfaits, de ceux qu’on aime pour leur force, et plus encore pour leurs faiblesses. En attendant leurs successeurs dans la galaxie greenie.
