Credence de Penelope Douglas

Titre Credence

Auteur Penelope Douglas

Éditeur Black ink Editions

Date de sortie 9 septembre 2022

Un titre à commander ici Credence

Tiernan de Haas a tout pour être heureuse. Dix-sept ans bientôt dix-huit, elle fréquente les pensionnats les plus huppés des Etats-Unis, ne connaît pas le sens du mot restrictions financières et elle est la fille de Hannes et Amelia, deux monstres sacrés d’Hollywood.

Un décor parfait, non?

Mais vous savez ce qu’on se dit, rien n’est plus douteux que la perfection.

Penelope Douglas ne me contredira pas dès les premières pages de ma première rencontre avec sa plume.

Côté pile, Tiernan est une gamine livrée à elle-même, qui écume les pensionnats pour ne pas être dans les pattes de ses parents, si épris l’un de l’autre qu’ils n’ont ni le temps ni l’envie de poser les yeux sur leur fille. Mirai Patel, l’assistante personnelle d’Amelia connaît bien mieux leur fille qu’eux et ce n’est pas par zèle professionnel.

Hannes et Amelia ne vivent que dans le regard de l’autre, l’un par l’autre, l’un pour l’autre. C’est aussi dans ce sens qu’ils choisissent de mourir ensemble, dès les premières pages du roman, sans un mot pour celle qu’ils laissent derrière elle, sans un regard, avec juste une précaution, la nomination d’un tuteur.

Et quel tuteur! Jake van der Berg, le demi-frère d’Hannes, vit aux antipodes d’Hollywood. Lui, son truc, c’est la montagne du Colorado où il vit avec ses deux fils, Noah et Kaleb, coupés du monde extérieur pendant tous les mois de neige et de glace.

Il y mène une vie rude, rythmée par le travail auprès des animaux qu’il élève et de son atelier de préparation et amélioration de motos. C’est un homme dur, qui veut que chacun soit capable de se débrouiller dans un monde qui peut être hostile.

Il est tout sauf ce que l’on peut recommander pour une précieuse petite fille de la ville.

Et pourtant …

Tiernan, habituée à être transparente dans le monde plein de strass qui l’a vue grandir, sait se fondre dans le décor. Dieu merci, même si ses personnal shoppers ont empli sa garde-robe de tenues de prix importables en montagne, c’est une jeune femme qui sait ce qu’elle veut, ne rechigne pas à mettre la main à la pâte, pour peu qu’on le lui demande avec un minimum d’égards.

C’est aussi une adolescente sans passion, presque sans énergie vitale qui débarque dans cette galaxie lointaine.

Elle qui pensait passer là quelques semaines au grand air avant sa majorité pourrait bien tomber sur d’innombrables surprises.

Tout d’abord -et j’ai beaucoup aimé cet aspect de l’histoire- Tiernan se prend de passion pour le décor et le cadre de vie qui devient le sien.

Il faut dire que sous la plume de Penelope Douglas -et de ses brillantes traductrices- on est à deux doigts de prendre son billet pour Telluride, la dernière « ville » avant le Pic.

La vie y est plus simple, plus authentique aussi qu’ailleurs. Et même si j’ai frémi au récit de certains retours de chasse, il n’empêche que certaines réalités sont immuables. Savoir produire sa nourriture, c’est l’assurance de survivre à l’hiver.

Tiernan se sent en phase avec cette nature qui émerveille autant qu’elle impressionne. Elle qui ne s’est jamais sentie nulle part chez elle, trouve une certaine paix dans le silence de la montagne et les plaisirs simples des cascades naturelles et des longues promenades en montagne.

Heureusement, Tiernan n’est pas une mijaurée. Elle trouve assez vite son rythme dans la routine familiale entre Jake l’oncle bourru, souvent autoritaire, mais qui a aussi à cœur de protéger les siens. Pourtant, il a de sérieux griefs contre la famille de Tiernan. On pourrait même se demander parfois si le choix du tuteur est une vengeance d’outretombe, pour la jeune fille ou pour son tuteur qui ne pensait certainement pas se retrouver avec sur les bras une jeune fille trop lisse, trop sage, trop neutre, trop séduisante.

Les personnages de ce roman en font une force. Outre Jake, force tranquille, capable de grands coups de sang, on trouve Noah, le chouchou de ses dames. C’est un personnage lumineux dans ce décor. Il a toujours le mot pour rire, se prend d’un instinct protecteur pour sa cousine sortie de nul part. Il faut dire qu’elle rompt la monotonie de sa vie et lui ouvre des perspectives.

Là où Tiernan trouve un havre de paix, à l’écart de la ville et de son agitation, Noah, lui, voit un espace trop étriqué pour ses ambitions. Coureur moto à ses heures, il envisage son avenir sur des circuits plus clinquants que les courses éphémères du Colorado, avec des sponsors plus prestigieux que la société de son père.

J’ai trouvé que les trajectoires parallèles et pourtant opposées entre les deux cousins étaient très bien menées.

Et que dire de Kaleb? Il est le cœur silencieux et pourtant hurlant de passion de cette histoire.

Il est un petit bijou de travail sur un personnage complexe et que l’on doit décrypter d’une façon tout à fait particulière.

Tantôt colérique et indifférent, il est aussi attentif et passionné. Mais son incapacité à se faire comprendre de manière certaine engendre des incompréhensions et des rebondissements en cascade.

Prise entre le feu ardent de ces trois personnages, Tiernan va accomplir le voyage initiatique qui fonde une vie.

Elle va apprendre qu’un foyer, ce n’est ni une maison immaculée pleine de meubles de prix, ni un maison dans les bois. Un foyer, c’est là où bat le cœur d’une famille, quelles qu’en soient les particularités.

Elle va aussi découvrir qui elle est, elle qui, jusqu’à présent, n’a jamais trouvé sa place, ni chez ses parents, ni dans les différentes écoles qu’elle a fréquentées. Elle a toujours été une ombre transparente et silencieuse. Cette situation lui convenait parfaitement en tout cas jusqu’à ce que Jake en exige autrement. Il veut tout d’elle. Sa vitalité et son tempérament, ses rires et ses cris, tout ce qui lui permettra d’être plus qu’une jolie poupée vide.

Et tant pis si ces exigences ramènent à la surface des souffrances et des terreurs. L’homme n’est pas de ceux qui s’encombrent de manières délicates. Par moments, on le déteste avec Tiernan. À d’autres, on l’aime pour sa façon de prendre soin de chacun. À d’autres encore, il soulève tout un tas d’autres émotions puissantes et inclassables.

Car ce Credence est aussi une romance brûlante et sulfureuse.

Je dois avouer que, moi qui suis plutôt, en romance, adepte d’histoires soft et qui restent dans un certain nombre de critères, j’ai eu un moment d’hésitation avant d’aborder cette lecture, pour ce que le résumé en laissait deviner.

Pourtant je me suis laissée tenter et mamma mia quelle claque!

D’abord, Penelope Douglas a une plume diabolique. Elle dépeint des scènes d’une sensualité folle. À se demander comment l’hiver reste si rigoureux dans le Colorado quand on lit ce qu’elle y décrit!

Ensuite, quoi qu’on puisse penser des situations et des choix de Tiernan, quoi qu’on puisse reprocher aux hommes de ce roman, le travail accompli sur la psychologie des personnages, la plongée dans la tête de chacun, tout concourt à rendre cette romance particulière parfaitement logique. Je ne dis pas que je l’aurais envisagée pour moi -mais on est bien d’accord qu’on ne lit pas de la romance pour calquer notre vie sur nos héroïnes- mais la relation de Tiernan et du clan Van der Berg se développe bien au-delà d’une simple histoire de sexe, même si celui-ci occupe une place non négligeable ans le roman et dans l’esprit des personnages.

Il y a le rapprochement des corps. Il y a ce que le cœur et l’âme en font. Dans ce registre également, Penelope Douglas a, de mon point de vue, su atteindre un très bel équilibre.

Il fait de Credence un roman qui m’a tenue en haleine, m’a rappelé que l’amour n’est ni évident, ni monochrome, m’a montré qu’il est aussi souffrance, patience, délivrance et délire des sens.

Il m’a aussi prouvé que, contrairement à mes idées reçues, je pouvais largement dépasser mes limites un ou deux crans plus loin. C’est un constat que ma plongée dans le catalogue de Black Ink Editions confirme régulièrement. En attendant la prochaine confirmation!

 

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