Dark Ages de Kalvin Kay

Titre Dark Ages

Auteur Kalvin Kay

Éditeur Black Ink Éditions

Date de sortie 3 septembre 2021

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Neuvième siècle. Les temps sont durs pour tous. En terres celtiques, les raids menés par les redoutables Norrois assombrissent le tableau.

L’Errin est la cible des attaques récurrentes, en particulier celles menées par le sanguinaire Olaf.

La Pictavia n’est pas non plus épargnée. Là, ce sont les troupes menées par Torgil qui mènent l’attaque.

Les Norrois sont rudes, effrayants, pas avares du sang versé, ni le leur, ni celui de ceux qui tombent sous leurs boucliers.

Mais on aurait tort de ne voir dans les fils d’Odin, les frères de Thor que des monstres assoiffés de tueries et de rapines.

Les raids sont nécessaires car ils permettent à tous ces valeureux guerriers d’amasser de quoi faire vivre leurs familles et de contenter leurs jarls. Mais ils passent aussi par des alliances, plus ou moins volontaires.

Les mariages en sont les plus prisés. Ils permettent d’épargner le sang et de prendre pied dans un nouveau territoire, d’y instaurer de nouvelles dynasties.

Les Vikings se montrent d’ailleurs particulièrement modernes dans certaines visions de la femme. Là où l’Eglise chrétienne, qui a pris pied en terre celte méprise et isole les femmes, les Norrois leur confient la responsabilité du foyer, un rôle de conseil et je ne parle même pas des guerrières au bouclier, les légendaires Amazones scandinaves.

La femme, égale de l’homme capable de faire valoir son droit au refus? Il ne faut pas exagérer non plus.

C’est dans ce contexte que Kalvin Kay place l’action de son roman Dark Ages, mon coup de cœur historique de cette fin d’année.

Elle dépeint avec talent le destin de Nola Mac Bargoit.

Fille du roi Wrad, elle illustre cette « RealPolitik » médiévale. Pour épargner son peuple, son oncle Eoganan n’a pas hésité à la promettre à l’un des fils d’Ingvald, seigneur de Skaro.

L’accord de la jeune fille? Non seulement on s’en passe, mais on néglige même de l’avertir du sort qui l’attend, elle qui ne rêve que d’Angus Mac Cilen, l’un des meilleurs guerriers de son père.

Si Nola est la victime collatérale de ces alliances d’hommes, la réciproque est vraie puisque son promis, Runn Helgasson, est lui aussi mis devant le fait accompli.

Brave guerrier ne rêvant qu’exploration et conquêtes avec son frère Hagen et sa garde rapprochée, formée du sage Egil des fanfarons Ulrik et Stig, comblant ses besoins de compagnie avec la belle Sunilda, une jolie veuve qui réchauffe ses bras et sa couche, il n’a pas de place dans sa vie ni dans son cœur pour une étrangère, chrétienne, une ennemie qui ne parle pas sa langue et ne semble pas vouloir prendre sa place dans son foyer.

Mais c’est compter sans les desseins des Dieux et des oracles.

La frêle jeune femme capricieuse qu’il imaginait se révèle une femme décidée, résolue et au tempérament de feu. Et surtout, rien ne l’avait préparé à cette troublante beauté et à la façon dont sa proximité dérègle tout son équilibre.

Runn est un homme d’honneur. Il respecte la parole donnée, l’intérêt de son clan et de son sang. Autant dire que, quoi qu’il n’ait rien décidé, si Freya a placé cette femme sur son chemin, son devoir est de la protéger envers et contre tout, sans considération pour sa propre sûreté. Les Dieux l’ont décidé, le promettant à une destinée hors norme qu’il va tenter, par tous les moyens, d’accomplir.

J’ai beaucoup aimé ce roman.

Tout d’abord, le cadre m’a séduite. Les terres celtes d’hier comme d’aujourd’hui me passionnent. Le métissage des Norrois avec les Pictes et autres Scots tout autant.

En effet si les conquêtes sont au centre de ce roman, il est aussi question d’adaptation, de mélanges, de la fusion des cultures et de la naissance de nouvelles nations.

Ensuite, la période a renforcé mon coup de cœur. Je ne suis pas une grande spécialiste des Vikings. Mais en lisant ce roman, tous ses rebondissements et ses intrigues, j’ai eu l’impression qu’il ne déparerait pas dans une saison de Vikings ou de Last Kingdom, mes références en la matière.

J’ai aussi découvert ici l’écriture de Kalvin Kay. Et j’en suis fan! Le style est riche. Les descriptions sont efficaces sans être pesantes. Les références historiques sont précises sans verser dans le documentaire. Pour autant, j’ai particulièrement aimé la description de certains rites, les mariages bien sûr, mais aussi d’autres scènes plus difficiles à lire, mais parfaitement rendues.

Dans sa narration, menée principalement du regard de Runn et de Nola, on sent bien la différence des points de vue, des sensibilités et toute l’incompréhension dont la langue n’est pas la seule responsable. Il y a une vraie richesse à découvrir ainsi le choc des cultures et les pas, timides au départ, puis gigantesques qui les mènent l’un vers l’autre, dictés par la nécessité.

Et de la nécessité, il y en a beaucoup dans cette histoire où les rebondissements s’enchaînent alors que les dangers se multiplient. Pas de temps morts là où les conquêtes se mêlent aux traditions, les ressentiments aux passions et les liens familiaux aux chaînes de l’intérêt.

Dans un sens du rythme très prenant, Kalvin Kay dresse une galerie de portraits pour des personnages qui ont tous leurs failles et leurs faiblesses.

Ce qui en fait des caractères aussi attachants, c’est qu’ils sont imparfaits.

La brusquerie de Runn et sa façon d’imposer ce qu’il estime être son droit se heurte aux choix d’Angus et à l’entêtement de Nola. Les colères d’Ingvald s’opposent à la bienveillance d’Erika, la folie de Stig à la sagesse d’Egil.

Bref, chacun des personnages trouve son pendant dans un autre, ce qui tisse une solide répartition des rôles et de l’intensité.

Mais bien évidemment, le point si fort de ce Dark ages réside dans la relation improbable et pourtant évidente entre Runn et Nola. J’ai dit quelques mots des conditions de leur rencontre. J’ai évoqué le choc que cette alliance causait à chacun, les projets qu’elle contrariait.

Si chacun a rêvé de suivre son inclination naturelle, il ne faut toutefois pas être naïf. À cette époque aussi, la raison d’état guidait fréquemment les alliances. L’entente d’un couple dirigeant apparaissait comme une forme de bonus, pas comme un préalable. L’union pensée par Nola à l’origine était celle de la naïveté du premier amour. Elle pèse néanmoins sur une large partie du récit. Là encore, l’autrice élabore une résolution qui n’était pas celle que j’avais pensée, mais tombe sous le sens d’une vraie logique et offre un développement inattendu mais passionnant.

Et que dire de la conclusion de cette romance historique passionnante et impossible à quitter? Rien bien sûr, sinon que j’ai passé avec cette lecture un excellent moment, largement servi par le talent de narratrice de Kalvin Kay, par la densité de son intrigue et par la complexité de ses personnages, que j’ai eu de la peine à quitter, tout en rêvant, par devers moi, à de prochaines aventures. Un appel à une suite? Absolument!

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