Titre Effet miroir
Auteur Wendy Thévin
Éditeur BMR
Date de sortie 25 janvier 2019
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Un titre découvert grâce à NetGalley et aux Éditions BMR.
On a tendance à présenter le lien gémellaire comme une force unique, comme les deux reflets parfaits dans un miroir.
Sauf que parfois, les jumelles sont au contraire les deux faces dudit miroir, un côté clair, un côté sombre. La perfection supposée de l’une renforce la face obscure de l’autre. Et lorsqu’on regarde la somptueuse couverture du roman de Wendy Thérin, on se doute déjà du parti pris que l’auteure mène avec brio.
Les deux parties du miroir, dans ce roman au rythme soutenu, ce sont Julie et Anabelle. La première a tout de la fille idéale. Médecin, posée, fiable, pétrie de valeurs, elle vit à New York avec son fiancé, Melvin, policier de son état.
À l’inverse, Ana, la seconde, mène une existence borderline. Elle se détruit à petit feu, à défaut d’arriver à le faire tout à fait. Sans situation, sans revenus, enchaînant les mauvaises décisions depuis l’adolescence, Ana est obligée de quitter brusquement la France et où débarque-t-elle?
Dans la vie parfaite de sa soeur qu’elle déteste tant que chaque occasion de pourrir sa vie devient un challenge.
Un appart impeccablement rangé? Des amis propres sur eux? Une relation stable?
Dans quoi Ana pourrait-elle mettre le bazar en premier?
Je dois avouer qu’au départ, j’ai craint que le personnage d’Ana ne soit trop dans la caricature. On comprend très vite que c’est une très très vilaine fille et que, plus sa soeur est agacée, plus elle en rajoute une couche. Et dans ce domaine, elle n’a guère de limites.
S’envoyer en l’air avec un parfait inconnu à deux pas de la soirée de sa soeur, et bruyamment s’il vous plaît? Chiche! Fumer de l’herbe dans l’appartement où vit un policier? Même pas peur!
Mais derrière cette carapace d’emmerdeuse en chef, Ana cache une fragilité qui se dévoile au fur et à mesure et c’est là que le roman prend un nouveau tour. Parce que rien n’est simple avec la belle écorchée.
Elle a dressé des barrières si hérissées de barbelés autour d’elle qu’il est presque impossible de les franchir.
Et ce n’est certainement pas celle qui devrait tout comprendre qui pourra en passer le premier obstacle, à supposer qu’elle en ait même envie. Les deux soeurs, autrefois fusionnelles, se sont séparées brusquement, au point de ne plus pouvoir cohabiter. Julie est persuadée que chaque action d’Ana a pour but de la blesser, et celle-ci ne fait rien pour la détromper. Dans ces conditions, les face à face entre les deux sont des modèles d’affrontement saignant, même si parfois, Ana retient le coup de trop.
Et pourtant, c’est bien pour une dernière chance qu’elle a franchi l’Atlantique. Puisqu’il n’y a guère de salut à attendre de Julie, qui pourra l’aider et l’empêcher de sombrer davantage?
Emy, sa collègue de travail qui lui montre qu’elle est capable d’avoir une véritable amie et de s’impliquer pour d’autres qu’elle même? Jackson, le patron qui lui a donné une chance et la soutient de son mieux?
Et pourquoi pas Melvin?
Aussi improbable que ça puisse paraître, le parfait policier maître de lui en toutes circonstances, sauf face à son insupportable belle-soeur, est bien moins lisse qu’il y paraît de prime abord. Et s’il est capable de se projeter aussi aisément vers ceux qui connaissent des fêlures, qui souffrent d’accidents de la vie, Ana pourrait bien se révéler un défi à sa hauteur. À moins que ce qui le pousse vers elle soit d’une autre nature, …
Et l’intrigue prend alors une mesure surprenante et haletante. Selon les points de vue, selon les moments et les réactions, l’auteure désoriente ses lecteurs, tout comme elle fait perdre le Nord à ses personnages.
À quel moment Ana joue-t-elle?
À quel moment est-elle sincère?
En est-elle même capable comme Melvin veut le croire ? Est-elle au contraire en train de manipuler son monde selon la certitude de Julie?
À quel point le passé dirige-t-il sa vie présente?
Autant dire que les questions ont fusé pendant une bonne partie du roman, pour mon plus grand plaisir. Heureusement, le récit est la plupart du temps confié à Ana, ce qui permet de répondre à une partie des interrogations, ce qui n’est pas le cas des autres protagonistes. J’avoue que je n’aurais pas aimé être dans leur tête à certains moments.
Et Wendy Thévin parvient avec talent à faire peu à peu bouger les lignes. Que les choses soient claires. À aucun moment on ne tombe dans une romance sucrée ou mièvre.
Les tempéraments sont trop marqués pour ça, les situations s’enchaînent avec trop d’intensité pour laisser place au repos du lecteur.
Le rythme est saccadé, heurté. Les rires fusent inopinément -un clin d’oeil à la compagnie créole! Les gorges se serrent à d’autres moments.
Cette alternance est également l’un des points forts de cette histoire que j’ai lue avec une avidité croissante, incapable de m’arrêter sans savoir ce qui arriverait à nos héros.
Les personnages sont bien travaillés, les revirements solides. Là où on attend un temps mort, bim l’intrigue redémarre sur les chapeaux de roue. Les moments de répit sont rares, les rapprochements sont volcaniques, l’opposition de la brûlante Ana et de la glaciale Julie est cataclysmique et que dire de LA scène où … où vous vibrerez, je l’espère, autant que moi face à l’intensité de l’instant, dramatiquement beau.
Vous l’aurez compris, c’est un roman qui m’a attirée par sa couverture, intriguée par son intrigue et tenue en haleine par son intensité. Une grande réussite pour cette auteur désormais sur ma liste pour de nouvelles découvertes.