The intense deal de Sonia Eska

Titre The intense deal

Auteur Sonia Eska

Éditeur Éditions Addictives

Date de sortie 4 mai 2021

Un titre à commander ici The intense deal

C’est parce que la vie est fragile qu’elle est si précieuse. Cet adage pourrait résumer le nouveau roman de Sonia Eska. Il ne lui rendrait que partiellement justice tant il aborde des thèmes variés et très forts

Cruz Riveira est connu dans le monde du freefight comme Eagle, l’un des pensionnaires du BLT d’Edge. Cet expatrié cubain de 28 ans porte sur son visage et dans son regard la dureté de ses premières années et des blessures contre lesquelles il n’a que deux boucliers : son air revêche qui décourage quasiment tous les nouveaux venus de nouer connaissance et son abuelita Celia Diaz.

Elle est la prunelle de ses yeux, la perle précieuse et imparfaite de sa vie complexe, son plus beau joyau, sa plus grande faille.

Aussi, quand au retour d’un déplacement professionnel, Cruz apprend que la nouvelle hospitalisation de sa grand-mère adorée pourrait bien être l’ultime combat, celui qu’on ne gagne plus, tout s’effondre.

Avec son meilleur ami Casey Dafoe -le héros de Savage, de la même autrice, qui m’attend dans ma PAL et que j’espère découvrir très vite- il passe de longues heures dans le service cardiologie du Professeur Brolin. Les deux combattants y animent même des ateliers démonstration pour distraire les jeunes patients et leur insuffler leur souffle de vie.

C’est que tous les malades, jeunes et moins jeunes, sont de sacrés gladiateurs, en guerre contre l’ennemi le plus intime, leur cœur.

Les départs sont nombreux, trop souvent définitifs. Mais si le désespoir s’invite dans les couloirs aseptisés du 5° étage, c’est aussi une incroyable énergie de vie qui anime ces patients en sursis.

Pour Cruz, tout se télescope avec une violence qui ébranlerait le plus solide. La maladie de Celia, la tournure de sa carrière et cette rencontre qui chamboule toutes ses certitudes.

Shenae. Petite boule d’énergie de 22 ans qui a passé, au cours de ces six dernières années plus de temps dans les couloirs de l’hôpital qu’à vivre une vie d’adolescente et de jeune adulte. Les bals de promo? L’incertitude des études? La première expérience alcoolisée? Les aventures sexuelles pour du beurre?

Tout ça a été brimé, effacé, anéanti par la maladie.

Mais Shenae refuse d’attendre son sort sans réagir. Épaulée par ses parents, complices et attachants, et par sa sœur cadette, Essie, qui a grandi trop vite, trop fort, pour veiller sur son aînée, elle veut profiter de chaque instant de sursis.

Des études touche à tout, des rencontres. Et cet homme sombre, que d’aucuns trouveraient inquiétant, mais qui lui donne envie de s’accrocher.

Alors se pose ce deal, intense, bancal, puissant, forcément déchirant. Ce deal d’une vie ou de ce qu’il en reste, d’une existence qui s’étiole trop vite ou d’une qu’il faut entièrement réinventer, d’un deuil prévisible ou de celui que nous impose la vie.

Donner à chaque occasion du positif. Sans contrainte, sans engagement, sans « demain, toujours ou l’année prochaine ». Juste le temps qui pourra être volé à la fatalité. Juste pour vivre plus vite, plus fort, plus intensément.

Un plan simple et imparable sur le papier?

Peut-être. Mais plusieurs facteurs s’invitent dans l’équation. Shenaé n’est pas n’importe qui. Dès le premier regard, elle correspond aux critères de Cruz. Elle est tout ce qu’il aime. Et c’est peut-être là que le bât blesse.

Parce qu’il serait si facile de s’attacher à cette petite lionne. Parce qu’il est impossible et impensable de le faire.

Le roman suit deux rythmes parfois contradictoires, souvent parallèles. Le premier est celui de la maladie de Shenaé qui marque, comme un métronome déréglé des coups d’accélérateur et des moments d’apnée terrifiants.

Le second est celui de Cruz. Le combattant a l’habitude de ne pas s’attacher. Les circonstances passées n’ont fait que renforcer cette tendance. Mais cette épreuve là! Alors qu’il ne sait pas ce que l’avenir lui réserve, le Cubain tatoué doit en plus choisir.  Être le « positif » de Shenaé quitte à se retrouver brisé lorsque le sort aura gagné ou refuser ce qui pourrait être la plus belle page de sa vie pour éviter d’en lire le mot « fin ».

Ce combat-là occupe une bonne part du roman. Il m’a au départ déstabilisée parce qu’il venait parasiter la course contre la mort de Naé. Mais il lui procure aussi des temps de respiration nécessaires et rend le récit plus réaliste aussi.

En effet, c’est l’une des forces de cet intense deal. Il ne peut que nous parler. Le deuil, d’un être cher ou d’un projet, d’une personne qui a bien vécu ou d’une qui n’en aura pas le temps, la maladie et les heures terribles qu’elle impose à chacun, au malade, à ses parents, ses frères et soeurs, ses enfants, ses amis, à l’amoureux, tout ces moments, chacun peut les avoir vécus ou les vivre un jour.

Ce qui signifie que la rage ou le désespoir, l’abattement ou la résignation qui traversent ce roman en éclairs fulgurants de chagrin, toutes ces émotions peuvent nous être sensibles, tout autant que les doutes de Cruz le sont.

Mais la force de ce roman, c’est qu’il ne traite pas exclusivement de la maladie et de l’ombre de la mort.

C’est un roman sur la vie, sur l’appétit de vivre. C’est un roman sur l’amour et la passion qui font que ça vaut le coup.

C’est un roman sur l’amitié, quelle qu’en soit la forme, même lorsque ceux dont on attend peu se révèlent être les parfaits soutiens.

C’est un roman d’espoir aussi. Un de ceux qui rappelle que chaque jour succède à un autre et que chaque porte qui se ferme ouvre autant de nouveaux passages, plus tortueux sans doute, moins évidents aussi, mais que chacun vaut la peine d’être vécu, à fond.

J’ai aimé ce roman pour de multiples raisons.

D’abord, j’y ai découvert la plume de Sonia Eska. C’est une découverte qui a été remise pour ces romans précédents et je ne regrette pas d’avoir enfin pu la réaliser. Son écriture est prenante, vive. Elle a un sens de la répartie qui m’a fait sourire à de nombreuses reprises et une capacité à écrire les tirades qui comptent qui m’a mise au sol.

Ensuite, j’ai beaucoup aimé ses personnages. Ils ont tous leurs failles et leurs points forts. En tant que maman, j’ai eu un coup de cœur pour les parents de Shenaé et leur incroyable force à adopter la distance parfaite pour veiller sur leur fille sans l’emprisonner.  Bravo pour ce gros travail de psychologie. Même constat pour Essie. Quelle force chez cette cadette qui se retrouve d’un coup propulsée dans un rôle trop grand pour elle mais qu’elle investit avec brio, sans perdre ce qui fait l’étincelle des fratries, les chamailleries, les coups de gueule et l’intense complicité.

Je ne parle même pas de Shenaé que j’ai longtemps prise pour Wonder Woman avant qu’elle ne baisse la garde dans un chapitre bouleversant, ni de Cruz que j’ai tant aimé voir s’ouvrir peu à peu. Ne cherchez pas l’effet « transformation guimauve » dans sa progression et c’est ce qui rend ses mots et ses preuves d’amour si forts.

J’ai aussi eu un coup de cœur pour la tribu du BLT, en commençant par l’équipe première et ses bonnes surprises, mais surtout la jeune garde de ces espoirs qui, au fur et à mesure de la progression méritent de plus en plus ce titre. Espoir pour une génération qui se cherche et va tracer sa voie, espoir pour ceux qui les forment avec une très belle place à la transmission, espoir aussi de plein d’autres aventures pour les protégés d’Edge.

Mais ce qui m’a surtout chamboulée dans ce roman, c’est la gageure relevée par l’autrice d’écrire un roman si plein d’amour et de vie dans un contexte où les larmes et la mort rodent de si près, en quête de leur prochaine proie. C’était osé, c’était risqué.

C’est, de mon point de vue parfaitement réussi. Et si je suis ressortie de cette lecture les yeux rougis et ma collection de kleenex Reine des neiges salement amoindrie, c’est aussi le cœur plein d’espoir et des papillons dans le ventre que je referme ce livre. Le contrat était intense. Il est plus que largement rempli!

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