Titre Si mon cœur s’affole
Auteur Kelilane Bee
Date de sortie 31 mars 2021
Un titre à commander ici Si mon cœur s’affole
Vivre sa vie comme si chaque jour était le dernier …
Cette phrase, souvent entendue, parfois appliquée, pourrait être la devise du nouveau roman de Kelilane Bee.
On pourrait dire, en tout cas, qu’elle est celle de Lylah Marchand, son héroïne.
En lutte perpétuelle contre la « te-pu » solidement ancrée dans son corps, la jeune femme a décidé que sa vie, quelle qu’en soit la durée, doit marquer ceux qui l’entourent, ce qui l’aiment, et lui permettre d’atteindre ses buts.
Bien décidée à ne pas céder un pouce de terrain, même quand son cauchemar personnel l’handicape sérieusement, elle veille sur tout, quitte à prendre des décisions qu’on ne comprend pas forcément sur le moment.
Pas de résignation chez Lylah. Les coups de mou, les instants de doute sont combattus par ce petit bout de femme débordante de projets et de vitalité.
Devenir une makeup artist? Check! Avec son ami, confident et manager Laurent alias Love-Love Gryffond, monter sa chaine Youtube, être repérée par Glowlilup? Même pas peur!
Revenir à Monaco, quatre ans après avoir fui ses démons, après avoir tourné la page pour ne pas laisser le désespoir la submerger, afin de participer au deuxième film de Noam Rihel, Chamade, chiche!
Et tant pis si les crises se font de plus en plus rapprochées. Tant pis si elles sont plus violentes et l’obligent, ainsi que son entourage, à inventer tout un tas de subterfuges pour camoufler la réalité.
Tant pis si l’une de ses esquives la met dans une situation plus qu’embarrassante avec un bel étranger qui semble avoir le pouvoir de parler à son corps, mais se montre tout autant capable de la glacer d’une remarque ou pire de son indifférence.
Ce séjour monégasque a pour Lylah des allures de soins. Elle retrouve ses deux meilleures amies, Mandy et Clara, ainsi que sa mère Camille. Toutes trois ont souffert de son absence, mais elles trouvent ou retrouvent une complicité belle à voir.
Mais revenir à Monaco, c’est aussi retrouver le chemin de l’hôpital Princesse Grace où certaines choses ont changé alors que d’autres restent si identiques.
Ce cocon rassurant, dont Lylah réalise à peine qu’il lui a manqué, n’est pas de trop pour relever le défi de sa jeune vie: devenir la makeup artist de ce film si attendue. Et si instantanément, Adelina, l’interprète principale et Hugues, le producteur, l’accueillent à bras ouverts et prennent soin d’elle, on ne peut pas en dire de même de Becca, qui dans certaines langues doit être un nouveau synonyme pour princesse pourrie gâtée antipathique.
Et ce n’est même rien à côté de Noam. Et oui, le réalisateur du film n’est pas l’homme le plus facile à satisfaire. Il semble même avoir pris une option « connard imbu de lui-même » à la naissance.
Ça, en tout cas, c’est si on se fie aux apparences. Parce que le beau Noam -ah oui, j’ai oublié de vous dire, il est vachement beau- est aussi capable d’une grande douceur et d’une capacité à s’excuser qui m’a fait fondre, du moins jusqu’à ce que son côté sombre reprenne le dessus.
Irrésolu, le beau Noam? Oh que non! Bien au contraire. S’il y a un personnage qui a de la suite dans les idées et qui se donne tous les moyens pour attendre ses objectifs, c’est bien lui. Et ça le rend éminemment touchant. Surtout que dans ce roman, à deux voix jusqu’au chapitre 25, le lecteur sait, lui, ce qui motive les maladresses et les décisions de chacun, si discutables soient-elles.
Et si j’ai admiré le sens du quiproquo développé par l’autrice, je n’ai pu m’empêcher de souffrir avec les personnages de ce qu’ils s’infligent.
Une course contre la montre? Contre le temps? Contre le passé cruel, le présent complexe, l’avenir incertain?
Une lutte contre leurs cœurs, ses certitudes et ses loupés?
J’avais beaucoup aimé Mens moi dans les yeux (petite chronique de rattrapage ici https://melimelodegwen.fr/mens-moi-dans-les-yeux-tomes-1-2-de-kelilane-bee/ ) et la capacité de son autrice à dépeindre les sentiments, en particulier le désespoir amoureux -oui, ça peut paraître bizarre, mais c’est bien plus complexe qu’il y paraît d’émouvoir avec des scènes tristes- et son talent pour les apparences trompeuses.
Avec ce nouveau roman, elle déplace le curseur un cran plus loin.
Parce que l’histoire est sublime. Qu’elle aborde un thème particulièrement lourd et que, pourtant, sans l’occulter en rien, il n’éteint pas la lumière dans le regard vif de la jolie Lylah. Et les hippocampes ou les escargots roses donnent une sacrée dose d’optimisme et relativisent pas mal d’éléments qui, replacés dans leur contexte, sont si anodins.
Parce que la famille, de cœur et de sang, y occupe une place de choix et montre que la seconde est souvent bien plus présente qu’on ne le croit. Quant à la première, cette famille qu’on se choisit, elle est solide, aimante, capable de proposer toutes les solutions, de préparer les armes et un alibi en béton pour défendre ses membres, mais elle sait tout autant tenir l’autre à bout de bras, lui laisser de l’espace ou le secouer quand il ou elle part en vrilles.
Elle est surtout celle qui comprend les silences, qui trouve la vérité quand on pense avoir donné le change au monde entier.
Parce que le scénario de Noam -et de Kelilane, rendons à César ce qui est à César- est parfois tortueux, improbable, mais qu’il fonctionne parfaitement et donne un ensemble cohérent de la première à la dernière scène.
Parce que j’aime que mon cœur s’envole, se serre, rate un battement, s’essouffle et s’affole, et de préférence le tout dans un même roman. Oui, je sais, je suis exigeante.
J’ai eu raison de l’être, parce que c’est exactement ce que j’ai eu.
Parce que dans ce roman, l’esprit dit « non », le corps hurle « oui », le cœur, lui, s’affole trop pour faire autre chose que se laisser porter.
Parce que de la première à la dernière page, ce roman, fondé sur un thème lourd, m’a émue à plusieurs reprises et pourtant, que je ressors de ma lecture le cœur rempli de bonheur, d’une belle dose d’optimisme.
Et d’un peu plus d’affection encore pour la plume de Kelilane Bee et pour l’âme qui a su donner vie à cette histoire et la transcrire si bien.