Animaux nocturnes 1/3 d’Angel Arekin

Titre Animaux nocturnes

Tome 1 The Crow Girl

Auteur Angel Arekin

Éditeur Black ink Editions

Date de sortie 16 septembre 2022

Un titre à commander ici Animaux nocturnes 1/3

 

Aborder la lecture d’un roman d’Angel Arekin, c’est d’une part la certitude d’entrer dans un moment de lecture rare -ou d’écoute dans mon cas, on en parlera plus tard- porté par un choix du vocabulaire et une musicalité qui transportent par la forme autant que par le contenu. C’est accepter de pénétrer dans une histoire qui va vous suivre et vous poursuivre jusqu’à la dernière page et même au-delà. C’est prendre le risque d’être tellement imprégnée de ses personnages et de son intrigue que des notions triviales comme le temps et le sommeil deviennent très très secondaires. C’est surtout avoir la certitude qu’on va être totalement chamboulée par l’intensité de l’histoire, la force et l’incroyable fragilité des personnages, par toutes leurs failles dignes de crevasses et par les instants de grâce qui se logent là où ils n’ont, en principe, aucune place.

Ces Animaux nocturnes, sauvages et indomptables, écorchés et imprévisibles réunissent tous ces atouts et bien plus encore.

La ville de Boston est réputée pour tout un tas de raisons. Mais s’il y a une chose dont les autorités municipales se seraient bien passées, c’est la triste réputation que lui ont fait une série de meurtres. Le premier, vieux de 25 ans, a tout du meurtre rituel. Une jeune femme, Lyra Aune, a été retrouvée dans le cimetière de la ville, robe virginale et ornée d’un corbeau, ce qui lui a valu le triste surnom de Crow Girl.

Plus près de nous, la « Bête de Rochester » a semé des cadavres comme le Petit Poucet ses cailloux, comme un jeu de pistes à destination de l’inspecteur Jude Myers. Il était à l’époque un policier plein d’avenir, jusqu’à ce qu’il découvre l’impensable. La dernière victime et le meurtrier, ensemble, comme pour un macabre rendez-vous. Depuis cinq ans, Jude vit avec le poids d’avoir côtoyé de près le serial killer, Damian Evans. Son meilleur ami, son frère de cœur, l’un des mousquetaires de sa tribu à la vie à la mort.

Depuis, il traîne cette tache indélébile comme un impossible mal-être qui le détruit à petit feu. Flic borderline, on l’a collé avec Eirik Lund au service des Coldcase, ces affaires non classées, aux chances de résolution quasi nulles. Encore un pied dans la police, mais un risque minime de rater une autre enquête en laissant dans son sillage des cadavres et des familles éplorées. Mais lorsque Thomas Wilson qui cherche à le faire sortir de sa léthargie, l’embarque avec lui sur le cas d’une disparition inquiétante, la vie de Jude bascule.

Qui est cette Rebekka Mikkelsen qui disparaît et réapparaît dans le même mystère, véritable fantôme de sa propre vie?

Pour quelles raisons refuse-t-elle une aide dont elle a, de toute évidence, tellement besoin?

Pourquoi surtout éveille-t-elle en Jude des instincts protecteurs et l’angoisse indicible qui naît lorsqu’on sait qu’on a quelque chose à perdre?

Ce roman a été, à plus d’un titre, une grande claque digne de l’univers Arekinien. L’histoire en est incroyablement dense, oppressante. Le danger est là, il rode, rampe, se terre et tatoue chaque page d’une glauque moiteur.

L’âme émiettée de Jude, dont on ne sait par quel miracle elle tient encore debout, est un incroyable méandre où l’on tremble de se perdre.

J’ai aimé son évolution. Le voir reprendre goût à son métier face à la nécessité, accepter des compromis qu’il a toujours refusés, commencer à croire que, peut-être, la vie ne sera pas toujours cette garce qui l’abime depuis si longtemps, c’est fascinant. En même temps, j’ai été touchée par tout ce qu’il ignore de lui-même. Certes il est démoli, mais il est capable de remuer ciel et terre pour Anabelle, la sœur de Dean, le dernier larron de sa bande décimée. Il se pense incapable d’avancer encore. Pourtant il va se jeter dans l’antre de la bête pour y voir plus clair. Plus rien ne le rattache à rien mais il est tout de même corps et âme impliqué dans cette nouvelle affaire.

J’ai aimé le personnage de Rebekka parce qu’elle illustre à mes yeux l’âme même de la résilience. Depuis le temps qu’elle court pour prendre le destin de vitesse, plus d’une aurait abandonné, renoncé, levé le pied, juste une fois et advienne que pourra. Pas elle. Rebekka avance coûte que coûte, se bat avec ses maigres armes, n’attend rien de personne et c’est sans doute ce qui la rend si digne d’attachement. L’enquête qui tourne autour d’elle est aussi une quête d’elle-même qui occupe une part primordiale dans la narration.

Une nouvelle fois, on admire la construction signée Angel Arekin qui mêle habilement, sans léser personne, un polar de belle facture aux multiples culs de sac et fausses pistes jusqu’à l’ultime instant, un roman psychologique avec un travail pointu sur les âmes brisées et une romance haletante et sensuelle qui donne très très chaud.

Mais il y a un autre protagoniste de ce roman dont on ne peut passer le nom sous silence. Jamais absent n’a été aussi omniprésent. Damian Evans est partout. Dans le silence qu’il oppose chaque mois à Dean. Dans sa façon obsessionnelle de vouloir entrer en contact avec son jouet préféré pour des raisons complexes. Dans la mémoire collective de Dorchester, dans les fantasmes de fans de tueurs en série -ne me demandez pas de vous expliquer le concept, je suis non pratiquante, mais Damian est le chouchou de ces demoiselles. Il est habituel que les personnages d’Angel Arekin ne soient pas d’un seul tenant. Il est rare qu’on les adore absolument.

Damian Evans est, malgré toutes les circonstances atténuantes que justifie sa vie, un être détestable. Il est également un personnage au charisme fou qui s’insinue dans les pensées et les obsessions avec une aisance folle. Et le final de ce tome 1 me fait dire qu’on n’en a pas fini.

Mais s’il fallait, par pure gourmandise, rajouter une raison au très gros coup de cœur pour the Crow girl, ce serait pour sa version audio. Je me suis convertie depuis peu à ce mode de « lecture » et ces Animaux nocturnes ont trouvé un écrin à leur mesure. Les différentes voix sont parfaitement adaptées à l’image que l’on se fait des personnages, mention spéciale à l’interprète de Jude qui, loin de se contenter d’une lecture du texte, incarne le policier dans ses failles et ses doutes, dans ses errances et ses outrances, dans ses espoirs et ses effondrements.

La version audio permet de goûter tout le travail de sonorités et de musicalité de chaque ouvrage signé Angel Arekin.  Elle m’a souvent incitée à rester plus longtemps que prévu dans ma voiture pour cause d’incapacité à décrocher.

Le final … ne comptez pas sur moi pour vous en parler, bien sûr. Il a fait naître chez moi deux sentiments aussi puissants l’un que l’autre, l’envie de connaître la suite maintenant, tout de suite, immédiatement et le besoin de laisser décanter, de reprendre mon souffle, de reposer un peu mon cœur. J’ai opté, pour une fois, pour la raison. Mais mon petit doigt me dit que ça ne devrait pas durer tant l’ombre de Damian et l’aura de Jude sont des drogues puissantes.

À déguster, sans modération, quels qu’en soient les conséquences..

 

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