Titre Animaux nocturnes
Tome 3/3 the Dark killer
Auteur Angel Arekin
Éditeur Black ink éditions
Date de sortie 17 février 2023
Un titre à commander ici https://amzn.to/3XHWqwR
Ce n’est pas un scoop pour les habitués de ce blog, je ne suis pas une grande adepte de Dark romance. Mon petit cœur sensible atteint rapidement ses limites.
Seulement, voilà. Parmi les auteures capables de pousser mon curseur toujours un peu plus loin, il y a Angel Arekin. Et parmi ses livres qui m’ont malmenée mais où j’en redemande, Animaux nocturnes tient sans contexte une place à part.
Si vous avez un doute, vous pouvez retrouver ici les chroniques du premier https://melimelodegwen.fr/animaux-nocturnes-1-3-d-angel-arekin/ puis du deuxième volet https://melimelodegwen.fr/animaux-nocturnes-2-3-d-angel-arekin/ .
Il était donc impensable de m’arrêter en si bon chemin d’autant que, pour cette trilogie, c’est la version Audible qui m’a guidée avec des narrateurs masculins particulièrement prenants.
Si vous ne connaissez pas encore cette histoire, laissez-moi vous en résumer le principe, sans spoil, pour tous.
Jude avait tout pour être le flic vedette de Boston. Issu d’une famille pas commode, marqué par un passé qui l’était tout autant, il pouvait s’appuyer sur sa famille de cœur Dean, l’ami raisonnable, Anabelle sa petite sœur pot-de-colle, Rosie, la copine dont chacun est amoureux et Damian. Damian, le presque frère, l’alter ego, la personne dont il s’est senti le plus proche sur terre… Jusqu’au moment où il a perdu dans la même minute deux amis, son avenir et tout ce qui lui permettait de mener une vie à peu près posée.
Depuis, Jude s’enfonce le nez dans la poudre, l’âme dans sa culpabilité et l’esprit dans le service des cold cases. En se replongeant dans des crimes vieux de plusieurs années, il court moins de risque de voir lui exploser en pleine face la souffrance, les malheurs et tout ce qui entretient ses côtés sombres.
Pourtant, Thomas Wilson croit encore en lui et tente de le faire sortir de son placard pour l’aider sur des enquêtes fraîches, comme la disparition de Rebekka Mikkelsen …
Inutile de vous en dire davantage si ce n’est que ces deux premiers volumes permettent à Angel Arekin de déployer l’éventail de son talent. Une écriture précise, ciselée, tantôt lyrique même dans le tragique, tantôt acérée, qui écorche le cœur et les âmes. Une histoire sombre, qui se développe par strates, fausses pistes, révélations et pièces d’un puzzle avec la mort. Des personnages tous ébréchés par les fêlures de la vie. Aucun d’entre eux ne pourrait être taxé de « normal » et pourtant, de ces failles et de ces imperfections s’élève une composition bancale mais concordante.
Le face à face de Damian et Jude domine les deux premiers volets entre les débris de leur affection, le lien malsain de l’enquêteur envers un « objet d’études » et cette dépendance entre les deux anciens amis qui ne parviennent pas à se supporter mais sont incapables de vivre l’un sans l’autre.
Les deux premiers volumes tournent autour de Jude et des enquêtes auxquelles il va être confrontées. La fin du deuxième -promis promis, je n’en dirai pas plus- Jude semble avoir bouclé une boucle et on pourrait s’arrêter là … mais il reste le « cas » Damian, the Dark Killer, comme le précise le titre de ce dernier opus.
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Attention, à partir de maintenant, ça peut spoiler !
À ne lire que pour ceux qui sont arrivés au terme des tomes 1 et 2 ou sont insensibles aux révélations.
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L’impensable -et pourtant évident- s’est produit.
Damian Evans s’est enfui. Avec l’aide d’une de celles qui le voient comme le sombre héros d’une histoire peu banale.
Le fauve, froid et méthodique, est relâché dans la nature et cette fois, c’est certain, il ne se laissera pas reprendre.
Que va-t-il faire ? Se fondre dans la masse ? Mener la vie de monsieur tout le monde sans faire de vagues ? Revivre encore et toujours ces moments qu’il a fantasmés, scénarisés puis réalisés dans un grand schéma de vie ? Céder de nouveau à ses plus sombres instincts ?
Quelle que soit sa décision, il va devoir composer avec ceux qui sont sur ses traces comme Clayton, l’agent du FBI et bien sûr Jude. S’engage entre les deux hommes un morbide jeu de chat et de souris où le meurtrier défie l’ex-flic, le fuit, le guette et l’attend dans un pas de deux mortuaire.
Pour autant, visualiser un Damian en simple cavale serait faire insulte à son talent naturel et à son intelligence. Il va mettre en place ce en quoi il est le meilleur : l’avant.
Avant la mise à mort, il veut vivre encore une fois tous les événements qui lui donnent l’impression de la puissance et de reprendre le contrôle sur ce que l’Autre lui a volé.
Après avoir joué au petit poucet, direction le Canada, une maison à l’écart, une femme. Rose Dawson. Le nom vous amuse, il a un petit air de Titanic ? Pour Damian, il évoque une autre Rose, un peu comme les tatouages de ces délicates fleurs fanées qui fleurissent sur sa peau.
J’ai beaucoup aimé ce personnage. C’est une femme qui incarne à la fois la mère, dévouée pour son fils, la priorité absolue de sa vie. C’est également une femme dans la fleur de l’âge qui, après un vécu complexe, découvre qu’elle veut encore aimer et être aimée.
Et qui de mieux pour remplir ce rôle que cet inconnu, protecteur et mystérieux qui garde une distance assumée, mais fait peu à peu tomber ses barrières ?
J’a à la fois été touchée par la résilience de Rose, face à tout ce qu’elle a vécu et tout ce qui continue à l’assaillir. Mais j’ai aussi été sensible à ses failles et ses contradictions ; Il y a, même pour la psychologie des personnages, la voix de l’évidence, de la morale, de la norme sociale et il y a ce qu’Angel Arekin en fait. Des personnages qui grattent la bien-pensance, qui s’infiltrent sous la carapace des coutumes, es identités auxquelles on a souvent du mal à s’identifier. Mais est-ce le but, d’ailleurs ?
Dans ce registre, mention spéciale pour Damian. Le personnage vit carrément en dehors des règles et son cerveau, auquel on a libre accès, est un sacré bordel, fondé sur un passé traumatique, mais pas seulement. Fort heureusement, tous ceux qui commencent dans la vie comme Damian ne finissent pas de la même façon. J’ai été happée par la plongée dans les pensées sans fard du Dark Killer, dans sa façon de se conformer aux attentes de ses cibles, de décortiquer toutes leurs réactions pour s’y adapter tel un caméléon tueur.
J’ai été touchée de réactions dont, par moment, je ne savais plus s’il relevait du scénario ou de la mécanique mentale de Damian qui déraillait malgré lui. En effet, si tenté que Damian ressente des choses et ne se cantonne pas à mimer les sentiments que l’on attendrait de lui, alors il y a des moments où il déroge à sa propre logique et j’ai été déstabilisée par ces passages. Pour le reste, je ne dirais pas, comme certaines lectrices, que je suis tombée amoureuse de lui -sa tendance à tuer les femmes qu’il convoite m’est un frein non négociable – mais sous la plume d’Angel Arekin, je comprends la fascination qu’il exerce.
J’ai aimé aussi ce tome pour ce qu’on y apprend de Jude, de sa façon de faire face après tout ce que son passé lui a apporté. Là encore, impossible de vous en dire plus, ce serait trop.
Mais la façon dont l’auteure malmène son flic pour le forcer à se reconstruire ou à sombrer, sans demi-mesure, face à Damian, contre lui, malgré ou avec lui, selon les moments, est une œuvre de marquèterie qui se sert du moindre éclat pour dessiner le motif d’une histoire puissante, torturée et ciselée qui, de toute évidence, ne m’a pas laissée indemne.
Le pire dans tout ça ? Je maintiens que la dark romance ou la romance à suspense particulièrement sombre, n’est pas vraiment calibrée pour moi. Mais lorsqu’elle est servie par une écriture et un scénario de ce niveau, ça vaut le coup de laisser ses préjugés de côté, de s’ouvrir un peu au côté obscur de la romance et de se rappeler qu’il est bon, parfois, de sortir de sa zone de confort.
Chiche !