Titre The Boss
Auteur Erin Graham
Éditeur Éditions Addictives
Date de sortie 7 mai 2019
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Il est parfois très difficile de chroniquer un roman qu’on a vraiment aimé (et le terme est ici vraiment trop faible). La crainte de trop en dire et de gâcher ainsi le plaisir des lecteurs la dispute au risque de se transformer en groupie vaguement hystérique.
Et The boss mérite bien mieux qu’un enchaînement de « Wahhh », de « Oh mon Dieu mon Dieu mon Dieu » et d’autres remarques creuses. Alors je les condense tous ici, pour ne plus être tentée d’en ponctuer chaque phrase.
Voilà. Maintenant que j’ai résolu une partie de la question, je peux me lancer.
Bien sûr, cette chronique en dira beaucoup moins que je ne le voudrais. J’adorerais vous parler pendant des pages entières des paragraphes qui m’ont fait sourire, des pages qui m’ont fait pleurer, des moments où j’ai été incapable de lâcher ma lecture, de ceux où, au contraire, j’ai eu besoin d’une pause pour reprendre mon souffle -et accessoirement laisser mes yeux sécher suffisamment pour pouvoir continuer.
Mais je ne pourrai pas le faire, du moins pas sans lever une partie des mystères de ce livre. Et il est trop riche pour lui faire ça.
Alors je vous dirai pour quelles raisons Erin Graham m’a, une nouvelle fois, mis une grande claque, ou plutôt un immense coup dans le coeur.
Commençons par le commencement et l’histoire mise en place par l’auteure.
Emilie Laurent est une jeune fille de seize ans qui grandit, insouciante, dans une petite ville de province. Des parents aimants, une grande soeur, Aude, qui n’aime pas trop s’encombrer d’une petite, mais se montre présente quand il faut, et surtout, des quadruplés autour d’elle.
Pas des quadruplés de sang, non, bien mieux, des quadruplés de coeur. Justin la grande gueule, Thomas le réfléchi, Vivian le discret et Marek…
Marek, le fils mûri trop vite par une situation familiale désastreuse, le complice, le meilleur ami. Celui capable de regarder en boucle les films pour adolescente les plus improbables et de passer des heures à discuter.
Marek qui, sans qu’il y pense ou presque, a conquis le coeur de la jeune fille.
Ces cinq-là sont inséparables. Ils vivent les premiers amours, les premiers changements. Bientôt, ce sera le bal de fin d’année, le départ des aînés, une colocation et tout un tas de projets heureux, …
Mais la vie peut être une garce et briser tous les plans les plus heureux en un claquement de portière.
Huit ans plus tard, les quadruplés se sont émiettés, dispersés aux quatre vents de la culpabilité et les soeurs Laurent, Emilie et Aude, sont plus soudées que jamais.
Si la vie semble s’être arrêtée huit ans plus tôt, aujourd’hui, elle reprend ses droits. Au rythme de Milie et des pas qu’elle est capable de faire. Parfois, elle avance à tout petit pas, est obligée de reculer -une scène de sport est à elle seule un condensé de tout ce parcours du combattant, avec tout un panel de sensations qui m’ont saisi de l’intérieur.
Parfois au contraire, elle fait des pas de géant et je me suis réjouie pour elle. Bon je dois l’avouer, mon coeur de midinette s’est serré d’émotion au moment où la jeune femme ose se projeter vers les autres, recolle, peu à peu, des morceaux de sa vie d’avant…
Avant quoi? Là encore, Erin Graham distille, petit à petit, des flashbacks qui, bien sûr, complètent le récit, rajoutent une nouvelle vague de douleur, d’horreur, de terreur. Mais ils sont aussi un énorme atout. Ils permettent de mieux comprendre la position de chacun, non plus au moment du drame, mais aujourd’hui.
Et on touche là, il me semble, le point le plus époustouflant de ce roman.
Je ne suis pas adepte de Dark Romance. Ça tombe bien, ce roman n’en est pas une. Il est bien plus que ça. Bien sûr, il intègre dès son origine un drame, terrible, cataclysmique, de ceux dont on ne se relève jamais vraiment. Quoique.
Souvent, face à un drame ou à tout élément traumatique, on est sensible au « pendant », au dénouement et éventuellement aux retombées immédiates. Mais qu’en est-il un an, deux ans, huit ans après?
J’ai trouvé passionnant de voir que chaque victime réagit à sa façon, à son rythme, en fonction de son tempérament naturel et de l’aide extérieure qu’elle reçoit.
Mais s’il existe un soutien pour les victimes, qu’en est-il pour leurs proches? On n’y pense pour ainsi dire jamais, et pourtant, eux aussi sont lourdement impactés, du moins lorsque les liens sont aussi forts que ceux mis en place dès les premières pages.
La famille a été aux premières loges et la relation dessinée par l’auteure montre tout le soutien qu’on peut en attendre. Le rôle réservé à Aude, qui s’est oubliée pour tout dévouer à sa cadette est parfaitement émouvant, mais finalement d’une certaine logique. Mais il y a les autres. Justin, Vivian, Thomas, Marek.
Comment font-ils face, dans l’immédiateté de l’événement, à l’angoisse et à la culpabilité. Et de quelle façon continuent-ils leur route, après?
Certains auraient pu tourner la page. Mais vu la complicité qui unissait la bande, vu les sentiments naissants de Marek et Milie, ça semble tout bonnement impossible.
Mais il faut deux parties pour une relation. Si l’une d’entre elles fait un pas en avant, l’autre est-elle prête à la recevoir?
Et lorsque tout paraît sur de bons rails, peut-on pour autant pousser un « ouf » de soulagement définitif? Oui bien sûr! Quoique, lorsqu’Erin Graham est à la manoeuvre, mieux vaut s’attendre à tout.
Et autant le dire tout de suite, il ne faut pas compter sur elle pour faciliter la tâche. Dois-je avouer que j’aurais été déçue que tout se déroule sans accroc, que le drame absolu se mue en conte de fées en un instant?
Celles qui connaissent la qualité indéniable de l’auteur pour dépeindre le tourment des coeurs et la force des sentiments ont dû avoir le même ressenti. Et même si j’ai par moment détesté ce que la vie infligeait encore et encore à Milie, je n’aurais rien voulu autrement que cette lutte, toute en accrocs et en apaisements
La personnalité des protagonistes en est tout autant responsable que la qualité de l’intrigue. Milie est une survivante et si elle a parfois besoin d’aide pour avancer, hors de question de se laisser materner! Elle est consciente du mal qu’elle a pu faire, malgré elle, à ses proches. Elle est prête à beaucoup pour reconstruire tout ce qui peut l’être, mais pas à n’importe quel prix!
Elle donnerait tout pour retrouver Marek. Mais quel Marek? Le confident de son adolescence, capable de regarder stoïquement Patrick Demsey pour la centième fois ? Le premier amour qu’elle n’a jamais pu concrétiser, le premier baiser, le premier coeur emballé ? Le charismatique millionnaire capable de tous les excès, juste pour faire renaître un sourire sur son visage? L’homme d’affaires cassant, capable de tout pour se protéger? L’homme un peu excessif, dans son besoin de contrôle comme dans son penchant absolu de la combler?
Pour sa part, Marek n’est pas plus sûr de lui. La culpabilité l’étouffe, les doutes aussi. Dans quel but Milie réapparaît-elle dans sa vie? Qu’est-elle prête à lui donner? À lui reprendre? Comment concilier ce que lui dictent son coeur et sa raison?
Ce roman illustre la difficulté à retrouver quelqu’un lorsque le temps, la distance, les aléas de la vie et le silence ont rempli leur ouvre de démolition. Faut-il espérer reprendre l’histoire comme si elle n’avait pas eu lieu? Doit-on la placer au centre de toute relation? Connaît-on encore celui en face? Nous connaît-il? Est-il encore possible de réaliser les rêves d’antan?
Tous ces dilemmes émaillent le récit de rapprochements d’une intensité sensuelle et émotionnelle à couper le souffle, mais aussi d’accrochages et de volte-face qui m’ont donné des envies de rentrer dans le livre pour secouer ces deux têtes de mules.
Heureusement, il y a de très bons candidats pour prendre ma place!
En effet, la galerie des personnages secondaires, les quadruplés et Aude, mais aussi une assistante aussi malicieuse que bienveillante et un garde du corps attentif et pince sans rire, contribuent grandement à toute la dramaturgie de cette histoire.
Je pourrais vous en dire encore des tonnes.
Je pourrais vous expliquer que je suis admirative de la qualité de la plume d’Erin Graham. De sa faculté à inventer des personnages qui sonnent juste. De son talent pour trouver les mots capables de toucher parfaitement la corde sensible, de transporter l’émotion parfaite. De sa facilité à parler à mon coeur autant qu’à mon esprit. De son don pour me faire passer du rire aux larmes en un instant. Des raisons pour lesquelles, à cause d’elle, je suis allée exposer -pour rire- quelques griefs à mon cher et tendre quant au traitement que, en tant que princesse auto-déclarée, je serais en droit d’attendre.
Mais je crois que je repasse en mode groupie. Et surtout, en relisant cette longue chronique, je me rends compte d’une erreur majeure. En prenant ainsi de votre temps pour vous expliquer pourquoi il faut absolument lire ce livre puissant, addictif, sensuel, passionné, désespéré mais aussi plein d’espoir pour tous ceux qui se pensent au fond des abîmes, je vous empêche d’être, déjà, dans les premières pages. Et ça, c’est un tort!
Alors foncez vite, sans crainte, mais le coeur bien accroché et l’esprit bien ouvert, dans l’univers d’Emilie et des quadruplés. Vous pourriez bien être emportés dans un tourbillon fou d’émotions intenses.