Blue Belle et les larmes empoisonnées d’Océane Ghanem

Titre Blue Belle et les larmes empoisonnées

Auteur Océane Ghanem

Éditeur Les plumes du Web

Date de sortie 25 septembre 2017

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Je ne suis pas familière des lectures communes. Mon rythme de lecture est souvent à contre-courant et mes impératifs sont rarement synchrones.

Mais depuis quelques mois, je ne rate pas une sortie des Éditions Plumes du Web, un maison dont j’aime les titres, les auteurs et la direction. Autant dire que lorsque les auteures estampillées Plumes du Web ont initié cette lecture commune sur un titre qui me faisait de l’oeil depuis longtemps, j’ai foncé. Ou presque. J’ai entamé la lecture le jour où la LC s’achevait. Il y a déjà du progrès. Et autant le dire tout de suite, j’ai dévoré ce titre avec une telle boulimie que j’aurais presque pu le finir dans les délais.

Fans de la fantasy, des anges, des démons et de toutes les créatures surnaturelles, de belle écriture et d’histoire prenante, vous avez trouvé votre prochain coup de coeur.

Pour ma part, je me suis noyée dans le regard facetté de diamant de Blue, une créature aussi fascinante qu’inquiétante.
Elle appartient à l’univers des Néphilims, ces créatures nées de l’union d’un ange et d’un mortel ou d’un autre Néphilim. C’est une catégorie mal considérée par les Anges, qui se pensent supérieurs à ces hybrides et se méfient de leurs pouvoirs et de leur cruauté. Il faut dire qu’ils ont de quoi, mais chut.

Blue appartient donc à cette race crainte et honnie, mais elle y est également considérée comme une intruse voire une aberration. Si elle entend des voix si puissantes qu’elles menacent sa santé mentale, elle ne développe pas les pouvoirs de sa caste. Pire, elle n’est même pas capable de déployer ses ailes et seule l’affection de Sage, le directeur de l’orphelinat qui l’a élevée lui a permis de survivre à la haine des siens. Lui et ses deux inséparables, Black, et Red. Eux aussi sont des rejetés de leur espèce, en dépit de leurs pouvoirs immenses, du fait de leur particularité.

J’ai particulièrement aimé cette histoire fondée sur les « rebuts », les anormaux, les mal considérés, bref les marginaux de tout crin. Parce que si Blue, rejetée des siens est traquée par des vampires et des aspics guidés par l’effrayant et sinistre Gift, elle atterrit dans le refuge d’un autre personnage traqué, auprès d’autres bannis.

Pourtant Lysander, l’ange chez qui elle échoue, a tout pour lui. Il est beau comme un ange (oui, comme un Dieu, mais en mieux), est un guerrier redoutable et, détail un peu gênant, tueur de Néphilims. Il est surtout le prince héritier du royaume des anges. Et pourtant, il se cache avec deux bannis, Astreed la guérisseuse et Joul le guerrier, son amour interdit.

Si ce roman fait intervenir toute une galerie de personnages et d’espèces, à la fois interdépendantes et pleines de haine, on ne s’y perd pas un instant. On reste essentiellement attachés aux ailes couleur améthyste de Lysander et à la chevelure bleu de Blue, parce que c’est avant tout leur histoire. Mais on croise aussi des créatures tantôt attachantes, tantôt inquiétantes, mais toutes plus complexes qu’il n’y paraît de prime abord.

Et c’est ce que j’ai adoré dans le premier volet de cette saga. On ne peut qu’oublier les idées reçues. Quoique. Les aspics sont décidément répugnants. Mais oubliez les gentils anges et les vampires charmeurs à la Twilight!

La communauté angélique est sclérosée par un roi cruel, qui impose des règles et des contraintes et n’hésite pas à se maintenir par la terreur et le meurtre, dans la crainte d’une prophétie équivoque. Difficile dans ce cas d’envier le paradis qui d’un coup ne me semble plus si attractif.

Ce que j’ai aimé dans ce roman, ce sont ces nuances où les bons ne sont pas si irréprochables, et les méchants peut-être un peu bons sur les bords. Il en résulte une sorte de paranoïa qui m’a tenue en haleine tout au long de ma lecture.

Pour autant, les valeurs véhiculées peuvent être très belles. Astreed, Joul ou Sage sont pour moi des héros par leur sens du dévouement et de la responsabilité.

J’ai aussi été soufflée par l’atmosphère électrique d’une tension sexuelle omniprésente. Cet aspect a désarçonné certaines lectrices. J’avoue au contraire que j’ai été très sensible à l’équilibre ténu que l’auteure maintient avec brio à grand renfort de cas de conscience et de volte-faces explosives.

Parce que les personnalités des protagonistes forment un vrai plus dans cette histoire, en particulier entre Lysander et Blue. Ils s’attirent autant qu’ils se révulsent, se provoquent, se désirent et se détestent. Leurs joutes verbales et la difficulté de dépasser leurs préjugés rythme tout ce récit parfaitement écrit, dans un langage soutenu et imagé.

J’ai été touchée aussi par le regard de l’auteure sur la différence et la difficulté de vaincre les a priori. Lys a été élevé dans la haine des Néphilims et pourtant, il va devoir leur confier ce qu’il a de plus précieux. Blue n’a confiance en personne et pourtant, elle va devoir se livrer. L’enfance de Blue et Red et même la façon dont on les traite, une fois adultes, m’a serré le coeur. J’y ai vu des relents de harcèlement scolaire, d’ostracisme social, de mauvaise réputation et de tout ce qui pourrit la vie de ceux qui ne sont pas dans la norme, mais auxquels parfois, on s’acoquine lors des Convocations où les Néphilims deviennent les jouets des Anges. Objet de plaisir mais de répugnance, le lien malsain m’a touchée. Dans cette catégorie, mention spéciale pour Red, que j’espère découvrir plus encore dans le prochain tome.

J’admets aussi que j’ai été particulièrement touchée par les personnalités cabossées des héros. J’ai même hésité à employer ce mot. Mais il convient parfaitement. Parce que le héros, ce n’est pas nécessairement le plus grand, le plus beau, le plus fort, mais celui capable de prendre les décisions absolues, quelles qu’en soient les conséquences. Et comment ne pas penser à Joul, brisé mais résilient, dévoué jusqu’à l’extrême pour ceux qu’il aime.

Et puis, il y a Blue. Enivrante, touchante, agaçante, perturbante. L’auteure a sur rendre sensible tout ce qui la frappe, la percute. Et j’ai marché à fond. J’ai souffert avec elle dans les moments les plus critiques (tout en abreuvant l’auteure de vilains mots que je regrette).

Mais surtout, il y a Blue et Lys, et tous les secrets qui les entourent encore. Je ne m’attarde pas sur Lys, fantasme sur pattes, sans quoi je repartirais pour une heure ou deux de soupirs enamourés, et d’envie violente de claques pour punir son sale caractère. Mais revenons à Blue et Lys. Par un coup du sort, par-delà la connexion improbable et absolue entre eux, leurs destins sont inexorablement liés et l’on sent qu’Océane Ghanem a encore gardé dans son chapeau un certain nombre de vilains tours que j’ai particulièrement hâte de découvrir.

Pour résumer. Si vous rêvez d’une fantasy originale, qui sort des sentiers battus et interroge sur les préjugés, le regard des autres et la survie en milieu hostile, une histoire sensuelle et addictive, foncez sur ce premier tome. Et assurez-vous que vous avez sous la main les tomes suivants pour enchaîner. Conseil d’amie.

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