La vie en vrai d’Emma Green

Titre La vie en vrai

Auteur Emma Green

Editeur Editions Addictives

Date de sortie 13 octobre 2022

Un titre à retrouver ici La vie en vrai

J’aime la romance parce qu’elle permet, sous le couvert d’histoires d’amour à chavirer le cœur, d’aborder tous les genres et tous les thèmes.

J’aime les romances signées Emma Green –je n’ai raté aucun de leurs titres- car entre deux comédies romantiques plus légères, on trouve, de plus en plus, des romances ancrées dans les problématiques du présent. De plus, elles ont un talent pour relater les premières amours, les premiers emballements, les premiers cœurs brisés, bref les premières fois, qui font renaître en moi la jeune midinette. Enfin, elles ont la bonne idée de créer des tribus de cœur et de sang qui déclinent leurs histoires sur plusieurs titres voire sur plusieurs générations.

En ce sens, L’amour en vrai, le nouvel opus signé du duo phare des Editions Addictives a tous les ingrédients pour me séduire.

Après PS: Oublie moi et Bien plus forte que toi, nous revoici dans le clan Larsson. Exit Wolf et Leo les parents ou Willa la tante, c’est vers la jeunesse que se tourne ce roman, consacré à Louve.

Que personne n’entame une overdose de Carambar pour se consoler, on retrouve tout de même des parents imparfaits, souvent dépassés et maladroits dans leur obsession de bien faire –mon Dieu qu’ils m’ont parlé ces deux-là- une tante prête à sauter dans le premier avion pour voler au secours de sa nièce perdue –et on sait que Willa et les avions, bref! Il y a même un peu de grand-père Georges à distance et de Judith dont l’univers décalé donne souvent du piquant à l’histoire.

Tous deux aussi sont dépassés, par le cadre de leur esprit, par les déboires de la technologie, par le temps qui passe et l’impression de ne plus être tout à fait dans le coup.

C’est d’ailleurs une composante de tous ces personnages, de Colombe, la petite dernière, dont le rythme n’est pas celui de la majorité aux parents et aux grand-parents en passant par notre héroïne Louve.

Enfin, héroïne, héroïne, ce n’est pas un super-pouvoir qui tombe de l’arbre.

Au début du roman, dans un premier chapitre poignant qui pique les yeux -à croire que j’ai lu ce roman dans un champ de poussière qui fait pleurer les yeux “mais promis juré ça n’a rien à voir avec l’histoire non non vrai de vrai même pas un petit peu” Louve est aux antipodes d’une héroïne.

C’est une ado déracinée de son cher Paris pour être balancée de l’autre côté de l’Atlantique, dans la prestigieuse ville de Boston. Non, pas Harvard –en tout cas pas encore, mais sait-on jamais- mais dans une prestigieuse école internationale où se côtoient des fils de bonne famille et des filles apparentées aux puissants. Sur le papier, Louve Larsson, fille d’un homme d’affaires réputé, à la tête d’une prestigieuse agence de mannequins hors stéréotypes, a tout pour y trouver sa place.

Elle a de l’argent, des connaissances. Sa tante est une star, son père allie la beauté à la puissance, elle-même est intelligente, ouverte sur le monde. Oui mais voilà. Comme souvent chez les Emma Green, Louve est un peu trop ou un peu pas assez. Elle n’est pas assez peste pour rabaisser les autres. Pas assez vicieuse pour taper là où ça fait mal. Trop entière pour ne pas prendre à cœur ce que les autres pensent d’elle. Trop formée pour ne pas attirer les idées et les paroles salaces de garçons mal éduqués et la jalousie de filles obsédées par une perfection factice.

Elle est surtout trop isolée pour avoir formé autour d’elle un groupe d’amis qui remplacerait ses inséparables parisiens, trop timide pour ouvrir sa bouche et hurler, trop inquiète de tout ce qui pèse déjà sur les épaules de ses parents pour les embêter avec ce contre quoi ils ne pourront rien.

Alors elle serre les dents, encaisse, se renferme, porte des vernis de plus en plus noirs comme son humeur et son mal-être. Comme une droguée en manque, elle continue de consulter ces réseaux sociaux où on parle mal d’elle, où on moque ses seins trop pulpeux et sa bouche trop large. Elle sait que ça lui fait du mal, que ça la tire vers le fond. Mais impossible d’ignorer ce qu’on chuchote sur son passage ou qu’on lui hurle en pleine face.

Louve n’a pas été adoubée par les Royals, le groupe des “populaires” qui font la loi au lycée. Pire, elle est devenue la cible favorite de Honor, Alec, Gideon et Sinaï et plus encore de Lazare, aussi beau que vénéneux. Lâchons le mot tel qu’elle est, Louve est harcelée. En live sous l’oeil impuissant ou indifférent des adultes, en ligne sous l’anonymat de tout un chacun.

Harcelée au point de ne plus avoir envie de vivre.

Ce n’est pas la première fois que le thème du harcèlement, y compris en ligne, est abordé dans les romans d’Emma Green. Automatiquement mon souvenir est reparti vers Céleste, l’héroïne de The boy next room. Mais dans La vie en vrai, on vit avec Louve la pression quotidienne, les regards et les paroles, la violence et les attaques.

Et on en prend un coup. En tant qu’êtres humains en se demandant comment on peut se montrer si violent et malveillant envers les autres. En tant que parent quand, comme Leo, on se demande ce qu’on a raté dans la vie de son enfant.

Il y a des pages de ce roman qu’on devrait faire lire à tous, parents et ados, parce qu’elles dépassent le simple cadre de la fiction et de sa distraction.

Harcèlement, cyberharcèlement, homophobie, il manque peu de choses à la galerie des horreurs que les Royals ou leurs congénères infligent aux autres. Les façons de réagir semblent dérisoires, les adultes totalement déconnectés. Ils sont le reflet d’une prise en compte encore trop souvent angélique de situations dramatiques, certainement.

Pour autant, la Vie en vrai, une vie en noir?

Oh que non! De la même façon que le vernis de Louve prend des teintes bleu nuit, bleu paillette, bleu vif, lilas et couleurs, de la même façon, il y a des tout petits pas qui comptent autant que des bonds de géant.

Grâce à Willa et à un tempérament qui reflète le meilleur de ses parents, Louve trouve des miracles de ressources pour de tout petits gestes sans doute mais qui sont autant de bonds de géants.

Ils lui permettent de rompre le cercle de l’isolement, donnent la parole aux invisibles et aux parias de toutes sortes. Ils créent une société parallèle, un groupe dans le groupe, fort de toutes ses faiblesses, une bouffée d’espoir qui rappelle que si l’isolement fait de certains des proies, la solidarité peut changer la donne, quelle que soit la difficulté du chemin.

Ce roman est aussi une bouffée d’espoir. Il rappelle à tous ceux qui doutent et craignent qu’il n’y ait aucune solution que quelque part, par-delà la pluie se trouve toujours un arc-en-ciel. Pour Louve, il prend la forme d’un câlin comme on n’en fait plus à dix-sept ans, d’un paquet de Carambar black-cassis ou d’une révolution des maillots mais il permet de relever la tête, de respirer à pleins poumons, de trouver de l’aide là où ne l’espérait plus.

 

Mais prise par l’intensité de ce roman j’ai un peu oublié de vous parler de la romance. Ça tombe bien, je ne comptais pas vous en dire trop. Disons que les Emma Green ont tapé très fort dans sa construction. Je crois que je n’avais plus été aussi saisie de l’évidence et l’incongruité du premier rapprochement depuis Vadim ou Tristan -c’est dire où je place l’histoire dans mon curseur personnel !

J’ai aimé, tout en ayant le cœur affreusement serré, que Louve, prise dans la spirale sombre du harcèlement, oscille entre l’euphorie des premiers amours et la crainte du piège. J’ai adoré la découverte des personnalités de chacun, creuser sous la carapace de chacun, attendre que l’autre se découvre, qu’il explique l’incompréhensible. J’ai soupiré d’envie pour la fraîcheur et l’évidence de ces moments. Bref, j’ai, encore une fois, totalement fondu d’amour pour Louve et son rossignol.

J’ai dévoré ce roman en oubliant tout l’accessoire -le sommeil, le repas et toutes ces petites broutilles- asphyxiée par la noirceur de son thème, revigorée par la beauté de ses sentiments. Je le referme le cœur un peu plus léger, un peu plus confiante dans l’avenir, de Louve certainement, de Colombe sans doute, de la perspective de retrouver bientôt les Larsson et consorts ? Je l’espère tout aussi fort. Un appel du pied ? Évidemment nom d’un Carambar !

 

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