Titre L’or de Venise
Les mystères de Venise tome 2
Auteur Maria Luisa Minarelli
Éditeur Thomas & Mercer
Date de sortie 4 juin 2019
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Un titre découvert grâce à Netgalley et à l’éditeur
Venise, le Carnaval, ses masques et ses cotillons.
Une vision de rêve? Pas si sûre.
Dans ce roman d’une écriture riche et qui montre la parfaite maîtrise de l’auteure quant à l’histoire vénitienne, la Sérénissime se dévoile aussi sous ses aspects les plus sombres.
En cette moitié de XVIII° siècle, la cité des Doges se meurt. Et si le héros de cette histoire, l’advocateur Marco Pisani, s’interroge parfois sur la pérennité de sa ville, qu’il sait destinée à disparaître un jour, c’est surtout de l’intérieur que Venise se nécrose.
Elle n’a plus le contrôle du commerce comme elle l’avait auparavant. La noblesse est ruinée mais continue à maintenir l’illusion à coup d’expédients douteux. La bourgeoisie et le « tourisme » européen sont -déjà- l’une des façons pour la ville d’assurer sa survie.
Et pour couronner le tout, en plein siècle des Lumières, l’Église, omniprésente dans la ville malgré des relations très particulières avec le pouvoir vénitien, est en perte de vitesse. Si certains monastères continuent à observer, avec beaucoup de rigueur, les règles les plus strictes, d’autres, au contraire, semblent loin des voeux de pauvreté qui sont censés les guider.
C’est dans ce décor que l’advocateur Marco Pisani, fils de grande famille dévoué au service de l’État, se retrouve confronté à une série de meurtres inexplicables et diablement bien montés. Pas d’indices ou presque, très peu de liens entre les victimes, mise à part une étrange pièce que l’on retrouve sur le lieu du meurtre d’une moniale aux moeurs légères, d’un affable moine et d’un détestable notaire.
Marco, assisté de Daniele Zen, avocat, de sa chère Chiara, une femme éminemment moderne qui refuse de choisir entre son amour et son métier, et de Guido Valentini, un médecin à la pointe de la médecine, va mener une enquête nébuleuse et particulièrement délicate.
La présence de l’Eglise dans l’équation oblige à de nombreuses délicatesses. C’est qu’à l’époque, on ne plaisante pas sur un certain nombre de sujets, du refus de l’autopsie à l’interdiction du chocolat en Carême (le chocolat!!!!) en passant par la prééminence de la justice divine sur la justice des Hommes.
Ce roman, à la narration classique mais très bien maîtrisée, est une véritable plongée historique dans une ville qui hésite entre le passé et la modernité, qui veut croire aux progrès de la science, mais ne dédaigne pas les apports du don de double vue.
Au départ, on peut être un peu troublé par l’usage des termes « techniques » d’époque. Ils font au contraire la richesse de ce récit et mêlent avec bonheur un polar de bonne facture et une récit historique passionnant.
Le suspens est habilement maintenu pendant une bonne partie du livre. Les enquêteurs, et nous aussi par la même occasion, flottent dans un brouillard presque aussi obscur que celui qui entoure les visions de Chiara.
Mais il y a aussi une richesse certaine dans la peinture de cette Venise en fin de magnificence, qui attire toujours des migrants vivant d’expédients, d’anciennes fortunes et de vraies souffrances. On y trouve -et lorsqu’on connaît la biographie de l’auteur, ce n’est pas un hasard- une vision passionnante de la place de la femme dans cette période où la modernité ne s’adresse pas à tous. La courtisane, l’épouse soumise, la religieuse plus ou moins convaincue, la femme libre, … des portraits tout en délicatesse que j’ai particulièrement appréciés.
Je n’avais pas lu le premier volet de ces mystères de Venise, mais que l’on se rassure, ce tome se comprend très bien pris indépendamment de l’autre.
Pour conclure, je ne saurais trop recommander ce roman à tous les amateurs de bons policiers historiques, aux amoureux de Venise et à tous ceux qui cherchent des histoires profondes et maîtrisées.