Titre Metronomy
Auteur Charlie L
Date de sortie 3 juin 2020
Un titre à commander ici Metronomy
La vie est faite de hasard, de coups du sort et de coups de pouce du destin, de belles coïncidences et d’affreux calculs.
Pour Rebecka Lind, c’est un peu tout ça en même temps. Jeune violoniste brillante, compositrice inspirée, tout semblait lui sourire dans la vie: une famille aimante, des études épanouissantes, un déménagement de Suède vers la France.
Pourtant, la vie de Rebecka, aujourd’hui, c’est le couloir du métro où, son inséparable violon à la main, elle tente de réunir de quoi assurer sa survie. La logique est simple. Jouer pour vivre. Jouer parce que sans musique elle meurt. Jouer parce que sans les quelques pièces que lui rapporte ses récitals, elle ne pourrait pas se payer le taudis qui lui sert de toit, semaine après semaine.
Et ce ne sont pas les coups de pouce de Myriam au grand coeur ou d’un boulanger ému de sa situation qui changeront cette existence précaire.
Jusqu’au jour où, ….
Jusqu’au jour où, presque trop beau pour être vrai, George Delavelle, l’inconnu qui l’écoute depuis plusieurs jours vient lui proposer la chance de sa vie. Une opportunité presque trop belle pour être vraie.
Intégrer l’un des groupes les plus en vue du moment, les From North to South pour collaborer à leur deuxième album.
Pressée par la situation et décidée à saisir ce qui, peut-être sera sa planche de salut, Rebecka accepte le deal, sans se douter qu’elle met les pieds dans un sacré guêpier.
Les quatre membres du groupe sont des divas. Des gamins gâtés qui ont perdu de vue l’essentiel, la musique, pour ne plus voir que leurs excès. Trop de notoriété, trop de fêtes, trop d’alcool, trop de filles.
Bref, en dépit de leurs fans aussi nombreuses qu’hystériques, les FNTS sont en train de se perdre. Et George compte sur Rebecka pour leur redonner le sens de la musique et des valeurs. Tout un programme.
Trop lourd pour les frêles épaules de la jeune femme bien abimée par la vie? Peut-être. Quoique.
Côté musique, elle va, presque malgré eux, montrer aux quatre divas ce qu’elle a à leur apporter, opposant son talent à leur animosité. Grâce à l’arrangeuse de son, Elsa, elle découvre les dessous du métier et tout son potentiel. Elle apprend aussi à poser un peu sa méfiance et à accepter que certains méritent son affection. Parce que côté humanité, le roman entretient une ambiance délétère pendant une bonne partie du récit.
Passe encore Sanders, le bassiste. Pendant une grande partie de l’histoire, il apparaît peu, ombre transparente de son leader Alan. Et c’est de celui-ci, chanteur inspiré mais véritable enfoiré au quotidien que vient l’essentiel de la tension.
Dès le départ, il oppose une attitude mêlant machisme primaire à arrogance détestable, harcèlement sexuel à l’intimidation. Bref, un vrai prince charmant version cauchemardesque!
Le pire, il a une influence indéniable sur ses collègues. Stan, le guitariste, lui mange dans la main, malgré l’attrait qu’il éprouve pour la nouvelle venue. Seul Kaï, le batteur semble avoir un peu plus le sens des responsabilités.
Il occupe un étage à part dans l’hôtel particulier que les garçons se sont offerts, entre moins dans le jeu des orgies. Surtout, il est bien plus sensible au talent de la jolie violoniste et à sa petite personne.
Entre faux semblants et vrais sentiments, entre l’image à contrôler et la vérité de la vie, commence pour Rebecka une symphonie exaltante, parfois pathétique, parfois héroïque, mais toujours puissante.
Ce roman se lit d’une traite -bon j’avoue, j’y ai passé une bonne partie de la nuit sans pouvoir m’arrêter- parce qu’il est très riche.
La partie liée à la musique, qui me passionne particulièrement, est bien maîtrisée, notamment pour ces coulisses qu’on voit assez peu souvent, avec les pannes de composition et les petits génies de l’ombre. Elle est aussi une source de lumière.
Pour Rebecka parce qu’elle a longtemps été sa seule lumière dans les ténèbres. Pour les garçons parce que les voir derrière leurs instruments rétablit une bonne dose d’espoir. En dépit de leurs sales travers, ils n’ont pas perdu le feu sacré, juste égaré entre deux bouteilles et trois filles.
Mais j’ai surtout aimé tout le lien humain mis en valeur dans ce roman. Si l’aspect confinant au harcèlement m’a fait serrer les points et est rendu avec justesse, j’ai été très sensible à la façon dont l’auteure s’est penchée sur la précarité. J’ai eu le cœur serré à plusieurs reprises. Sans complaisance, Charlie L montre avec une pudeur qui fait sa force, la rapidité de la dégringolade et le souci constant pour la survie, quand être chargé d’apporter les viennoiseries du matin peut mettre en équilibre tout un système fait de rafistolages et de débrouille.
S’y ajoute une forme de honte qui m’a touchée autant que révoltée. En traitant ce thème que j’ai rarement croisé dans mes lectures, Charlie L démontre une belle empathie qui se retrouve tout au long de son écriture.
Elle la développe à plusieurs moments clefs que je ne peux pas vous dévoiler pour ne pas vous en dire trop.
Je me bornerai juste à vous dire que je suis tombée sous le charme du personnage d’Elsa. De prime abord légère et inconséquente en dehors de son travail qu’elle exerce avec minutie, j’ai beaucoup aimé la découvrir comme une amie et même plus que ça, comme l’une de ces sœurs de cœur que le destin nous alloue parfois.
À l’opposé, j’avoue que j’ai eu du mal avec le personnage de George. La partie Bisounours en moi n’oublie pas qu’il a offert à Rebecka l’opportunité unique d’échapper au sale marchand de soleil et aux périls de la rue, qu’il a accédé à nombre de ses demandes. La partie plus pessimiste quant à la nature humaine ne digère pas la cause des dernières tractations que lui impose la jeune femme. Et dans ces moments-là, je l’ai cordialement détesté!
Idem pour Alan. Je lui ai souhaité à plus d’une reprise de se mordre la langue pour s’empoisonner avec son venin ou autres châtiments divins pour se montrer aussi vil et oppressant avec la nouvelle recrue. Et puis le talent de l’auteur m’a donné des clefs dont je ne disposais pas. Et surtout, elle a doté son héroïne d’un caractère résilient -indispensable vu son parcours- et d’une langue acérée que j’ai particulièrement appréciée.
Stan est le personnage qui a éveillé en moi les sentiments les plus ambivalents. Comme son comparse Alan, je lui en ai voulu. Beaucoup. Et j’ai suivi avec délectation la revanche qui allait lui tomber dessus. Mais il a en même temps quelque chose de touchant du gamin pas mauvais dans le fond, mais qui se perd en route. Autant dire que je lui accorde le bénéfice du doute, en attendant, j’espère, de voir ce que Charlie L lui réserve pour la suite.
Je n’ai pas parlé de Kaï, vous dites vous? Oui, je sais. Parce qu’il y a tellement à en dire, …. et tellement à en taire pour ne pas en dire trop. Alors je dirais juste que j’ai aimé Kaï pour tout ce qui le différencie des autres membres du groupe. Son implication professionnelle, son attention aux autres, son sens des réalités un peu plus grand. Et que je suis tombée un tout petit peu amoureuse de lui pour ses faiblesses et sa pugnacité.
Et je ne vous en dirai pas davantage, parce que, pour pleinement goûter Kaï, Rebecka, Alan, Elsa et tous les autres, il faut, si ce n’est pas encore fait, se ruer sur Metronomy, en attendant de découvrir la suite des aventures des From North to South.
Ce tome est indépendant, il a une fin bien clairement définie, mais il ouvre des perspectives qui me font déjà frémir d’impatience, comme lorsqu’on attend que le rideau se lève sur le plus beau des concerts!