Auteur Jojo Moyes
Éditeur Milady
Date de sortie 17 octobre 2018
À retrouver sur Amazon en suivant ce lien Une douce odeur de pluie
Un titre découvert grâce au réseau Net Galley France
Une douce odeur de pluie est typiquement le genre de livres qui fait du bien. Il n’a rien de spectaculaire, peut se résumer presque simplement, et pourtant, il résonne longtemps après en avoir lu la dernière page.
La preuve? Sabine, jeune Londonienne de seize ans est envoyée par sa mère en Irlande pour rendre visite à ses grands-parents âgés, pendant qu’elle-même tente de démêler les noeuds de sa vie sentimentale.
Le pitch vous paraît simple? Quelque part, il l’est. C’est une tranche de vie à la fois simple et très simple que nous propose l’auteur. On y croise une galerie de personnages « normaux » et singuliers à la fois.
Dans la famille Balantyne, l’auteur a dressé le portrait de trois femmes, trois générations, même si Alice, l’aïeule, est souvent présente en filigrane. Si l’histoire se focalise sur Sabine, la dernière, qui quitte à regrets son Angleterre connectée pour se retrouver au coeur de sa famille, ce n’est pas pour la voir sous son seul angle. Sabine est une fille. La fille de Kate, une jeune femme fantasque, qui a mené sa vie en rupture, des traditions, du modèle parfait que représentaient ses parents et de certaines conventions.
Au premier abord, c’est un personnage qui paraît peu sympathique, faisant passer ses amours avant sa fille, menant sa barque sans trop savoir où elle va et relativement égoïste. Mais peu à peu, on comprend que cette apparent détachement est avant tout une protection face au regard des autres.
Plutôt que de décevoir, elle préfère se dérober, fuir et faire mine que tout glisse sur elle, écrasée par l’ombre imposante de sa mère Joy.
Joy, la grand-mère, est elle aussi, une femme peu banale. Dans son jeune âge -et j’ai beaucoup aimé les flash-backs sur sa jeunesse coloniale-, elle a été également une source inépuisable de contrariétés pour sa mère, un modèle des difficultés de trouver sa place dans un monde qui n’est pas taillé à sa mesure. Puis il y eut Lui. Edward.
On pourrait parler d’un coup de foudre. La description de Jojo Moyes en est bien plus profonde. Selon ses mots, il était l’évidente moitié, le seul auprès duquel Joy se sentait à sa place.
Une union belle, sublime, sans faille, …. bien loin, en somme, de celle de Kate.
À moins que.
Ce roman est un roman de filiation. Entre ces trois femmes qui communiquent si mal et se retrouvent finalement, autour de leurs souvenirs et des déformations que chaque mémoire fait du passé. Mais en creusant ce passé, c’est aussi le présent qui s’éclaire et donne de nouvelles perspectives pour l’avenir.
C’est aussi un roman sur la place de la mère, face à un enfant en bas âge, à une adolescente, face à une adulte, ou en tant que grand-mère. Des thèmes qui parlent à beaucoup d’entre nous et m’ont en tout cas touché au coeur.
Mais le lien de mère à fille est tout aussi puissant entre Mme H, la gouvernante du domaine, et sa fille. La relation entre ces deux femmes m’a tout autant émue. Si j’ai été touchée de la difficulté de communiquer entre les femmes Balantyne, à cause des non-dits et des rancoeurs, je l’ai été tout autant par celle entre Annie et sa mère. Pour leur part, la difficulté n’est pas la volonté, mais la possibilité à entrer en communication.
Mais ce roman est aussi une histoire de générations: le fossé naturel entre les centres d’intérêts de grand-parents un peu en retrait de la modernité avec leur petite-fille ne coule pas de soi. Et pourtant, lorsque le lien se crée, il est tellement fort qu’il en devient presque jaloux et exclusif.
Dans cette histoire de femmes, bien sûr, il faut des hommes. Avec leurs failles, leur force, leurs convictions et leurs moments de renoncement. Ils sont le centre de plusieurs des points d’achoppement de cette histoire. Ils y ont une place primordiale, et pourtant relayée très loin de la relation si complexe entre les dames.
Pour de multiples raisons, la plupart essentiellement personnelles, j’ai trouvé de nombreux échos dans ce roman, avec l’impression d’être entrée, sur la pointe des pieds, assister à une tranche de vie qui ne m’appartient pas tout à fait, mais ne m’est pas non plus totalement étrangère.
Une très belle impression.