Titre Deaken
Auteur Matthieu Biasotto
Date de sortie 24 juillet 2020
Un titre à commander en cliquant ici: Deaken de Matthieu Biasotto
Bienvenue dans une déferlante émotionnelle, dans l’OLNC (Objet Lu Non Classable) de ces dernières semaines, voire de ces derniers mois!
Bienvenue dans l’univers de Deaken, un roman au goût d’embruns et de cendres, de Pavlova et de secrets.
Et oui, enfin, j’ai lu le nouveau Matthieu Biasotto!
Il y a une sorte d’histoire de ratés entre sa plume et moi. Ses sorties, très régulières et de style varié, attirent régulièrement mon attention, tant les couvertures sont accrocheuses, les résumés alléchants et les retours enthousiastes.
Plusieurs d’entre elles sont d’ailleurs dans ma PAL. Et puis, pour plein de mauvaises raisons, la pire étant le temps non extensible, je n’ai pas l’occasion de les en exhumer.
Pour éviter ce risque, j’ai pris le taureau par les cornes, ou plutôt le koala par les griffes et j’ai éparpillé mon planning de lecture pour plonger dans ce roman atypique.
Imaginez plutôt! Quelques mois après les incendies qui ont décimé l’Australie, June Stubborn tente de remettre de l’ordre dans sa vie.
Jeune femme au look atypique et au caractère bien trempé, vétérinaire investie dans le Refuge pour animaux sauvages qu’elle tente de sauver avec l’aide de Buddy, son grand-père de coeur et de Bianca, sa meilleure amie, elle tente de mener de front tous ses combats, y compris ceux à mener contre l’absence et la trahison.
Mais alors qu’elle rentre chez elle, d’une virée au pays des souvenirs douloureux, elle tombe sur le Mâle tout droit sorti des rêves des surfers de l’hémisphère Sud, une merveille de la nature qui prépare même le petit déj, un Adonis aux yeux couleur de menthe fraîche, Deaken Corton, l’homme de sa vie.
Papillons dans le ventre, petits oiseaux dans le ciel et coeur avec les doigts? Pas exactement, car il y a un très léger souci. June est face à un étranger. Il a beau faire partie de sa vie depuis un an, tout savoir d’elle, connaître tous ses proches et être du genre qu’on oublie pas au premier regard, rien, niente, nada, oualou. Il ne lui évoque rien.
Rien? Ou plutôt des sentiments contradictoires et violents allant du rejet musclé à la crainte de perdre la tête en passant par la méfiance et ce petit quelque chose en plus que lui évoque le beau surfeur.
Vous voyez le topo? Vous le pensez vraiment? Et bien oubliez tout ce que vous pensez avoir compris et laissez vous rouler en tous sens comme dans la pire déferlante d’un spot australien, mais sans combinaison pour absorber les chocs, sans wax pour faire glisser plus facilement les événements, et surtout sans leash pour retenir sa planche quand tout part en vrille.
Car oui, Deaken est surfeur. Ancien professionnel, reconverti par la force des choses en secouriste (visualisez un alerte à Malibu en beaucoup plus sexy, sans Pamela, à Woonona Beach et vous aurez un aperçu).
Mais il est beaucoup plus qu’un simple physique. Il est aussi un homme solide, prêt à tout pour protéger ceux qu’il aime, à commencer par sa jumelle Sienna et sa fille Ava. Les scènes avec cette dernière sont des bonbons de douceur et d’amour pur, quant à sa relation avec sa jumelle, elle est fusionnelle et touchante. C’est un homme plein d’empathie et, on le découvre dans les passages où il a la parole, un cœur sensible pris dans un dilemme insoluble.
En effet, ce roman pourrait être une romance puissante et passionnée qui se construit par touches. Il l’est, d’une certaine façon.
Il pourrait être un roman sur la reconstruction, à la fois des personnages touchés par des événements traumatisants et d’une nature, d’une communauté, durement éprouvée par les éléments. Il l’est. Le parallèle est, à mon sens, très bien trouvé. Et si en plus le climat particulier de l’Australie a une place particulièrement habile dans l’intrigue, on ne peut qu’applaudir.
Mais Deaken est aussi un roman qui a mis mon intuition, ma réflexion et ma patience à rude épreuve.
À travers des allers retours nombreux dans le temps et entre les personnages -histoire de brouiller un peu les pistes, des fois que le schéma d’origine serait trop clair ☺- Matthieu Biasotto dévoile une intrigue complexe que je n’ai pas vue arriver.
On y croise un détestable agent de l’immigration et une mystérieuse rousse en tailleur impeccable qui, du haut de son rutilant SUV semble faire la pluie et le beau temps dans la vie de Deaken.
Ils lui imposent surtout un marché dont on ne sait rien au départ, mais dont on soupçonne le pire.
Et voilà le lecteur parti dans un jeu de pistes à vriller les nerfs et le cœur. Car il est question de sentiments dans ce roman, à toutes les pages ou presque. Ils suintent de chaque confrontation, de chaque recul et l’auteur réussit un véritable tour de force en dosant parfaitement tous les éléments qui composent un coup de cœur.
Il y a une alchimie physique indéniable. Elle est tantôt subtile tantôt volcanique et explose dans des sommets de sensualité.
Il y a aussi la collision de sentiments contradictoires. La méfiance qui transforme June en enquêtrice du dimanche. La crainte aussi. Pas tant par rapport à Deaken qui éveille, de façon assez inexplicable, un sentiment de bien-être, comme un baume apaisant. C’est surtout la peur du désordre mental qui transparaît ici avec talent.
Mais on trouve aussi toute la subtile avancée sur le chemin des premières fois, de la découverte de l’autre avec un point de vue volontairement déstabilisant. Quand June embrasse pour la première fois Deaken et qu’elle en découvre des sensations fortes, cette « découverte » est-elle liée à une inexplicable amnésie? Au fait que leur histoire recommence, mieux, plus belle, plus accomplie? Ou y a-t-il une autre explication bien moins nette?
Vous l’aurez compris, c’est un roman délicieusement dangereux pour vos nerfs et votre équilibre que vous propose Matthieu Biasotto.
Et j’ai adoré le laisser ainsi aux commandes et me laisser porter par les éléments et les revirements.
Pourquoi?
Parce que les personnages sont forts. Ils sont fêlés, ébréchés, incomplets, imparfaits et que l’alliance de ces deux imperfections tire vers du sublime.
Parce que j’ai adoré suivre le cheminement de leurs pensées, en particulier pour June, écartelée entre méfiance et remords, entre envie de lâcher prise et peur de reproduire les erreurs que lui a infligées son détestable ex, Phil.
Parce que, en plus d’être un régal pour les yeux, Deaken est un personnage haut en couleurs, un roc au genou d’argile que j’ai aimé voir trébucher et se raccrocher à tout ce qu’il pouvait.
Parce que l’intrigue est un petit bijou parfaitement maîtrisé.
Parce que j’ai été très sensible à la façon d’intégrer dans le roman ce moment de dévastation qu’ont été les incendies australiens et d’en tirer, malgré tout, un motif d’espérer.
Parce que l’auteur a d’excellents goûts musicaux et qu’il propose sa playlist, au début du roman, mais aussi à chaque chapitre et que j’adore lire en musique.
Parce que ce roman est comme une Pavlova.Et pas seulement parce que c’est le dessert que revendiquent farouchement Australiens et Néo-zélandais. Non, c’est l’alliance des saveurs. L’acide piquant des premières confrontations entre June et Deaken. Le crémeux réconfortant des moments de tendresse et d’échanges, des instants en famille, de toutes les pauses douceurs qui font du bien au palpitant et à l’âme. La dureté pourtant si friable de la réalité sur laquelle surfe Deaken.
Mais surtout parce que c’est un incroyablement bon dessert auquel il est difficile de résister. À l’image de ce roman que je ne saurais trop vous recommander!