Bonsoir tout le monde
Dernières heures avant la sortie de Sex Friends pas de contraintes que du plaisir.
Et pour vous faire patienter, voici, … le premier chapitre !!
Bonne lecture et rappelez-vous, la suite c’est à partir de minuit
1
Aurore
– Ça roule bien aujourd’hui. On devrait arriver d’ici quinze minutes. Voyage d’affaires ?
Je n’ai pas très envie d’entretenir la discussion avec le chauffeur de taxi, mais je lui réponds d’une voix mécanique quoique charmante.
– Non, au contraire. J’en reviens.
Oh oui, je reviens ! Et avec deux jours d’avance de surcroît !
Voilà qui mérite bien une fin d’après-midi de détente et même – qui sait ? – un goûter dans mon salon de thé favori. Il est un peu tard pour grignoter, mais qu’importe. Ma mission à Barcelone a été si prenante que je n’ai pas tout à fait respecté mon équilibre alimentaire. Heureusement, j’ai dormi mes huit heures par nuit, seule façon de m’assurer une mine éclatante. Je suis heureuse. J’ai fini cette présentation toute seule. Mes patrons, ici à Paris, et leurs homologues espagnols n’ont pas tari d’éloges à mon égard. « Le comble de l’élégance pour représenter l’élégance à son comble », a même précisé Javier, le représentant espagnol de la société de communication pour laquelle je travaille.
Pour l’heure, dans le taxi qui me ramène de l’aéroport, je prépare la suite de ma journée.
Mon bon travail me vaut bien une fin de journée au repos. Et je sais exactement ce que je vais en faire. Exit le salon de thé et mon café gourmand. Je vais aller rejoindre Cody sur son lieu de travail.
Je débloque mon smartphone pour lui envoyer un message, mais me ravise. Pour une fois, je vais faire preuve d’un peu de spontanéité et aller surprendre l’homme de ma vie. Du bout des doigts, je caresse la photo de nous deux qui me sert de fond d’écran.
Ses parents l’ont prise l’été dernier à l’occasion de la fête nationale, sur la terrasse de leur maison des Hamptons. Oui, Cody est américain. Franco-américain. Sa mère est française. C’est une amie de pensionnat de la mienne. C’est comme ça qu’on s’est rencontrés. Cody est né aux États-Unis. C’est heureux pour la future carrière politique que ses parents lui construisent depuis des années. Selon Nikki, ma future belle-mère – qui préfère ce surnom à son trop franchouillard « Nicole » – notre portrait serait un parfait lancement pour la campagne au Sénat.
Les « Kennedy du XXIe siècle », selon ses mots. J’ai esquissé un sourire poli, comme on m’a si bien appris à le faire, mais j’aurais aimé la détromper. Cody est bien plus séduisant que JFK. Bien plus moral aussi. C’est un spécimen qui se rapproche dangereusement de l’homme idéal, un homme solide, qui sort des meilleures écoles. Il vient d’une bonne famille et maîtrise tous les codes qui régissent ma vie. Avec lui, je suis en sûreté, d’autant qu’il a des plans pour nous. Notre mariage est programmé pour l’année prochaine et, idéalement, notre premier enfant dans la foulée. Il en aimerait trois ou quatre. Sa façon de tout planifier me fait sourire. Sa beauté me transporte. Ses cheveux sont d’un blond doré à peine plus soutenu que les miens et ses yeux verts ont une profondeur rare. Lorsqu’ils se posent sur moi, je serais prête à tout.
Comme à accepter de mettre en berne ma carrière pour soutenir ses ambitions et m’occuper de la famille que nous fonderons.
Je ne suis pas enchantée par cette idée mais, comme le rappelle ma mère, derrière chaque grand homme, il y a, non pas une grande femme, mais une femme dévouée.
Je ne suis pas sûre d’être très à l’aise dans ce rôle décoratif. Mais sa mère m’a déjà assuré que je ferai ça très bien. J’ai reçu l’éducation adéquate. D’ailleurs, maman aussi est une championne du genre.
Et lorsque je vois cette photo, je suis d’accord avec tout le monde. Dans nos tenues coordonnées, bermudas bleus, chemisettes blanches et pull rouges sur les épaules, je pourrais presque imaginer le slogan « America, nous voilà ! »
Tout à mes réflexions, je suis parvenue au pied des locaux que la banque Porter occupe à Paris.
Avant de quitter le taxi, je vérifie que ma tenue est parfaite, ma jupe bien droite, mon chemisier soigneusement fermé, avec juste un petit bouton détaché comme une invitation. Mes cheveux blonds retombent gracieusement sur mes épaules, mon maquillage est soigné, en tout cas pour le moment. Un petit frisson coquin me traverse.
C’est en partie pour cette raison que je suis aussi pressée de le rejoindre. Avec un peu de chance, il aura un petit moment pour fêter mon retour comme il se doit. Après tout, je rentre avec deux jours d’avance et nous ne rejoignons ses parents dans le Vermont que dans trois jours. Qu’importe si je sors de son bureau la peau rouge de ses baisers et la coiffure de travers ! Cette pensée décadente me fait sourire. Ça ne fait pas très « future Mme Porter » ! Cette idée d’une très légère transgression me fait frémir d’avance.
Au bureau, pourtant, on m’annonce qu’il a posé son après-midi. Un rendez-vous imprévu. Ce sont des choses qui arrivent lorsqu’on rentre par surprise. Je cache ma petite déception sous un sourire tout en maîtrise et prends le chemin de son appartement.
Pour des questions de convenances, nous ne vivons pas encore ensemble. Mais j’ai ses clefs et je vais m’en servir. Ça me donnera le temps de nous préparer un plateau gourmand pour fêter dignement mon retour et mon succès, peut-être même de m’apprêter dans une tenue un peu osée.
Après un détour par les traiteurs chics que Cody affectionne, je me glisse dans son immeuble avec un sourire de conspiratrice. En passant, j’ai acheté un petit ensemble de lingerie qui, j’en suis sûre, lui fera beaucoup d’effet, du moins tant que je le garderai sur moi.
Cette idée m’arrache un frisson d’anticipation.
L’appartement est plongé dans la pénombre, à l’exception d’un rai de lumière en provenance de la chambre principale. Mon étourdi a dû oublier d’éteindre en se levant. Il a encore des progrès à faire en économie d’énergie. En avançant dans le couloir, je trébuche sur un objet.
Je me fige. Un escarpin de douze centimètres, de piètre qualité. Une chaussure très vulgaire qui n’a rien à voir avec ce que je porte, encore moins en journée.
Le coeur à l’arrêt, je perçois soudain ce que je n’avais pas encore noté : un bruit incongru vient de la pièce éclairée. Je reconnais ces râles gutturaux. Cody me les réserve dans les moments très intimes.
Une partie de moi me commande de faire demi-tour. Mais un besoin puissant monte du plus profond de mon ventre tordu d’angoisse. Une nécessité absolue guide mes mouvements, saccadés, jusqu’à la porte entrouverte. Je l’ouvre sans précaution et perds toute capacité à me mouvoir.
Cody – mon Cody – est allongé sur le lit. Son pantalon et ses dessous sont baissés sur ses chevilles, écrasés par les genoux d’une femme. Je le suppose à la forme de ses hanches voluptueuses et au porte-jarretelles d’un corail criard qui enchâsse ses cuisses.
Je ne vois rien d’autre que sa croupe rebondie. Sa tête disparaît entre les jambes de mon fiancé.
Les yeux fermés, Cody semble particulièrement apprécier la fellation qu’elle lui prodigue à grand renfort de bruits de succion qui me répugnent instantanément. Je lutte de toutes mes forces contre la nausée qui presse mes lèvres. Pas contre le son étranglé que je glapis.
Cody ouvre brusquement les yeux et son regard de menthe fraîche trouve aussitôt le mien.
Sa surprise ne dure qu’un instant avant qu’il se reprenne et passe sa main dans les cheveux, d’un blond mal teint, de la femme qui se trémousse au pied de notre lit.
– Bébé, un instant.
Je hoquette. « Bébé » ? Carrément ? C’est un mot bien trop tendre pour une rencontre impromptue. Malgré moi, un rire nerveux m’échappe.
Ne te fais pas plus bête que tu n’es, Aurore ! Tu imaginais quoi ? Une voisine qui a perdu son chemin et qui trébuche jusqu’à finir nue, dans notre chambre, la bouche autour du sexe de ton fiancé ?
Nos réactions ont raison de l’activité dudit « bébé » qui se redresse brusquement et a tout de même le bon goût de paraître gênée.
Pour ma part, je suis… écoeurée… mortifiée… humiliée… et si furieuse envers cette fausse blonde que je me sentirais de taille à lui lacérer le visage et à déchiqueter tous ses vêtements.
Mais j’ai appris à ne pas me donner en spectacle. Je me contente de considérer l’intruse – en supposant que ce soit elle qui mérite ce titre – avec tout le mépris dont je suis capable.
Il me sert de carapace pour l’heure, alors que j’ai l’impression d’entendre les bruits sinistres de mon coeur qui se fissure.
La femme ramasse rapidement une robe qui va certainement bien à son genre – pas trop couvrante et vite enlevée – et elle quitte la chambre sans m’accorder un regard.
Je ne fais même pas mine de m’écarter, la contraignant à s’aplatir contre le mur. C’est certainement très froid contre sa peau aux trois quarts nue. Bien fait !
Mon attention reste entièrement concentrée sur Cody.
J’essaie de comprendre ce qui a bien pu se passer pour qu’il s’égare ainsi. Subrepticement, la voix teintée de réprobation de sa mère revient à mes oreilles : « Il n’est pas bon de laisser trop longtemps son mari livré à lui-même. » Elle m’a tenu ces propos pas plus tard que la semaine dernière lorsque je lui ai expliqué, pour la dixième fois au moins, les raisons pour lesquelles Cody et moi ne pouvions les rejoindre plus tôt. Ses mots étaient-ils une mise en garde ? J’imagine mal ma future belle-mère cautionner ce genre d’incartade. Une autre voix, plus douce mais tout aussi persuasive, la rejoint. Celle de maman : « Je n’ai pas ressenti de sacrifice en décidant de rester près de ton père en toute occasion, prête à répondre à ses moindres besoins. »
Je ne suis pas sûre pas qu’elle pensait à ce type de besoins. L’image, totalement déplacée, de mes parents dans une position compromettante achève de me déstabiliser.
Ai-je une part de responsabilité dans ce que j’ai interrompu ? Un soupçon de révolte me prend. Moi aussi, je suis éloignée de Cody une partie du temps. Moi aussi, je reçois des sollicitations. Hier encore, notre directeur en Espagne m’a clairement indiqué que… Mais ce n’est pas pour autant que je l’ai invité dans ma chambre, parce que j’ai des valeurs, et que j’ai Cody et notre avenir… Du moins, je crois.
Le doute m’assaille de plein fouet.
Ma voix est donc pleine de trémolos lorsque je tente de chercher une explication.
– Je ne comprends pas, Cody, je suis ta fiancée…
Cody inspire lentement. Je ne sais pas comment, mais il a eu la décence de se rajuster.
– Mais bien sûr, sweetheart. Je suis désolé.
L’étau de larmes qui enserre ma gorge relâche un peu son emprise.
– Je ne comprends pas ce que tout ça signifie, Cody. Toi et moi…
– Tout ceci n’a rien à voir avec toi et moi, Aurore. Je ne vais pas te quitter pour Mandy, ni pour personne d’autre. C’était très indélicat que tu assistes à ce… moment. Je ne t’attendais pas aujourd’hui.
Un séisme d’amplitude maximale n’aurait pas pu m’ébranler davantage. Mais étrangement, au lieu de m’effondrer, je réagis avec une pugnacité qui me surprend moi-même et lui adresse un regard glacial. Sérieusement, c’est tout ce qu’il trouve à dire pour sa défense ?
– Pourquoi ? Si j’étais rentrée après-demain comme prévu, ta poule aurait retrouvé son trottoir ?
Ma voix crisse comme une craie sur un tableau. Le parfait modèle du dédain et de la colère maîtrisée, alors qu’intérieurement, c’est plus tsunami et typhon.
– Mandy n’est pas une poule, c’est l’une de mes assistantes.
Je tourne la tête vers le couloir qu’a emprunté ladite Mandy.
– On appelle ça une assistante ? Soit. Par contre, tu te trompes, Cody. Je ne sais pas qui c’est – ça ne m’intéresse pas d’ailleurs – mais une chose est certaine : elle était l’une de tes assistantes.
– Non.
La sentence tombe. Nette et sans émotion. J’écarquille les yeux et domestique difficilement le dragon qui déchire mes entrailles pour sortir ses griffes. Si je le laissais faire, il attaquerait l’individu froid et cynique qui me fait face, à peine gêné par la position dans laquelle je l’ai trouvé. Pour un peu, je me demande s’il ne va pas me proposer de prendre la place de Mandy.
Je respire calmement et répète.
– Non ?
– Non ! dit-il à nouveau, sans se démonter. Mandy est mon assistante. Je ne vais pas la renvoyer parce que tu n’es pas capable de te comporter en adulte.
Oh ?
Pas capable de me comporter en adulte ?
Une bordée de jurons digne des pires marins me vient à l’esprit. Ma langue me picote de les lui lancer en salves meurtrières. Évidemment, je n’en fais rien. Une dame ne se donne pas ainsi en spectacle. Je me contente de donner à ma voix des intonations clairement réprobatrices.
– Si tu penses que je vais accepter de côtoyer une femme que tu as troussée, sans rien dire.
Cody explose de rire. Il rit ?
– Allons, Aurore, décoince-toi un peu. Oui, je baise Mandy. Ce n’est pas la seule d’ailleurs ! Grandis un peu, sweetheart.
Le sol se dérobe sous mes pieds. L’infidèle m’avoue son méfait et en confesse volontairement d’autres, sans aucune gêne ? C’est une plaisanterie ? Il y a une caméra cachée quelque part ?
– Mais je suis ta fiancée, lui répété-je. On doit se marier… plaidé-je faiblement.
Cody hausse les épaules, visiblement agacé par la discussion que je lui impose.
– Et je ne vois pas ce que ça change. Toi et moi, nous sommes une équipe, une vitrine. Tu auras mon nom, ma protection, tu seras la mère de mes enfants. Tout ceci est socialement très acceptable. Pour le reste, ne sois pas naïve, Aurore ! On te croirait tout droit sorti d’un film à l’eau de rose. Je suis un homme…
– Hiiiiiii !
Un hurlement m’échappe – ou quelque chose qui s’apparente peut-être davantage au couinement d’un rongeur en y pensant bien.
– Si tu me parles des besoins des hommes qui seraient différents de ceux des femmes…
– Eh bien quoi, Aurore, oui ! Tu seras une épouse charmante. Tu en as tout le pedigree, toute l’éducation. Mais pour le reste, avouons tout, tu ne corresponds pas vraiment aux femmes que je fréquente habituellement.
Pardon ? Personne ne s’est jamais plaint de mes « talents » dans ce domaine. Non pas que je ne m’en sois jamais préoccupée ceci dit. Cette discussion prend un tour trivial qui me met mal à l’aise.
Je tente une dernière sortie.
– Mais je croyais que tu m’aimais.
Cette fois, Cody explose de rire. Un rire froid, méprisant. À mille lieues du rire chaleureux qu’il me réserve en société et qui me transforme en guimauve. Là, il me toise et finit de se rhabiller comme si je n’étais pas là.
– Allons, ne fais pas l’enfant ! Tu ne vas pas verser dans ces niaiseries. Je te parle de mariage, pas de sentiments !
Je m’entête, de plus en plus soufflée par ses déclarations.
– Et si moi je veux les deux ? Ne me dis pas que ça n’existe pas !
De nouveau, son rire attaque peu à peu mes neurones au point que je deviens sourde à toute pensée raisonnable.
– Tout dépend ce que tu veux. Si tu es prête à te contenter d’un individu médiocre, d’un petit provincial, alors tente ta chance ! Mais si tu veux devenir « Mme Porter », ce sera à mes conditions. Je pensais que tu en avais conscience. Tu ne pourras plus dire que tu n’es pas au courant.
À prendre ou à laisser !
Dans cette phrase qui conclut froidement notre discussion, Cody met tout mon avenir en balance.
Mes rêves de vie parfaite se sont fracassés à chaque nouvelle révélation. Avec toute la dignité qu’il me reste, je retire l’énorme solitaire qui ornait ma main gauche et la jette sur le lit. Je le rate. Dommage.
Je tourne les talons et regarde une dernière fois par-dessus mon épaule.
– Oh, et considère que ceci est ma façon socialement incorrecte de rompre. Pauvre type !
Ma dignité me fait garder la tête haute jusqu’à la porte de l’immeuble. Dans le taxi, la façade se lézarde, mais je tiens encore bon. Hors de question de me répandre sur le cuir confortable de la berline. Les appels récurrents de Cody, que je rejette avec détermination, entretiennent la colère. Mais à l’instant où les portes de mon confortable appartement se referment sur moi, je ne suis plus que douleur, déception et sanglots bruyants qui explosent en convulsions.
Depuis toujours je fais ce qu’on attend de moi, et je me retrouve seule. Pire, mon image lisse a donné l’impression à Cody qu’il pouvait me traiter ainsi, comme une simple image. L’image parfaite de la femme parfaite… Parfaitement inutile oui ! Inutile, exploitée, et finalement rabaissée au simple rang d’ornement.
Je m’autorise un long apitoiement à coups de glace et de chocolat, et analyse la voie que j’ai suivie jusque-là et ses conséquences. Je me suis brimée, limitée, et tout ça pour quoi ? Pour réaliser que je suis à côté de la plaque.
Subitement, je prends conscience de ce qui est tapi au fond de moi depuis longtemps : j’ai envie de plus. De mener de front carrière et vie familiale. De rencontrer un homme qui me respecte et ne me prenne pas juste pour un bibelot utile. De m’autoriser, moi aussi, un petit grain de folie, et plus de liberté.
Mais plus que tout, en cet instant, j’ai envie – non, j’ai besoin – de fuir ce téléphone qui ne cesse de sonner et les murs trop étroits de mon appartement. J’ai besoin de grand air, de rires tonitruants et de jurons bien sentis. J’ai besoin de câlins à écraser la cage thoracique et d’une bonne dose de bêtises débitées sous emprise glycémique maximale.
Et je sais parfaitement qui pourra me fournir ce cocktail détonant !
Voilà!
J’espère que vous avez autant apprécié que moi ces quelques jours passés ensemble avec Aurore et Dexter et que vous êtes prêts pour la suite!
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