Auteur Megan Devos
Éditeur JCLattès
Date de sortie 30 janvier 2019
Titre à retrouver sur Amazon en suivant ce lien Anarchie
Un titre découvert grâce au réseau NetGalley
Anarchie est, très loin de ce que son titre laisse supposer, une romance dystopique ou une dystopie sentimentale, en tous cas, une très belle découverte issue de la plateforme Wattpad.
Dans un futur qui n’est pas clairement défini, les guerres ont ravagé le monde. En tous cas, on peut le supposer, car l’univers du livre se résume à une région assez resserrée, au plus deux à trois jours de route, autour des ruines de La Ville, Londres.
Celle-ci, prise pour cible par des bombardements ultra-meurtriers, est devenu un champ de ruines contrôlé par les Brutes, une sorte de réserve ultime pour les camps qui ont fleuri à l’abri des forêts environnantes, en particulier Blackwing et Greystone. Et ce qu’on ne trouve pas dans la ville, on le récupère éventuellement dans le camp voisin au cours de maraudes fréquentes et périlleuses.
C’est lors de l’une d’entre elles que Hayden, le très jeune chef de Blackwing, se trouve aux prises avec une guerrière de Greystone, Grace, la fille du chef du camp, Celt.
Flanqué de ses acolytes et amis, Dax et Kit, mais aussi de l’électron libre Jett, Hayden se retrouve en mauvaise posture et ne doit la vie sauve qu’à un moment de mansuétude de son ennemie.
Autant dire que lorsque l’occasion d’effacer cette dette d’honneur se présente, le juste Hayden se retrouve dans une situation intenable.
J’ai lu qu’on comparait ce livre à l’excellente série Hunger Games. Je ne suis pas exactement d’accord, sauf pour le thème d’une dystopie avec de jeunes héros et surtout pour le plaisir avec lequel je les ai dévorés tous deux. Pour le reste, Anarchie a la force d’être une pure dystopie du quotidien, un roman survivaliste à souhait.
Dans ce monde apocalyptique, la lutte ne se mène pas contre un état ou un ennemi. L’ennemi, c’est les autres, parce que l’enjeu c’est la survie, malgré les autres, malgré la nature, à un âge où nos héros devraient penser à tout autre chose.
Hayden, Grace et les principaux protagonistes entrent dans l’âge adulte. Les « adultes » ont leur place dans l’histoire, pas forcément dans des postes de pouvoir. Ils représentent plutôt une figure parentale, une valeur morale, dans un groupe qui fonctionne autour de l’utilité de chacun. Mais l’histoire tourne autour de la jeune génération qui est à la fois la force vive des tribus, mais aussi l’avenir de ce qu’il reste d’humanité. Pour autant, il y a peu de projets d’avenir dans la plupart des camps et on ne peut s’empêcher de ce demander ce qui va se passer « après ». Lorsque la ville aura été entièrement siphonnée de ses ressources, ce qui est en passe de survenir dans certains domaines.
C’est un roman du présent où l’avenir est plus que jamais une utopie, au point que, là où on pourrait s’attendre à penser naissances, projets et construction, il n’est question que de l’immédiat et du danger qu’il représente.
Et si la violence est latente dans le roman, c’est parce que les événements les rendent nécessaires. Tous connaissent la valeur de la vie, parce qu’ils ont vu mourir leurs proches, parce qu’ils doivent survivre jour après jour, mais aussi parce qu’ils savent ce que c’est que de prendre une vie. À ce sujet, j’ai beaucoup aimé le soin mis à décrire l’état d’esprit des personnages face à cette réalité. À la dureté de certains s’oppose la froideur des autres
La survie est à ce prix tant il y a d’ennemis potentiels, les Brutes et les autres camps, mais aussi la vie privée du confort et de la technologie que l’on connaît.
Il n’y a pas beaucoup de place pour les sentiments, pour la sorte de faiblesse que donnent l’attachement autant que les souvenirs. Dans ce contexte, le personnage d’Hayden est particulièrement réussi. Il est pétri de ses responsabilités au point de s’oublier lui-même, ses envies ou ses besoins. Il se donne sans compter pour son camp et pourtant, il assure ne pas vouloir s’attacher.
Le voir lutter entre son coeur et sa raison, entre son devoir et son vouloir est l’un des grands axes de ce roman.
Et lorsque le « vouloir », c’est à la fois le désir sensuel, l’amour qui ne dit pas son nom, la tentation de protéger l’autre avant de veiller sur soi, mais surtout quand ce « vouloir » se destine à l’ennemie, on touche au petit plus qui fait de ce roman une incontestable réussite.
Du côté de Grace, la situation n’est pas plus simple, quoique. Si elle assume plus facilement les sentiments que lui inspire Hayden, elle doit faire face, pour sa part, à un dilemme moral qui n’est pas plus simple, celui de la loyauté. À qui la destiner? À sa famille, à son clan, ou à cette tribu qui lui fait peu à peu une place et à laquelle elle s’attache, presque malgré elle.
Quatre tomes (au moins) sont prévus dans la version anglo-saxonne, une seule est pour le moment disponible en français. Mais je ne manquerai pas de guetter la sortie de la suite pour savoir ce qui l’emportera dans ce monde en plein chaos.