Solveig de Matthieu Biasotto

Titre Solveig

Auteur Matthieu Biasotto

Date de sortie 25 février 2022

Un titre à commander ici Solveig

 

Il y a quatre ans, Solveig Holm, photographe réputé d’Anchorage, a été condamné pour homicide involontaire sur Savanah Cayle, starlette locale et fille du gouverneur.

Depuis ce jour, le matricule 1610 n’a pas dit un mot, gagnant le surnom de la Tombe. Emprisonné dans le secteur des combinaisons jaunes, les longues peines, il attend que passent les six ans de sa peine, du moins si les Numbers, gang puissant dans et hors les murs de Spring Creek, la prison locale, le laissent en vie jusqu’à la fin de sa peine. Et autant le dire tout de suite, ce n’est pas gagné.

Mais lorsque Kyle Gummer, son avocat et ami, lui offre une solution de sortie par le biais d’une libération anticipée, Solveig se trouve confronté au plus vif des dangers, l’espoir. Il rencontre aussi la pire des tentations, la psychiatre chargée de son évolution psychologique.

Sixtine Slater est une professionnelle à la notoriété bien établie, en témoignent ses 40 000 followers sur les réseaux.

Elle est spécialisée en identité numérique, dans laquelle elle passe une large partie de sa vie. Pour autant, elle prend très au sérieux son travail en milieu pénitentiaire. Elle a la réputation de ne pas aller facilement dans le sens des détenus, préférant éviter le risque de laisser dans la nature un individu trop blessé, trop fragile, une bombe à retardement qui pourrait exploser à tout moment.

Peu de chances donc qu’entre la Tombe et l’Incorruptible, le courant passe.

C’est pourtant l’histoire d’une rencontre et d’une confrontation que nous narre Matthieu Biasotto dans ce nouveau roman, dépaysant et haletant.

Les deux personnages vont devoir sortir de leur zone de confort.

Lui qui n’avait jamais envisagé sérieusement de sortir va devoir y mettre du sien, non pas pour lui, mais pour protéger ceux qui lui sont chers. Que le tout puissant Gouverneur Cayle lui fasse payer la mort de sa fille, passe encore. Que cette vendetta mette les siens en danger, c’est au-delà de ce que Solveig peut accepter. Mais comment faire autrement que se résoudre à la dangerosité glauque de la prison, entre gangs et gardiens peu attentifs?

Au-delà de son avocat et ami, par-delà même la complicité du gardien Davis, enclin à l’aider en échange de monnaie sonnante et trébuchante, Solveig n’a pas d’autre choix que de faire confiance à Sixtine.

Pour ce faire, il doit la laisser entrer dans sa tête. Et ce n’est pas un mince défi.  En effet, ouvrir la moindre porte, c’est remettre en cause tellement de choses. Alors le faire avec une parfaite inconnue, c’est une démarche pour le moins hardie. Pourtant, il existe une inexplicable connexion entre la psy et le prisonnier, une connivence imprévue et interdite, un de ces imprévus qui pourrait tout changer, pour le meilleur ou pour le pire.

J’ai été happée par ce roman pour plusieurs raisons.

Tout d’abord j’en ai aimé le cadre. Je continue mon tour du monde avec Matthieu Biasotto. Direction le grand Nord américain en Alaska. J’ai pris un plaisir énorme à découvrir, à travers sa plume toujours aussi puissante en description, les paysages d’Anchorage mais surtout des régions plus sauvages. En attendant de continuer à compléter mon carnet de voyages!

Ensuite, j’ai été très sensible à un autre aspect du cadre, la prison. Si elle limite souvent les paysages et les situations, elle représente aussi un véritable atout pour l’intensité de l’histoire. Le temps ne s’écoule pas selon la même logique ni les mêmes contraintes d’un côté à l’autre des miradors.

La prison n’est pas censée être un cadre idyllique, nous en sommes d’accord. Sous la plume mordante du sieur Biasotto, elle devient un espace glauque, régi par ses codes et ses caïds, un espace de crainte et de danger, une antichambre du désespoir.

Tout ce qui vient en perturber la routine, visites ou autres est à la fois une distraction salutaire et un moment difficile. En effet, il ouvre une fenêtre sur autre chose, sur la vie en dehors, sur des perspectives très éloignées de l’univers carcéral et il est d’autant plus complexe d’y retourner.

Ensuite, j’ai été séduite par les personnages. J’ai notamment eu un coup de cœur pour Octav, un personnage dont je ne vous dirai pas grand chose malheureusement. Il faudra le découvrir par vous-mêmes et comprendre toutes les raisons pour lesquelles je l’ai autant aimé, tout autant que Cathy.

Comme souvent, les personnages secondaires, à commencer par Izia et Ramy ont une place dans l’intrigue qui ne correspond pas à leur présence en nombre de mots. Pourtant, ils pèsent d’un poids conséquent sur l’histoire avec toujours ce souci de la construction qui rend tout si parfaitement logique.

J’ai beaucoup aimé les « lieutenants » Doreen et Kyle, amis fidèles et sincères, soutiens indéfectibles qui prennent bien sûr le parti de leur ami(e) mais agissent aussi comme des contrepoints indispensables.

Mais cette histoire est d’abord et surtout celle de Sixtine et de Solveig.

Honneur aux dames! J’ai été séduite par le caractère résolument moderne de la psychiatre. Son caractère hyper connectée la rapproche des personnages du dehors, même si j’ai trouvé parfois qu’elle faisait preuve d’une forme de naïveté ou d’angélisme en théorisant mal toute la violence générée par la surexposition. Elle m’a surtout touchée par le déséquilibre qui est le sien entre la prudence -voire la méfiance- que le passé lui a inculqué de force et l’évidence avec laquelle elle baisse sa garde face à Solveig, tout en gardant en tête la possibilité que, malgré tout …

Solveig, pour ma part, m’a fait craquer parce qu’il est complexe. En prison, il n’attend rien de positif et semble résigné à son sort, du moment que les siens soient en sûreté. L’arrivée de Sixtine déséquilibre son rapport à l’avenir. Elle ouvre des perspectives plus souriantes mais dans le même temps, lui fait craindre ce qu’il peut finalement perdre.

Trouver réellement la personne que je suis au fond pour devenir la personne que je souhaiterais être.

Cette idée germe dans l’esprit de Solveig et lui donne un horizon très décalé de la monotonie de la cellule.

Solveig est également un personnage marqué par un fort syndrome de l’imposteur. Englué dans la certitude que personne ne peut vraiment l’aimer, il n’en est que plus enclin au doute et à la méfiance, à plus forte raison vu les quatre années qui viennent de passer. Aussi l’attention de Sixtine, leur complicité, tout ce qui semble si beau devient facilement trop beau pour son esprit inquiet qui retrouve tous ses vieux réflexes, le silence et le rejet.

Mais Solveig est surtout un homme à la priorité indiscutable: la sécurité des siens. Pour atteindre ce but, il est prêt à tout et ne connaît guère de limites. Trop peu en tout cas pour un esprit raisonnable et analytique comme celui de Sixtine qui est, elle aussi, quoi qu’elle en pense, sur la réserve.

Un autre élément qui m’a fait adhérer à ce roman, le rythme slowburn de la romance. Le cadre le rend logique et obligatoire, mais j’ai aimé toute la tension dont il marque le roman.

J’en ai également aimé les thèmes abordés, en particulier celui de l’image. Je ne parle même pas de la maestria avec laquelle, une nouvelle fois, Matthieu Biasotto dépeint les paysages, réels ou sublimés par les yeux de l’artiste qui a souvent tendance à « fixer » les moments marquants, avec ou sans objectif dans les mains.

Non, c’est aussi l’image virtuelle, celle du monde numérique, qui m’a touchée. On la voit à différents moments dont je ne peux vous parler pour ne pas vous en dire trop, l’implication dans le Metaverse, selon la thèse de Sixtine, est à la fois une résultante de notre vie contemporaine, mais aussi un danger. La psychiatre est d’avis de s’en servir pour domestiquer son image et apprivoiser une réalité de fait. Les événements ne lui donnent pas forcément raison. De badbuzz en vidéo virales, de cyberharcèlement en dérapages incontrôlés, ce roman insiste, en contradiction avec la professionnelle, sur tous les aspects négatifs de l’hyper exposition, même pour ceux qui pensent la dominer.

C’est un élément très intéressant que j’ai beaucoup aimé suivre en filigrane dans l’histoire.

Enfin, s’il fallait encore un élément pour compléter mon compte rendu des plus positifs, il prendrait sa source dans le nœud de l’intrigue. Là encore, silence absolu. Mais j’ai aimé me souvenir que dans l’écriture de Matthieu Biasotto, le polar n’est jamais loin, pas plus que les indices semés çà et là et qui ne font sens qu’au final. Et quel final!

Vous l’aurez compris, par son cadre, sa thématique et son casting, ce roman est un nouveau coup de cœur pour moi. Et comptez sur moi, ma liseuse et mon appareil photo sont déjà prêts pour mon prochain voyage en terre Biasottienne!

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