Titre Back to campus
Auteur Erin Graham
Editeur Editions Addictives
Date de sortie 20 Avril 2021
Un titre à commander ici Back to campus
Chroniquer un livre est un exercice passionnant, parfois difficile, toujours plein de défi.
Chroniquer un très bon livre est à la fois très simple parce qu’on a beaucoup à en dire, et complexe pour ne pas verser dans la simple extase.
Mais chroniquer un très bon Erin Graham est un défi délicieux et stressant parce qu’il y a tant à en dire qu’à chaque phrase on craint de trop en dire.
À voir les mille précautions qui entourent la rédaction de cette chronique, je peux vous le confirmer, Back to Campus est un très très bon Erin Graham.
L’histoire ?
(en faisant simple et en tenant compte de l’impératif énoncé précédemment)
Ruben Holman est un militaire de grande valeur. Il est régulièrement déployé en OPEX dans les coins les plus périlleux de la planète. Il excelle dans sa mission par son sang-froid, son détachement, et sa façon de ne faire qu’un avec sa famille de terrain.
Parce que du côté de la famille de sang …. Il faut dire que Ruben a tout plaqué quelques années auparavant, en particulier son petit frère Kyle et son oncle Rick.
Plaqué, oublié, parti sans espoir de retour.
Jusqu’au jour où Ruben rentre en catastrophe, pour se rendre au chevet de son frère, plongé dans un état stable mais quasi-désespéré.
Si ce retour le confronte à son passé et à ses choix, il le renvoie aussi à ce frère qu’il ne connaît pas et aux idées fausses dans lesquelles il s’est muré.
Homme d’action, Ruben ne peut rester assis à attendre un hypothétique changement. Il a besoin de bouger, de comprendre, de montrer à Kyle qu’il est de retour et qu’il est prêt à tout pour le soutenir.
De l’autre côté de New Valley, Billie McKalan louvoie au jour le jour dans une situation fausse et périlleuse. Showgirl la nuit, elle devient le jour la petite amie de Brent Moore, le très charismatique capitaine de l’équipe de foot et une étudiante sérieuse et motivée de la sororité des Bêta Phi.
Sa vie se partage entre deux univers clairement cloisonnés et deux amies, Marjory au White Silk, Elena sur le campus.
Ils n’ont rien en commun, ils ne se connaissent pas. Leur rencontre est explosive, imprévue, improbable, impossible, inévitable…
Billie est l’une des seules qui, sur le campus, se soucie encore de Kyle. Les autres étudiants, s’ils font des soirées en son honneur, y voient tout au plus un prétexte pour faire la fête. Quant aux professeurs, à l’exception de Candice Powell sa prof de théâtre et de Kelian Perry, le professeur de littérature et référent de leur projet d’étude, personne ne semble s’en préoccuper.
Tout au plus le coach Lewis ouvre-t-il un accès à son ancien protégé pour qu’il puisse mener l’enquête et trouver qui est la mystérieuse âme pour laquelle Kyle a voulu s’envoler.
Vingt doigts entrelacés, deux âmes enflammées, un cœur partagé, l’éternité pour s’aimer.
Les fidèles des écrits d’Erin Graham ont déjà l’habitude de ses livres à fort potentiel.
Ce Back to campus est pour moi, l’un de ses romans forts!
L’histoire en est ciselée. Elle comprend plusieurs niveaux tout aussi bien menés qu’il est difficile d’exposer davantage sans en dire trop.
Elle se développe comme la découverte de l’autre, mais aussi comme un retour sur soi.
Pour comprendre ce frère dont il ne sait plus rien, Ruben va devoir partir à sa rencontre, sans un mot, et plonger dans ses pensées les plus profondes. Difficile quand personne ne semble en mesure de parler de cet inconnu dont il partage le sang. Il découvre un étranger, aux antipodes de son propre parcours. Son enquête le mène à un être sensible, exalté par un premier amour et confronté à tous les affres d’une passion qu’on devine sans issue.
La façon dont l’autrice déroule cette enquête est, en soi, un pur bonheur. Elle y sème des indices à ne pas rater et déploie un jeu de pistes des plus passionnants tout en essaimant des textes d’une beauté à frémir.
Plus encore, en dressant le portrait du Kyle amoureux, elle renvoie Ruben à l’étudiant qu’il a été mais aussi à l’adulte qu’il est devenu. On le voit même dans certains des conseils qu’il prodigue à grand renfort de tours de terrain à certains étudiants. Ce retour aux sources est l’occasion de revenir sur son propre parcours et sa propre évolution, comme si pour retrouver son frère, il devait aussi se retrouver lui-même.
Comment ne pas faire le parallèle entre cette histoire qu’on devine cachée, voire interdite, mais qui déborde de tant de passion et l’étrange relation qui le lie à sa luciole ?
Dans cette quête, il n’est pas seul et en plus de cette histoire familiale belle et complexe, l’autrice développe une romance aux saveurs passionnées et désespérées.
On vibre, on aime, on tremble, on frémit.
On sourit aussi, en particulier lors des inénarrables passes d’armes entre Ruben et Ronda, l’infirmière de nuit, cerbère au cœur plus tendre qu’il n’y paraît. Et ces moments de détente sont autant de respirations nécessaires entre l’intensité de la romance et l’attente insoutenable.
Comme Ruben et Billie, ainsi que Rick par procuration on comble cette terrible impuissance en cherchant, encore et toujours, à percer les mystères de Kyle qui ne peut plus parler autrement que par les indices qu’il a semés et de Billie qui refuse de livrer les bribes qui permettraient de comprendre ses choix. Sa posture d’équilibriste, et pas seulement autour d’une barre de pole dance, tend toute sa progression d’une bancalité frustrante et délicieuse.
Je dois avouer qu’elle m’a mise dans tous mes états, pour percer les mystères et tenter de discerner une chance pour tous les amoureux de ce roman au futur incertain.
L’un des autres thèmes forts de ce roman -et j’aime qu’on le retrouve si souvent sous la plume d’Erin/Marie/Maje, c’est celui de la famille. De nouveau, la famille de cœur, celle qu’on se crée en dépit des origines et des apriori sublime tout et rend tout plus supportable. Mais ici, les liens du sang prennent toute leur puissance. Dans ce roman, ils se déclinent en mille nuances en fonction des personnes et des circonstances. Là encore, je suis fan de la finesse avec laquelle Erin passe de l’incompréhension à la rédemption, de la rigidité à l’ouverture, dans un camaïeu de gammes d’amour ou de convenances qui passe la barrière des mots.
De l’une de ces confrontations, qui m’a le plus touchée, sans doute, est extraite cette phrase qui, je trouve, résume tellement bien Ruben et toute la lutte autour de Kyle que je ne peux m’empêcher de la partager avec vous.
Il n’y a pas de héros. Seulement des gens imparfaits qui tentent de faire au mieux.
Il n’y a pas un mais des héros du quotidien dans ce roman. Des « héros » qui utilisent au mieux leurs armes, l’amour, la résilience et la détermination pour faire au mieux, atteindre leurs buts en respectant leur intégrité. C’est sans doute pour cette raison que ces personnages résonnent si fort. C’est sans doute pour cette raison que, une nouvelle fois, Erin Graham m’a envoûtée dans une lecture à ne pas rater.