Titre Le murmure des profondeurs
Auteur Charlie L
Date de sortie 10 Septembre 2021
Éditeur Charlie L
Un titre à commander ici Le murmure des profondeurs
Après l’espace confiné des studios d’enregistrement des From North to South, cap au soleil et dans les grands espaces pour le nouveau roman signé Charlie L, le Murmure des Profondeurs.
Il nous permet de suivre Églantine, Ejay pour les intimes, une jeune femme aux allures de garçon manqué mais au cœur de guimauve.
Fille de propriétaires d’un camping au bord de l’eau, Ejay et son frère Bastien, surnommé Bass, ont toujours vécu dans ce cadre idyllique. Habitués à se faire des amis d’un été, ils ont une solidarité forte, d’autant qu’ils ont maintenant investi leur temps et leur argent pour pérenniser cette affaire familiale.
Ejay y a notamment développé son activité de plongée sous-marine qui lui permet, en saison, d’emmener les habitués ou les nouveaux clients pour des baptêmes de plongée ou des croisières plus intenses. Elle est épaulée dans ses activités par Dorian et Logan, ses meilleurs amis.
Dans son temps libre, Ejay développe une activité fascinante et utile, le nettoyage des fonds marins et la création de zones propices à de nouveaux écosystèmes. Quand on est demi-sirène, qu’on ne se sent apaisée qu’au fond de l’eau ou en tout cas dans l’élément liquide, sa préservation est une évidence que la jeune femme prend très à cœur, de la même manière qu’elle met toute son énergie en dépit d’une blessure vivace de dix ans, celle qui fait saigner son cœur d’ex-adolescente et mine toute relation à venir.
C’est une blessure en cinq lettres, celles qui forment le prénom de son premier et unique amour, Johan.
Un habitué des vacances. Cinq années de suite, il est venu passer son été sur sa plage. Cinq années de suite, elle l’a dévoré des yeux et du cœur. Cinq années de suite, elle l’a vu se pavaner au bras des plus jolies filles, sans se douter de son existence autrement que comme la petite sœur de son meilleur ami de vacances.
Cinq années … et plus rien. Pas exactement rien. Une dernière rencontre, fugace, éphémère et destructrice sur le parvis d’une église un jour de mariage. De quoi vider son cœur de tout ce qu’il voulait hurler, et le remplir d’une souffrance partie pour durer une éternité au moins.
Aussi, lorsque Johan foule le sable de sa plage, en compagnie de sa femme, Ejay voit rouge. Le rouge de la jalousie, le rouge de la passion, le rouge fusion d’une intimité qui ne demande qu’à renaître mais qu’Ejay rejette de toute sa raison, alors que son corps et son cœur, eux, ne demandent qu’à vibrer à l’unisson du beau visiteur.
Mais elle n’est pas ce genre de femmes. Elle respecte le choix de son grand regret, celui d’en avoir épousé une autre et elle tente, avec beaucoup de mauvaise foi, de se convaincre que son cœur survivra à un nouvel été.
J’ai beaucoup aimé ce roman. On y retrouve ce qui m’a déjà séduite dans mes lectures précédentes de l’autrice. Il y a d’abord une sensibilité à fleur de peau. Eglantine est une écorchée de cœur. Les chapitres narrés par Johan montrent qu’il l’est tout autant. Cette alternance de leurs deux voix, notamment dans les flashbacks, offre un éclairage très important et touchant.
Elle parle fort pour étouffer la petite voix qui aimerait tant croire aux contes de fées. Elle offre le blindage de son caractère pour ne pas admettre ses failles. Mais dans le même temps, elle est aussi calme, patiente et pédagogue, notamment avec ses plus jeunes plongeurs. Ses grognements, elle les réserve à celui qui la trouble plus qu’il ne devrait.
Le mystère qui entoure Johan -et que l’autrice prend soin de conserver longtemps- m’a fait osciller entre colère contre ce marié séducteur ou tendresse pour le personnage que l’on ressent perdu et qu’on espère sincère. De l’ambiguïté de ce point de vue dépend notamment le succès de l’histoire.
Celle-ci est belle et bien menée. J’ai aimé la notion d’amis et d’amour à durée limitée. Si ce sentiment a quelque chose de déchirant, il enrichit en intensité tous les moments vécus. Il permet surtout, à l’âge charnière de nos personnages, de mesurer d’année en année les évolutions et les écarts. Je me suis souvent mise dans la tête d’Eglantine, rêvant une année entière au retour de Johan, pleine d’espoir et d’interrogations, avant de se confronter à la réalité de son retour.
Le cheminement de l’intrigue est bien maîtrisé et submerge notre héroïne comme autant de déferlantes qui s’échouent inlassablement sur son cœur meurtri.
Mais au-delà de cette très belle romance et des personnages très attachants, j’ai eu un coup de cœur pour le milieu dans lequel évolue l’histoire. Je n’ai jamais fait de plongée. J’ai lu ce roman emmitouflée sous ma couette. Pourtant, le talent des descriptions, des paysages tout autant que du ressenti, m’a permis de me projeter totalement dans l’univers d’Ejay et même de comprendre la fascination que l’eau exerce sur elle.
Par-delà la beauté des fonds marins, ce roman montre aussi la maîtrise de son autrice, que ce soit sur les règles de sécurité, en toute occasion, ou pour la fragilité de ce monde des profondeurs où l’amour de l’autre et de la mer ne sont que murmures.
Des murmures ardents, puissants, entêtants, qui résonnent, comme le chant d’une belle sirène, bien longtemps après le mot Fin.