Titre Ecrire la catastrophe : L’Angleterre à l’épreuve des éléments (XVIe-XVIIIe siècle)
Sous la direction de Sophie Chiari
Éditeur PU Blaise Pascal
Date de sortie 14 novembre 2019
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Un livre reçu dans le cadre de la Masse Critique Babelio de février 2020
Autant l’avouer tout de suite, cette chronique est très différente de celles que je propose habituellement parce que son thème et sa construction le sont également.
Cette compilation de travaux thématiques sur la première modernité britannique et sa façon d’appréhender les catastrophes a largement fait travailler mes neurones et j’ai beaucoup aimé cette stimulation néanmoins accessible.
Au long de quatre parties thématiques, les contributeurs de cet ouvrage ont proposé une étude de l’usage que la littérature anglaise de la première modernité a faite de la catastrophe. Le premier temps traite de l’interprétation religieuse de la catastrophe; le second des mécanismes de rationalisation du XVII° siècle. Dans le troisième volet, on se penche sur les voyages scientifiques et l’expansion, coloniale et commerciale, avant de finir sur un temps passionnant qui traite de la catastrophe comme un objet esthétique.
Dans chacun de ces articles, qui brille par sa clarté et la richesse de ses sources, un aspect de la question est abordé à travers des textes classiques, plus ou moins connus du grand public.
Évidemment, il est plus simple de suivre l’article consacré à la Tempête de Shakespeare ou de la prise en compte des catastrophes dans les différentes mises en scène de Macbeth parce qu’on a lu l’oeuvre, mais grâce à de larges citations et à des explications particulièrement claires, je n’ai pas ressenti non plus de difficultés particulières sur des textes que je connaissais moins.
J’ai même pris un net plaisir à entrer de plain pied dans l’univers des boadside ballades, ces textes publiés sous forme de feuillets, souvent chantés, et qui reprennent largement les phénomènes naturels touchant Londres ou Cork.
Car l’enjeu est là. Bien avant la création de la météorologie au sens moderne et des débats sur le dérèglement climatique, l’Homme a été confronté à des catastrophes naturelles, des événements exceptionnels ou extrêmes.
Si au départ de la période étudiée, on y voit surtout un châtiment divin, et le rappel de l’omnipotence de Dieu, capable de détruire et de sauver, l’évolution religieuse du royaume fait de plus en plus la part belle à la responsabilité de l’Homme dans son destin et, inversement, une manifestation de la puissance des Tudor. De même que le paysan voit les signes avant-coureurs de la catastrophe et la surmonte grâce à sa connaissance et à son expérience, de même, Elizabeth I° triomphe des éléments et des obstacle. L’art sur la littérature emblémique est à cet égard simplement passionnant.
Je suis restée un peu perplexe dans la troisième partie. Il n’y est plus question de catastrophe naturelle mais des rigueurs du climat sous des latitudes différentes. Tentatives d’hivernation en Arctique ou tempête sur la route des colonies, on y voit la façon dont la rudesse environnementale apparaît comme un obstacle, mais aussi une épreuve qui renforce le mérite du colon.
Cependant, là encore, l’analyse proposée est riche et intéressante, tout autant que les annexes sur les productions des artistes que Cook emmena avec lui dans ses expéditions et leurs aquarelles, de William Hodges notamment.
Au final, c’est là un livre qui offre un regard pointu et pourtant accessible sur un temps où on commence à chercher une cause plus « scientifique » au monde que la seule volonté divine. Un temps, celui des débuts de l’anthropocène où l’attitude de l’Homme peut être vue comme impactante sur la nature qui l’entoure, … une leçon qu’il eût été bon de retenir avec plus de recul.