Tainted hearts tome 2 de Jenn Guerrieri

Titre Tainted hearts tome 2

Auteur Jenn Guerrieri

Éditeur Plumes du Web

Date de sortie 27 mai 2021

Un titre à commander ici tainted hearts tome 2 ou sur le site des Plumes du Web

Quelques mois après le coup de cœur pour le volume 1 de Tainted hearts (chronique ici https://melimelodegwen.fr/tainted-hearts-tome-1-de-jenn-guerrieri/) inutile de vous dire à quel point j’attendais la suite de ce roman sombre et passionné, qui m’a souvent privée de souffle et de toute capacité d’anticipation.

Attention avant d’entrer dans cette chronique, il est souhaitable d’avoir lu le premier volume pour éviter d’en apprendre trop.

Pour ce deuxième volet, exit New York, dans un premier temps, pour se perdre à Los Angeles. Rappelez-vous. Avec le forfait de Joy, Ally a été sélectionnée pour être la danseuse du nouveau clip des Chainless.

À elle donc le palace, la découverte des plateaux et une expression artistique bien moins codifiée que ce qu’elle a l’habitude de reproduire des heures durant à l’école Julliard pour atteindre l’excellence et son Graal personnel, l’opéra de Paris.

Ici, on lui demande -et elle y parvient avec une sensibilité et une empathie qui donnent une scène sublime- d’interpréter le ressenti d’I Lost my mind, le nouveau tube des Chainless, une chanson prenante, désespérée et particulièrement inspirée, l’œuvre de Chestanas en personne, Chester Hanson, musicien aussi génial qu’il est un bourreau de haute volée pour Aly.

Là où les frères Miller, jamais avares d’une bonne blague, englobent la jeune femme dans une camaraderie un peu lourde, là où Alden se montre parfait, prévenant, voire carrément charmeur, Chester, lui reste égal à lui-même. Odieux, cassant, provocateur, prêt à tout pour saper le moral de sa Sorcière personnelle.

Mais il n’est pas monolithique. Outre ce que nous apprenons dans les chapitres qui nous entraînent dans les méandres de son esprit torturé et dans son passé chaotique, il se montre aussi surprenant dans sa façon, par moment, de tendre une main à Ally, de la protéger des autres et d’elle-même.

De plus en plus troublée, la jeune femme ne sait néanmoins ce qui relève d’une sensation partagée ou d’un autre élément tordu d’un scénario diabolique pour accomplir la promesse de Chester, la plonger en enfer et la regarder s’y noyer.

Ces hésitations, doublées des volte-faces sanguinaires du chanteur, menacent sérieusement la santé mentale de la belle danseuse.

Qu’importe le soutien sans faille de son inséparable Julian Coles. Qu’importe la camaraderie et l’appui de Joy, une amie en or qui est son principal soutien à l’école, face à la tribu des pestes. Les intrigues secondaires donnent un peu de respiration dans ce récit. Ils l’enrichissent aussi en ouvrant des axes que j’espère bien retrouver encore par la suite. Ils permettent aussi d’oublier, quelques pages, le maelstrom dans lequel se débat Ally, prise dans un piège inextricable.

Là où son esprit sait parfaitement que Chester est néfaste, voire toxique pour elle, il est aussi celui capable de parler à son âme par ses chansons ou les instants où il pose le masque, par des pauses douceurs comme autant de respirations bienvenues. Et que dire de son corps?

Lui est irrépressiblement troublé par les contacts qu’on leur impose et par toutes les collisions impromptues qui font flamber le désir et la colère par ricochet.

Si les chapitres dans la tête d’Ally montrent la façon dont elle est perdue dans les volte-faces de Chester, ceux dans celle du chanteur des Chainless montrent qu’il est extrêmement troublé. Plus d’une fois, j’ai eu envie de lui crier -bon j’avoue, je l’ai fait, mais juste un petit peu, quoi pas plus de dix, vingt bon cinquante fois mais pas plus! de baisser la garde pour donner une chance à Ally, à la vie, mais aussi à sa propre rédemption.

Car, à l’instar d’Alden qui le connait si bien que Chester en a envie de lui casser la figure plus souvent qu’à son heure, il apparaît deux évidences. Tout d’abord, il est en train de sombrer, vite, fort, et sans volonté de rebond, persuadé qu’il ne mérite pas le bonheur. Ensuite, Ally représente sa chance, celle de remonter la pente, celle de retrouver le bonheur et de réapprendre à vivre.

Mais en a-t-il vraiment la volonté ? À voir la façon dont il piétine toutes les étincelles de perfection auxquelles il pourrait prétendre, on peut se le dire.

Pourtant, ce deuxième volume nuance l’image de Chester. C’est lui, d’ailleurs, qui, je trouve, prend l’ascendant sur la narration. D’abord parce qu’on continue à apprendre ce qui a construit l’être cabossé qu’il est. Ensuite parce que, en accédant à ses pensées intimes, on mesure tout l’ampleur de ses abysses personnels. Dans ces conditions, comment lui en vouloir de dresser des herses à chaque fois qu’il se sent trop proche de baisser la garde?

À bien des égards, Ally continue à représenter tout ce qu’il veut exécrer. Pour autant, dans cet opus, quelle attention il a pour elle. À travers des piques et des remarques assassines, bien sûr, -ne pensez tout de même pas qu’il va se transformer en agneau- il tente de l’ouvrir à la femme fabuleuse qu’elle est, dès qu’elle accepte de perdre un peu de son contrôle. Par des actions parfois incompréhensibles, il cherche à prendre soin d’elle, malgré elle, souvent même contre elle. Mais il est là. Un numéro glané, une mise en scène programmée, une veste oubliée, autant de petits gestes qui montrent qu’il y a un cœur qui bat, certainement mal mais trop fort sous cette carapace d’assurance et de glace.

J’ai aimé ce tome par les petits pas que chacun fait vers l’autre.

J’ai adoré l’ambiguïté de la relation entre eux: des joutes verbales et des regards qui se verrouillent, des majeurs dressés bien droits mais des corps qui se frôlent; des déclarations faites comme par erreur et d’un coup, la grande claque qui revient.

J’ai eu le cœur serré à chacun de ses bonds en arrière. En effet, ils ne sont pas des simples hésitations. Quand Chester recule, c’est comme un taureau qui cherche à  défoncer son enclos. Son arme à lui, ce sont les mots, les points de failles qu’il ressent, qu’il devine et sur lesquels il n’hésite pas à verser du gros sel et un peu d’acide.

J’ai eu envie de les secouer tour à tour. Ally lorsqu’elle décide que cette fois, c’est trop et qu’elle ne peut plus rien donner de son cœur qui s’émiette. Je comprends son ressenti, il a généré une très forte empathie chez moi, mais la midinette qui squatte mon cœur a envie de lui hurler d’y croire encore un peu.

Chester quand il est odieux, mais surtout Chester quand il s’oublie, quand il refuse d’admettre qu’il est un homme tout en fêlures mais avec aussi beaucoup à apporter. Quand il refuse de s’accorder le bonheur parce qu’il a peur qu’il lui échappe. Quand il préfère se faire détester que de lever le voile sur ses fragilités et les côtés dont il a honte.

Et que dire de ce final? Rien, bien sûr, ne comptez pas sur moi pour vous dévoiler les secrets de la sorcière et de Chestanas, ni sur les perspectives qui s’ouvrent à eux. Une chose est sûre, il m’a donné une furieuse envie de guetter le prochain volet pour lancer la prochaine playlist de cet opéra rock, harmonieux et heurté, sombre et lumineux, signé de Jenn Guerrieri qui confirme sa capacité à me malmener et à me faire adorer ça!

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