Titre Tainted Hearts 3/3
Auteur Jenn Guerrieri
Éditeur Plumes du Web
Date de sortie 18 novembre 2021
Un titre à commander ici Tainted hearts 3/3 ou sur le site de la maison d’éditions
Toutes les bonnes choses ont une fin. Mais il est toujours difficile de dire au revoir à une très très bonne saga, tout comme il peut être complexe de tenir le niveau de qualité d’une série jusqu’à son terme.
Mais comme on pouvait s’en douter, ce défi, Jenn Guerrieri le relève haut la main, une nouvelle fois, dans ce volet conclusif de Tainted hearts.
Vous imaginiez un volet calme, paisible, sans rebondissement? Passez votre chemin.
Vous attendiez un Chester enfin dompté, transformé en agneau guimauve (mon Dieu quelle image) roudoudou à souhait … hum, oubliez et fuyez vite avant que Chestanas ne vous mette la main dessus.
Vous pensiez avoir tout cerné de la dynamique d’Ally, des motivations d’Alden, du fonctionnement de Yann, de l’exubérance de Carla… hum souvenez-vous que c’est Jenn Guerrieri qui est aux commandes et que sous sa férule, aucun personnage ne se laisse aller à la facilité.
Par contre, si vous rêviez d’un final intense, incendiaire pour les cœurs et les petites culottes, qui fera passer votre sensibilité dans une lessiveuse haute pression, si vous n’avez pas peur de laisser les émotions vous submerger et si vous ne craignez pas de passer sous le rouleau compresseur qu’est Chester Hanson au summum de ses angoisses donc de son mal-être, donc de tous ses mécanismes de défense, alors installez-vous confortablement, le voyage tiendra toutes ses promesses … et même plus.
Comme souvent en pareil cas, une partie de cette chronique est « tous publics », l’autre plus particulièrement destinée aux lecteurs qui ont déjà mis un pied dans l’univers des Chainless.
Pour ceux et celles qui seraient passés à côté de la saga Tainted Hearts, cette trilogie met aux prises Ally Owen, une jeune danseuse étudiante de la prestigieuse Julliard school de New York et Chester Hanson, chanteur génial et tout aussi instable du groupe à succès Chainless, qu’il fait vivre avec son meilleur ami Alden et les jumeaux Miller, Yann et Matt.
Embarquée par son meilleur ami Jullian Coles dans une interview du groupe, Ally a déclenché la colère furieuse et ravageuse de Chester qui met un point d’honneur à pourrir sa vie tout en se montrant étrangement protecteur par instants.
La tension entre eux est puissante, poisseuse, oppressante. Mais Ally, pourtant vulnérable d’un passé traumatique, n’est pas prête à se laisser piétiner, quand bien même Chestanas dispose de moyens de pression efficaces. Plus elle lui résiste, plus Chester en fait une cause personnelle. Mais vous connaissez l’adage, il n’y a rien de plus proche de la haine que l’amour.
Entre les deux têtes dures, la confrontation est aussi cinglante que l’attraction est virulente. Rien de doux n’émane de leur relation. Elle est hautement explosive quand leurs tempéraments se confrontent. Elle est corrosive lorsqu’ils s’usent le cœur et l’âme à vouloir se repousser. Elle est atomique lorsqu’ils s’autorisent un rapprochement physique.
Pour autant, ne pensez pas qu’il n’y a que du combat, des coups bas et des affrontements saignants dans cette histoire.
Il y a aussi des moments de grâce. La découverte d’un nouveau morceau, la fusion de la musique et de la danse, des instants où l’on pose les armes pour entrouvrir une porte vers ses secrets les plus enfouis.
À force de ne voir que Chester l’insolent, l’ingérable, celui qui excelle dans le pire, on en oublie qu’il est aussi un parolier de génie, un artiste né avec tout ce qu’il faut de failles et de fêlures pour partager avec le monde une sensibilité tellement exacerbée qu’il est obligée de la camoufler pour ne pas en crever.
L’abandon, la trahison, la cruauté, la culpabilité, tous ces maux qui menacent de l’abattre, comme ils affaiblissent tant de monde, sont pour Chester autant de sources d’inspiration, de mots pour toucher les autres, pour faire de ses chansons des hymnes pour une génération en détresse.
Cette dualité entre l’artiste hypersensible et l’humain intouchable, Ally la ressent. Elle en est une sorte de miroir. Si dans son art, tout doit être maîtrise et contrôle, en dehors du cadre strict du classique, elle n’est qu’émotions et sensibilité, empathie et bienveillance.
Cette collision pourrait être sublime, du moins si nos deux amants maudits ne s’autodétruisent pas en s’entraînant dans leurs côtés les plus obscurs. Et c’est sur cette ligne plus fine qu’une portée que Jenn Guerrieri surfe dans cette trilogie dont chaque note, même la plus dissonante, fredonne une parfaite mélodie.
**** À PARTIR DE LÀ, IL EST RECOMMANDÉ D’AVOIR LU LES DEUX PREMIERS VOLUMES DE TAINTED HEART *****
Le second volet de Tainted Heart s’est, on s’en souvient, achevé en cataclysme. Acculé par ses pires démons, Chester a fait ce qu’il sait faire de mieux.
Il a tout saccagé, ruiné, dépecé, pour éloigner tous ceux qui l’aiment. La première victime de ce tsunami, on s’en doute, c’est Ally qu’il rejette une nouvelle fois. Il fait bien pire. Pour être certain d’anticiper l’abandon qu’il pense inévitable, il piétine tout ce en quoi elle croit, ce rêve qui la tient depuis douze ans, cette parenthèse de vie qui tient lieu de boussole.
Ça, plus encore que sa cruauté ou ses valses-hésitations, c’est plus que la jeune femme ne peut en supporter -elle en a déjà supporté pas mal, on est bien d’accord! Alors elle fait ce que, en personne censée, elle aurait dû faire depuis longtemps: tirer un trait sur Chestanas.
Facile à dire! Elle a d’autres buts dans la vie, à commencer par la préparation des examens de fin d’études, le concours qu’elle espère pouvoir présenter pour l’opéra Garnier de Paris, en continuant par Carla, la fille du producteur des Chainless, danseuse en herbe, en finissant par Joy et Jullian, ses meilleurs amis, aux prises également avec les affres de la passion.
Sur le papier, tout est simple et ordonné. Oui mais.
Oui mais on n’oublie pas si facilement Chester Hanson. À plus forte raison quand on doit reconnaître, à son cœur défendant, qu’on en est irrémédiablement amoureuse. À plus forte raison quand il prend un malin plaisir à être partout sur le chemin de la belle Ally, bien proche de sombrer d’un trop plein d’amour.
Chester? Pour la première fois, il admet qu’il aime à en être fou, fou d’amour, fou de terreur, fou à en organiser une virée des plus romantiques, à en supporter ce qu’il déteste par nature, à pactiser avec son diable personnel. Fou à en déplacer des montagnes ou à ouvrir son cœur, à confier ses secrets et ses craintes les plus profondes.
Pour autant, n’attendez pas un Chester sucre d’orge mielleux et dompté.
Lorsqu’il montre une douceur et une délicatesse à faire trembler tout le rempart des émotions, ce n’est jamais parce qu’il abdique, mais parce qu’il décide, librement, de donner à Ally ce dont elle a besoin à ce moment. Et il a beaucoup d’armes pour ressentir instinctivement ce dont il s’agit. Le fait que ces scènes clefs soit narrées par la voix du Chainless ne les rendent que plus puissantes car on mesure tout le fossé entre son image publique et celui qu’il est, presque malgré lui.
Ce dernier volet m’a beaucoup touchée -les deux premiers aussi, je sais!
J’ai été émue par les thèmes lourds qui y sont abordés. Difficile d’écrire les mots sans en dire trop. Mais vous savez ce dont je parle.
L’empathie des Chainless, la voix qu’ils offrent à ceux qui n’en ont pas, la résilience et le besoin d’affronter son passé pour construire son avenir, sont des messages particulièrement forts que Jenn Guerrieri porte très haut.
Il est des projets, des performances et des initiatives qui devraient servir de modèle et de référence, bien au-delà de ce roman, pour permettre aux pires maux de prendre mots.
Si le parcours de Chester et de ses proches en est remarquable, j’ai beaucoup aimé toutes les réflexions qui accompagnent celui d’Ally et d’un autre personnage. L’autrice aborde ces situations sans angélisme, en mettant l’accent sur des obstacles auxquels on ne pense pas forcément, et pourtant.
Il y a, par-delà la romance et toute la réflexion sur la place de l’art et sur le langage universel qu’il offre, un volet qui mériterait de voir cette trilogie largement diffusée.
Mais cette trilogie parle aussi d’art. À l’instar de Chester, je suis plus guitare que demi-pointes, mais là encore, la sensibilité de l’autrice se déploie avec grâce et talent. Dans ses lignes, on ressent l’exigence de la danse, l’état d’abandon auquel s’adonnent ses adeptes et le mode d’expression qu’elle représente.
Dans la musique, on ressent une dimension sensuelle, presque viscérale qui m’a beaucoup touchée. J’ai oublié de demander à Jenn quel était son rapport à ces deux arts. Mais soit on a affaire à une passionnée, soit à une observatrice qui a su en cerner l’essence même.
Mais Tainted Hearts est aussi et surtout une romance. Et quelle romance!
Ce troisième volet en offre une apothéose.
On y découvre un Chester fragilisé et qui, par moments, accepte ces failles. On y décode l’homme en apprenant à découvrir l’adolescent et le jeune adulte qui ont forgé celui qu’il est.
On trouve, en tâtonnant avec Ally, des clefs pour comprendre, des contre-mesures pour désamorcer la bombe à retardement. Et si ça ne marche pas toujours, il y a, à la différence du début de l’histoire, un vrai point d’ancrage, l’honnêteté de Chester et les aveux librement consentis.
Alors on avance. Pas toujours en harmonie, toujours entre prises de bec et provocations, comme un modus vivendi pour ne pas s’oublier en l’autre mais continuer à hurler qu’on existe et qu’on ressent, même avec l’autre, surtout avec l’autre et pour l’autre. On crie, on rit, on souffle, on s’essouffle, bref, on s’aime. Et c’est sans doute là la définition parfaite de ce drôle de couple.
Il est loin du prince charmant. Il ne le sera jamais. Il est bien plus. La somme de ses fêlures, de ses blessures, de ses brûlures. De toutes ses imperfections, il est celui qui embrase et illumine une vie, celui qui rend tout plus intense.
Elle est sa provocation, sa sorcière, son exception, son étoile, celle qui le guide dans les nuits noires, jusqu’à son port ultime, celle qui répare la boussole brisée encrée sur sa peau.
La relation de Chester et Ally n’est pas paisible, ni équilibrée. Telle une aérienne figure de danse, elle tient sa perfection de l’infime déséquilibre, celui qui fait retenir son souffle, dans la crainte d’une chute, avant d’éclater en une arabesque évidente et sublime.
Celle qui m’a chamboulée au cours de ces trois volumes et qui confirme, s’il en était encore besoin, que je suis d’ores et déjà prête, en haleine et prête à être chamboulée, pour la prochaine aventure ! Alors, on embarque quand?