Titre Bien plus forte que toi
Auteur Emma Green
Éditeur Éditions Addictives
Date de sortie 24 Novembre 2020
Un titre à commander ici Bien plus forte que toi
Si vous aussi vous aimez les héroïnes un peu « trop » ou « pas assez », attendez vous à être secouées dans le nouvel Emma Green.
Vous êtes plutôt adeptes des comédies piquantes avec des personnages qui parlent fort ou bâtissent des murailles de glace pour ne surtout pas montrer leurs faiblesses? Venez aussi avec nous!
Votre truc, c’est de passer du fou-rire d’une improbable prise de bec dans un avion à une séance de piscine à affoler toutes vos hormones avant d’essuyer une toute petite larmounette de rien du tout? Même adresse!
Vous avez surtout envie d’une romance piquante, pétillante, mais qui fait passer un message ô combien salutaire d’acceptation de soi et des autres, de refus de s’écraser, alors vous êtes définitivement à la bonne adresse!
Il y a tout ça dans le nouvel opus des Emma Green, et même plus.
Dans un style pétillant et enlevé, vous partirez à la découverte de Willa Larsson, un mannequin plus size et de Rio Delacroix, un avocat inflexible et tout ce qu’il y a de plus agaçant.
Les voilà forcés de collaborer pour préserver leurs carrières.
Accrochez vous bien à vos liseuses, frissons et papillons dans le ventre assurés.
Il y a un an et demi, nous avions poussé la porte de Strange & Strong, l’agence de mannequins hors cadre créée par Wolf Larsson et son meilleur ami Matthias, pour celui-ci tout autant que pour sa soeur Willa (pour se remettre en mémoire PS: Oublie moi, c’est par ici PS; oublie moi).
Déjà, Willa, l’extravagante, pétillante et grande gueule égérie de Strange & Strong avait retenu mon attention.
Pour sa capacité à dire tout ce qu’elle pense? (et elle pense beaucoup!) Pour sa façon de porter avec assurance ces kilos que le regard formaté trouve superflus et de les afficher comme une force, comme le « un peu plus » de Willa sous forme de cadeau bonus? Ou pour l’insoupçonnable fêlure qu’on ressentait déjà.
Un peu de tout ça sans doute. Mais en tous cas, j’avais très envie de la retrouver. C’est chose faite, dans un aéroport new yorkais coincé par une tempête de neige.
Willa vient de signer pour tenir un rôle majeur dans Queen of the dust, une série qui se veut résolument novatrice, féministe, protectrice de la diversité. Bref, tout ce qui devrait permettre à la jeune femme de s’épanouir. Quoique.
On peut être à la tête d’une série qui prône l’égalité et le respect, on n’en reste pas moins enfermé dans le carcan de l’image et de la réputation. Tout ce qui gêne Willa aux entournures aussi sûrement qu’une gaine en 36!
D’emblée, le décor est posé. Aux yeux de beaucoup, Willa est « trop ». Trop ronde, trop extravagante avec un pull poussin et un bonnet à pompons. Elle parle trop, trop fort, s’oppose avec trop de véhémence aux préjugés et aux attaques gratuites. Elle est « trop » et pourtant elle est aussi tellement « pas assez ». Pas assez sûre d’elle, au final, pour affronter les regards dédaigneux et gratuitement méchants. Pas assez diplomate pour éviter de rentrer dans le tas dès qu’une situation la débecte. Pas assez raisonnable pour éviter de se mettre dans de sales draps.
Mais elle est aussi Tellement! Tellement généreuse, dans son affection parfois maladroite pour ceux qu’elle aime, qu’il s’agisse de Judith, sa tante toujours aussi fragile et déjantée, ou de Bulle, sa meilleure amie-catastrophe ambulante qu’elle est toujours prête à aider parce que la vie sans elle, c’est moins drôle.
Tellement investie dans une quête universelle et sans fin: l’acceptation de soi et des autres, la lutte du respect dû à tout être humain. Rond, petit, handicapé, subordonné subissant un harcèlement sexuel en règle, rien ne l’arrête, aucun combat n’est de trop pour elle. Quel qu’en soit le prix.
Et je l’ai aimée pour ça, même si parfois j’ai eu envie de lui demander de rentrer, -un tout petit peu- dans le rang, pour penser à elle et laisser passer la déferlante. J’ai aimé, notamment à travers les chapitres de flashback, réaliser que cette acceptation n’est pas de l’aveuglement. Mais qu’on décide la façon dont on veut porter et assumer sa différence. Elle le fait fièrement, ce qui ne veut pas dire qu’elle ne souffre pas, des regards mauvais et des blagues habituelles sur « la grosse rigolote de service », qu’elle ne s’effondre pas, parfois en voyant que le monde n’est pas prêt à laisser chacun être sans coller une étiquette ou un jugement. Mais dans l’ensemble, elle fait tout pour mettre en adéquation sa nature et ses convictions et je l’en ai trouvée touchante à souhait (tout autant qu’hilarante, émouvante, séduisante, et j’en passe!)
Aux yeux de beaucoup, elle est hors normes de différentes façons?
C’est certainement aussi ce que pense Rio Delacroix, lors de leur rencontre et d’une partie du roman. Il est totalement à l’inverse de Willa. Un physique sur lequel les Dieux grecs ont l’air de s’être penchés, l’avocat réfléchit avant de faire quoi que ce soit. Il est posé, déterminé, et déstabilisé par cette boule d’énergie qui déboule dans sa vie sans crier gare.
Il est agacé par son franc-parler, amusé par son sens aigu de la répartie et inexplicablement troublé par une femme aux antipodes de son modèle type d’aventures d’un soir.
Elles sont invariablement minces, discrètes, insipides.
Option admirative souhaitée mais pas obligatoire, de toute façon, il n’a pas du tout en tête de se caser. Lui, sa priorité, c’est sa carrière et la cause qui le guide depuis toujours.
Aussi vit-il son nouveau poste à New York comme un purgatoire avant de toucher le paradis, ou plutôt le poste d’associé que lui promet Edouard, son mentor et ami.
Pour y parvenir, rien de bien compliqué, en apparence. Veiller aux intérêts de deux jeunes stars françaises en devenir recrutées dans une série événement au message fort. Si Garance Coste, blonde parfaite tellement bienveillante qu’on ne peut même pas la détester semble simple à coacher, on ne peut en dire autant de sa consœur, l’inénarrable Willa.
Pour Rio, c’est une perspective de six mois arc-bouté pour éviter que sa complice ne multiplie les boulettes. Six mois pour la protéger de tout à commencer d’elle-même. Six mois pour réussir le plus dur, garder ses distances, ne voir que le « Trop » pour oublier qu’il existe certainement quelqu’un, quelque part, pour qui le « Trop » est exactement le « Juste parfait ».
D’affrontements piquants entre ces deux têtus qui veulent toujours avoir le dernier mot en tension sensuelle exacerbée, de vraies disputes à fausse indifférence, les Emma Green nous offrent une comédie romantique piquante et sensuelle qui ne cache pas le message fort de Willa, celui du respect et de l’acceptation. On pourrait croire, à lire cette chronique, que ce roman est « juste » une croisade pour le bodypositive. Ce serait déjà beaucoup, mais il est bien plus.
Non seulement il confirme le talent du duo pour créer des personnages déjantés et tellement touchants quand ils posent l’armure, pour mettre en scène des situations loufoques et des dialogues qui devraient être remboursés par la sécurité sociale.
Mais plus sérieusement, il aborde des thèmes forts. Et il le fait bien. On y évoque les maltraitances physiques ou psychologiques, que peuvent subir les hommes comme les femmes que certains prédateurs voient en position de faiblesse. On y rappelle que l’union fait la force et que toutes les gouttes d’eau mises ensemble forment les plus beaux torrents, capables d’emporter les obstacles les plus lourds. On y parle aussi beaucoup du poids de l’image, en particulier dans les réseaux sociaux mais pas seulement, de la facilité de détruire quelqu’un par un Buzz bien appliqué.
On y parle aussi, heureusement, de solidarité, de pugnacité, de toutes ses valeurs qui permettent, à condition d’être bien entourés et d’accepter les mains tendues, de se sortir de bien des écueils.
On y rappelle surtout que pour chacun qui est toujours dans un œil critique « trop » ou « pas assez » il existe quelque part quelqu’un pour qui est pile poil taillé pour ce Trop ou Pas assez.
Et c’est pour ce cocktail détonnant de comédie et de message positif que j’ai tellement aimé ce roman.
Celui qui confirme que, de tout son physique et de tout son coeur, si tu n’es pas prêt à voir chacun pour ce qu’il est, alors, aucun doute, Willa est Bien plus forte que toi!