Titre Gabriel-Surprendre
Auteurs Lois Smes & Karyn Adler
Éditeur Kyrro Éditions
Date de sortie 20 Avril 2022
Un titre à découvrir ici Gabriel Surprendre
L’important n’est pas l’endroit où on va, mais le chemin qu’on emprunte et la boussole qui nous tient la main.
À plus d’une reprise, c’est l’idée qui m’a traversé l’esprit pendant que je lisais Gabriel, la nouvelle pépite signée Lois Smes et Karyn Adler chez Kyrro Editions.
Il y a toujours un risque, dans un spinoff, de ne pas écrire une nouvelle aventure à la hauteur de l’original.
Vu l’intensité de Lenn(ie)y du même duo, c’était un sacré défi. Il est relevé haut la main.
Gabriel, souvenez-vous, c’est ce gourou génial et fantasque de la bande à Lenny, celui qui est à la fois un frère, une oreille, un repère spirituel, celui qui égare souvent par des formules à l’emporte pièce et qui permet toujours, pourtant, de retrouver sa route par la justesse de ses mots ou la qualité de ses silences. Gabriel, c’est ce personnage un peu lunaire, au nom imprononçable, aux citations désopilantes, mais à l’énorme cœur, celui auprès de qui tout un chacun voudrait poser ses bagages quand ils deviennent trop lourds.
Jamais un mot plus haut que l’autre, jamais une pensée malveillante, jamais une parole blessante.
Gabriel est unique, inclassable et si facile à placer dans la catégorie des belles âmes.
Sauf que parfois, même cet être si bienveillant et si observateur, peut commettre la bévue. C’est ce qu’il se passe lorsqu’il lâche une parole dure et inexplicable à l’encontre de Maxime Camier, sa collègue de travail. Oui, Maxime, comme celle qui donne le maximum. Un prénom tout destiné pour une jeune femme ambitieuse, sérieuse, mariée à son travail et totalement hermétique à ceux qui l’entourent, bref l’anti-Gabriel par excellence.
Mais le sort, ou plutôt la direction de New Century, la société qui les emploie, se joue d’eux en leur promettant six mois de dépaysement complet, en binôme exclusif.
Pile ce qu’il faut pour mettre à mal la rassurante routine de Maxime. Exactement ce qui risque de déstabiliser notre Gabriel, jusque là capable de s’adapter à tout. Je n’aurais pas cru le sieur Qukovci capable de perdre pied à la perspective d’une aventure avec cette partenaire, comme quoi il faut toujours se méfier de ses préjugés.
Lorsque la machine se dérègle, qu’une narine fait palpiter un peu trop fort le cœur et secoue un peu trop les neurones, alors même ce sage fou peut avoir besoin de prendre du recul et de faire le chemin vers la sérénité.
Commence alors une forme particulière de voyage initiatique à l’envers -mais pouvait-on vraiment attendre de Gabriel qu’il fasse les choses dans le même ordre que le commun des mortels ?
Devant lui, un étrange compte à rebours vers ses sources, derrière lui, un improbable duo qui va, à sa manière, mener la quête la plus importante, celle vers soi-même, celle qui permet de décoller les confortables étiquettes.
Avant le grand départ prévu, Gabriel a besoin de retrouver des repères rassurants. Il les parcourt à son rythme, les jalonne de rencontres qui tiennent du petit miracle et refait pas à pas le parcours qui l’a mené de Marconnave où vivent Aco et Talia jusqu’à Paris.
Ce qui n’était pas prévu au programme, c’est que Maxime, piquée, sans parvenir à se l’expliquer, par la remarque de son collègue, se lancerait sur ses pas. Son périple la confronte à la joyeuse tribu qui gravite autour de Gabriel et Lenny. Si le choc culturel est jubilatoire, il montre surtout le pouvoir des préjugés et la richesse qu’on gagne en les dépassant.
Dans sa quête de Gabriel et du dossier en souffrance entre eux, Maxime embarque surtout la plus improbable des co-pilotes. La psychorigide Maxime et la fantasque Sapho, je ne donnais pas deux aires d’autoroute à la cohabitation. Et pourtant!
Accrochez-vous à votre siège, vous n’êtes pas prêts pour la suite.
La suite, évidemment, je ne vous en dirai rien. Mais parce que c’est vous, je vous confierai les raisons qui m’ont fait aimer Gabriel plus encore et la plume de Lois et Karyn un cran au-dessus.
En premier lieu, j’ai été émue, plus encore que je ne l’aurais cru, de retrouver « la bande à Lenny », identique à mes souvenirs et pourtant engagée sur la route de la vie.
J’ai eu l’impression de pousser la porte de l’appartement comme une amie, d’attraper une bière et de me poser sur le canapé avec toute la bande, son joyeux chahut, son amour vrai, sa solidarité à toute épreuve et sa capacité à s’ouvrir aux autres.
Ensuite, j’ai adoré me perdre dans le méandre des délires gabrieliens. Et là, autant le dire, non seulement il fait fort, mais il trouve également des comparses à sa hauteur. Penseurs perchés en approche je vous aurai prévenus.
Ne pensez pas pour autant verser dans la farce. Gabriel est une fable humaniste par les personnes qu’elle nous permet de rencontrer. Une grand-mère qui a attendu plus de la moitié de sa vie avant de décider de vivre pour elle, des rêveurs prêts à se rendre malheureux pour rentrer dans le moule trop rigide de la bien-pensance, l’amoureux d’une étoile, un chat imaginaire mais drôlement présent, un bâtisseur de bonheur, des amoureux d’amour et d’harmonie jalonnent la route cahoteuse de Gabriel et de ses poursuivantes.
Leurs rencontres ont des points communs. Elles parlent d’amour:
L’amour regret, l’amour passion, l’amour égaré, l’amour à jamais et l’amour … si seulement.
L’amour offre souvent des réponses, avant même qu’on ne pose les bonnes questions.
Ces citations extraites de Gabriel résument à elles seules l’idéal d’une vie ou de plusieurs.
Elles rappellent surtout que de Trecon à Bèze en passant par Poule-les-Echarmeaux, ce qui compte, ce sont les rencontres et les imprévus à condition de garder les yeux, le cœur et l’esprit ouverts.
Ce qui m’emmène au dernier point fort -et quel point fort! de ce roman. Ce Gabriel a comme sous titre « Surprendre ». Connaissant l’énergumène, je me doutait bien qu’il m’offrirait son lot de surprises. J’étais encore loin de compte.
Ce roman ne m’a pas surprise dans la mesure où je m’attendais à être amusée, bousculée, émue, remuée et bercée d’amour et que je l’ai été. Mais il m’a surprise dans la capacité de chacun, sur un coup de sort, un coup de pouce, un coup de mot, à tout remettre en cause.
Une case, c’est réconfortant, c’est limité, ça protège.
En refermant ce livre, plus que jamais, j’en suis certaine, Gabriel n’entre dans aucune case, sinon celle de l’amour, de la même manière que ses autrices n’entrent que dans une seule case, celle de l’émotion partagée. Et qu’elles se rassurent, celle-ci est modifiable à l’infini.
Au prochain rendez-vous ….
Une histoire touchante, attachante et qui regonfle le cœur, à ne pas rater.