Titre Les Larmes de Satan
Tome 1 Le groupe Opéra
Auteur Gilles Milo-Vacéri
Éditeur : Éditions du 38
Date de sortie 26 juillet 2018
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La vie est un long chemin semé d’embûches et d’ornières. De sa capacité à les affronter dépend la valeur des hommes.
Cette formule pourrait résumer le livre dont je vais vous parler aujourd’hui, un roman historique d’un auteur dont j’ai dévoré chaque livre que j’ai eu entre les mains, dans un domaine, le roman historique, dont je me délecte, sur une période qui me passionne.
Un roman qui a attendu trop longtemps de passer entre mes mains et que je suis heureuse d’avoir enfin pris le temps de lire.
Les Larmes de Satan relatent l’histoire d’Antoine Boulan. Nourrisson abandonné au coeur de la Grande Guerre, il vit une existence qui semble construite sur des sables mouvants et l’emmènent du Paris en crise des années 30 aux plages de Dunkerque en passant par la Guyane et la France de l’Occupation dans un récit épique et prenant.
Je pourrais vous en résumer les grandes étapes, mais je ne le ferai pas. D’abord parce que je veux vous laisser le plaisir de découvrir au fil des pages toutes les vicissitudes que son créateur lui a réservées.
Et puis parce que je préfère vous expliquer pourquoi ce livre est de ceux que j’aurais adorés écrire.
Tout d’abord, il y a l’Histoire.
J’aime l’Histoire. C’est l’une de mes passions. Et dans l’Histoire, que je vis presque comme un roman, j’ai des périodes de prédilection. Et pour la deuxième fois, Gilles Milo-Vacéri tape juste dans celles ci. J’avais dévoré l’Honneur perdu, qui traitait du Moyen-Âge et des templiers, un de mes moments favoris.
Mais la deuxième guerre mondiale est ma période de prédilection.
La Résistance, la Collaboration, la nébuleuse entre les deux et tout ce qui touche au nazisme ont longtemps dépassé le seul centre d’intérêt pour devenir quelque chose de presque obsessionnel.
Autant dire que lorsqu’on aborde ce sujet, je peux être légèrement tatillonne. Et sans verser dans le manuel d’Histoire, j’ai adhéré à la façon dont, sous la plume puissante et parfaitement maîtrisée de l’auteur, l’histoire d’Antoine se mêle naturellement à l’Histoire dans un cocktail d’une grande réussite.
Ensuite, j’ai aimé son roman, c’est assez logique mais il convient de le préciser, pour son histoire.
Très tôt, la vie d’Antoine est marquée par tous les indicateurs d’un avenir sombre.
Si soeur Charlotte, la religieuse qui lui sert de figure maternelle, est la planche de secours de ses jeunes années, elle ne peut lui éviter les rigueurs de l’orphelinat et la sévérité presque sadique de la mère supérieure.
De sa fuite de l’orphelinat jusqu’aux premiers mois de la deuxième guerre mondiale, Antoine semble être le jouet d’un destin qui alterne coups du sort et coups de pouce.
Rien n’est simple dans sa vie. Rien ne coule de source. Il doit, à chaque instant, se battre pour sa survie et pour tenir le cap d’une vie la plus juste possible.
Et puis, il y a les personnages, à commencer par celui d’Antoine.
Il ne se prétend pas meilleur qu’il n’est. Il n’est pourtant pas aussi terrible que d’aucuns veulent le croire et bien plus pétri de valeurs que lui même semble le penser. Le tout est de trouver le motif et les personnes qui le poussent à les montrer.
D’ailleurs trop souvent, ce sont ses élans de coeur qui aggravent sa situation. Refuser qu’un blessé meure seul, qu’une mère perde son enfant, … nobles pensées aux funestes conséquences que l’on découvre au fil de la lecture.
Puisque rien ne semble attendre Antoine, il pourrait basculer dans le foncièrement mauvais. Pourtant, au moment où la voie de la facilité et de l’ignorance devraient l’y pousser, il se révèle, au contraire, bien plus fort et droit que nombre de ses contemporains.
Surtout, alors que sa vie semble vouée à la solitude et à ne compter que sur soi, c’est dans le groupe qu’il déploie sa stature. Que ce soit dans la troupe que crée Pierre de Maranches ou dans le réseau qu’il intègre, c’est au service du collectif qu’il se sent utile, qu’il se transcende et qu’il devient un second de valeur. Pas un ambitieux qui attend d’être le chef. Non, plus probablement l’homme qu’il aurait pu être si le destin lui avait offert d’autres choix.
D’ailleurs, dans le groupe aussi, Gilles Milo-Vacéri développe des personnages forts et attachants.
Charlotte et son amour maternel, un repère dans la vie d’Antoine, même après en être sortie.
Pierre de Maranches, un père qui le guide sur une autre voie, un rôle que la fin du roman semble faire glisser à un autre -j’ai hâte de savoir si la suite de l’histoire le confirme.
Lucien, le mentor, le guide, mais en même temps un homme qui apparaît de plus en plus comme un égal et qui permet à Antoine de se hisser bien plus haut qu’il l’aurait imaginé.
Jean-Paul, le frère de coeur, celui qu’on reconnaît instantanément comme son alter ego et qui va marquer une vie.
Et bien sûr Alice, le rayon de soleil, l’évidence qui foudroie, la rentrée dans l’âge adulte, la motif de briller, la raison de trembler, … tout en même temps et tellement plus. Bref Alice, … Et je ne vous cache pas que le titre du deuxième volet me fait frémir d’avance, mais n’anticipons pas.
Mais décidément la figure centrale d’Antoine est une immense réussite.
Le tempérament du personnage, le choix délibéré d’en faire un viscéral plus qu’un intellectuel, mais de lui donner en main les cartes du bon sens et du sens moral sont à mon sens un des points forts de la construction de l’histoire.
J’ai apprécié qu’il ne soit pas politiquement très au fait de la situation du monde de son temps. On a souvent une vision faussée de la période parce qu’on en connaît « la suite ».
Mais en 33, le commun des garçons de 16 ans voyait-il en Hitler une raison de trembler?
Et lorsque, dans les derniers chapitres du livre, on entend, presque par hasard, des noms comme Pithiviers, qu’on entend parler de certaines mesures, parce que, justement, on sait la suite, on ne peut que trembler pour ce qui va advenir.
Pourtant l’ignorance d’Antoine rend son implication plus forte encore. S’il s’engage en grande partie du fait d’une rencontre déterminante, c’est au contact du feu qu’il prend la mesure de l’engagement militaire. C’est en recevant de plein fouet la situation que l’engagement devient la seule voie possible.
Il pourrait en vouloir à la France et à ses habitants, pour les raisons que vous découvrirez. Il n’est pas communiste, ni politisé. Et pourtant, sans même y réfléchir, il affronte des dangers innommables face au cauchemar de l’Europe. Parce qu’il faut. Parce qu’il doit. Parce qu’il s’est promis de montrer à Soeur Charlotte qu’il serait un homme bien.
Et pour ce qu’on en voit, le pari est en passe d’être gagné. Affrontant le danger avec une bravoure qui frôle l’inconscience, Antoine se révèle dans le rôle qui lui est tombé dessus presque par hasard.
Et que dire lorsque des « raisons » s’ajoutent à cette lutte viscérale pour libérer cette terre qui l’a si mal aimé!
Qu’il s’agisse d’être à la hauteur des vivants qui se font une place dans son coeur avec la puissance d’un ouragan ou de défendre des intérêts dont il commence à prendre la mesure, Antoine gagne en puissance tout au long de la dernière partie de ce tome, en intégrant le groupe Opéra notamment.
D’ailleurs, le parcours d’Antoine a fait remonter en écho une phrase du Chant des Partisans, l' »hymne de la Résistance ».
Ici, chacun sait ce qu’il veut, ce qu’il fait, quand il passe.
Si on peut penser que l’engagement d’Antoine relève au départ du hasard, si les considérations politiques entre Gaullistes et Communistes lui échappent, le jeune homme observe, écoute, comprend.
Enfin, il y a les derniers chapitres, en particulier la rencontre déterminante avec Abel et de Gustave, raccrochent Antoine à ce que la période a de si particulière, aux raisons de combattre, à ce que le choix implique dans les familles.
Ils annoncent aussi, sans rien en dévoiler, une suite que je devine toute aussi haletante, que je redoute difficile, parce que le sort qui, jusqu’à présent, a si peu épargné Antoine, guette certainement le moment opportun pour intervenir de nouveau. Une suite qui, je suis certaine, sera tout aussi réussie et comblera dans le même temps mon amour des histoires fortes et ma passion de l’Histoire en général et de la Deuxième guerre mondiale en particulier.
Une suite que j’ai hâte de découvrir et dont je vous parlerai, j’en suis sûre, avec le même plaisir.