L’héritier de la Sierra de Pauline Libersart

Titre l’héritier de la Sierra

Auteur Pauline Libersart

Editeur Audelio

Date de sortie 12 octobre 2022

Un titre à retrouver ici l’héritier de la sierra

 

Dans le large éventail des romances historiques, j’ai longtemps été réfractaire au Far West. Mais ça, c’était avant de découvrir le Nouveau monde sous l’œil de Pauline Libersart.

Avec elle, les hommes sont dangereux ou valeureux –ou un certain mélange des deux.

Les femmes sont destinées à être chétives et décoratives. Mais à travers ses yeux, elles se révèlent être des femmes de tête et de cœur, des femmes de caractère avec lesquelles il faut compter.

Elles veulent vivre librement, étudier, aimer éventuellement mais trouver un mari n’est pas leur préoccupation principale. Surtout, elles veulent être considérées à part entière et pas traitées comme des objets de désir, d’ornement ou de négociation.

Tess Hammond entre pleinement dans cette catégorie. Fille de Victor et de Sybil, sœur jumelle de Wesley, elle étudie dans un pensionnat. Avec sa meilleure amie Ayleen Clarks, elles rêvent d’étudier, de découvrir le monde, de prendre leur place dans un monde où les hommes ne leur offriront rien sur un plateau.

Tout le contraire de Cordelia, la demi-sœur de Victor et de sa fille Elspeth. Pour elles, tout n’est que fanfreluches et frivolité, beaux partis et unions avantageuses. Si la fille vise dans le palmarès des plus beaux partis les fils de Dallas et Amélie Ford, la mère en est à sa troisième union avec le perfide, venimeux et déterminé Georges Burgess. Déterminé à quoi? À faire main basse sur la fortune familiale qu’Edward Hammond, le patriarche, a pris soin de tenir à l’écart de son inconséquente de fille.

Mais lorsque les Hammond père et fils meurent dans des circonstances aussi tragiques que douteuses, alors les cartes sont rebattues et les masques tombent. Les jumeaux, mineurs, doivent se conformer aux ordres de leur tuteur, le machiavélique et libidineux Burgess.

Il leur fait quitter leurs pensionnats et même Sacramento pour les isoler dans le ranch familial d’où il cherche à évincer tous les employés historiques, tous ceux qui pourraient être fidèles à la mémoire des disparus et protéger les survivants, les jumeaux et Sybil, étrangement faible et malade, en continuant par Wesley qui échappe de peu à plusieurs incidents fâcheux.

Coups de chance? Peut-être. Plus sûrement une aide providentielle, celle des cousins Beaumont, deux jeunes palefreniers engagés par O’Brien, le maître des écuries, resté fidèle à la famille. Si Dan, le spécialiste des échecs, est souriant et sociable, son cousin Tom, brun ténébreux à l’hypnotique regard azur, en est l’exact opposé.

Toujours flanqué de son demi-loup Rainy, capable d’être doux comme un agneau ou bête sauvage, il pose sur tous un regard acéré et ne se déride -un peu- qu’en compagnie de Tess.

Aussi lorsque les manigances des Burgess ne laissent à la jeune fille compromise que le choix du couvent, il adopte, lui, la posture chevaleresque que l’on peut imaginer en lui offrant sa protection en tout bien tout honneur.

En tout cas ça, c’est ce qui est prévu.

J’ai dévoré ce roman.

En premier lieu, j’ai aimé retrouver la tribu de la Sierra. Pauline Libersart fait le choix de laisser Dallas Ford dans un coin du roman pour se concentrer sur une autre famille. J’ai cru que j’allais en avoir le cœur gros. Heureusement, cette potentielle lacune a été avantageusement comblée.

Ensuite, je suis toujours aussi réceptive à l’écriture de l’auteur. Le roman se lit avec une grande facilité, vous emprisonne dès la première page et lorsqu’on arrive à la dernière, on ne peut s’empêcher de se demander “quoi? Déjà? Il n’y aurait pas un petit chapitre en plus?”. Le signe d’une très bonne lecture.

Par ailleurs, j’ai beaucoup aimé les intrigues du roman. Cette histoire de machination familiale est très bien menée. Certes on identifie rapidement les méchants, mais j’ai pris plaisir à imaginer le prochain coup tordu qu’ils allaient mener et la parade qu’on allait leur opposer.

Jusqu’au dernier moment, la partie d’échecs est serrée. Chacun place ses pions, anticipe le coup de son adversaire et dévoile à la dernière seconde toute la stratégie.

Cette intrigue est doublée d’une autre, dont je ne veux pas trop vous en dire pour ne pas gâcher le suspense. Là encore, j’ai aimé me creuser le cerveau en me demandant quand la vérité éclaterait et quels dégâts elle causerait. Cet aspect instaure une délicieuse tension dans la lecture que j’ai beaucoup appréciée.

J’ai aussi, comme souvent dans les écrits de Pauline, eu un coup de cœur pour ses personnages. J’ai aimé un Wesley qui se veut protecteur et “homme de la maison” sans être tout à fait armé encore pour le moment. J’ai beaucoup apprécié sa complicité avec Tess.

Ahhh quelle héroïne! Prise entre le chagrin du deuil, l’inquiétude qui la ronge face à sa mère et son frère, elle ne veut pour autant résister à aucun de ses rêves. Dans les lettres qu’elle échange avec Ayleen on découvre aussi l’écart entre la toute jeune femme du XIX° siècle qui ouvre les yeux sur un monde bien différent des romans, en garde de la naïveté mais avance très vite sur le chemin de la vie.

Et quel guide pour y parvenir que Tom Beaumont. Ce personnage est, à mon sens, très bien travaillé. Il forme un très beau diptyque avec Dan. J’ai fondu pour ses airs froids et distants qui cachent ce qu’il laisse parfois percer, de la tendresse dans une situation qui n’en autorise guère, de l’affection et une vraie douceur. Il fait souvent référence à l’éducation qu’il a reçue, en particulier auprès de la gent féminine, ce qui, là encore, apporte une touche de modernité, de “féminisme” au roman et rappelle, dans un écho très contemporain, que l’éducation des garçons est la meilleure protection pour les femmes.

Son éducation en fait aussi un être plein de surprise qui sait jouer de la crainte qu’il inspire et rappeler par moments que ce n’est pas juste une réputation.

J’ai fini de fondre pour lui, capable de tenir tête à une troupe de brigands mais tellement plus en peine pour ouvrir son cœur, quoi que cela doive lui coûter. Espèce de tête de mule.

Vous l’aurez compris, une nouvelle fois, Pauline Libersart m’a totalement embarquée dans une histoire périlleuse, rebondissante, haletante et passionnée où les valeurs des uns et des autres sont au centre de l’intrigue, où les héros assument leur brutalité et savent aussi se montrer tendres, où la famille peut être le pire piège ou le plus beau soutien, ou l’amitié et la justice triomphent dans un décor sauvage et envoûtant.

Et si en plus, ces héritiers de la Sierra entament un nouveau chapitre de la saga, alors je tiens déjà ma selle et mon chapeau fins prêts pour le prochain galop

 

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